Vu la procédure suivante :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 janvier 2012 par laquelle le président de l'office public de l'habitat Moselis a refusé d'indemniser l'intégralité des frais de procédure et limité le remboursement de ces frais à hauteur de 23 921,82 euros, frais engagés pour se défendre dans le cadre d'une procédure pénale dirigée contre lui et d'une procédure pénale qu'il a initiée en portant plainte avec constitution de partie civile. Par un jugement n° 1201724 du 4 décembre 2013, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision en tant qu'elle refuse le versement à l'intéressé d'une somme de 2 392 euros correspondant aux frais engagés pour sa défense devant la Cour de cassation dans le cadre de la procédure pénale engagée contre lui et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un arrêt n° 14NC00175 du 26 février 2015, enregistré le 27 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 3 février 2014 au greffe de cette cour, présenté par M.A....
Par ce pourvoi et un mémoire en réplique, enregistré le 14 janvier 2015 au greffe de la cour, ainsi que par un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 15 juin 2015 et le 15 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat (OPH) Moselis la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pauline Jolivet, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. B...A...et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de l'office public de l'habitat Moselis ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...A...a sollicité de l'office public de l'habitat (OPH) Moselis le bénéfice de la protection à laquelle les agents publics ont droit du fait de leurs fonctions, en raison de la procédure pénale qui avait été diligentée à son encontre pour des faits commis alors qu'il était président du conseil d'administration de l'office public d'aménagement et de construction (OPAC) de la Moselle, auquel l'OPH Moselis a succédé ; que par un arrêt n° 10NC00924 du 4 août 2011, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé les décisions, implicites puis explicites, de l'OPH Moselis lui refusant le bénéfice de cette protection ; qu'à la suite de cet arrêt, M. A...a demandé à l'OPH de prendre en charge la somme de 105 498,66 euros au titre des frais engagés pour sa défense dans le cadre des poursuites pénales dont il avait fait l'objet ainsi qu'une somme de 50 686,48 euros au titre de la procédure pénale qu'il avait lui-même engagée contre quatre salariés de l'office ; qu'il a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 24 janvier 2012 par laquelle le président de l'OPH a, d'une part, limité à 23 921,82 euros la prise en charge des frais qu'il avait exposés pour se défendre dans le cadre de la procédure pénale engagée contre lui, d'autre part, refusé toute prise en charge des frais afférents à la seconde procédure pénale, engagée à son initiative à l'encontre de quatre salariés de l'office ; que par un jugement du 4 décembre 2013, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision en tant seulement qu'elle refusait à M. A...le versement d'une somme de 2 392 euros correspondant aux frais d'avocat qu'il avait exposés devant la Cour de cassation dans le cadre de la procédure pénale engagée contre lui ; que M. A...se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2. Considérant que lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet ; que ce principe général du droit a d'ailleurs été expressément réaffirmé par la loi, notamment en ce qui concerne les fonctionnaires et agents non titulaires par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant statut général de la fonction publique, et par les articles L. 2123-34, L. 2123-35, L. 3123-28, L. 3123-29, L. 4135-28 et L. 4135-29 du code général des collectivités territoriales, s'agissant des exécutifs des collectivités territoriales ; que cette protection s'applique à tous les agents publics, quel que soit le mode d'accès à leurs fonctions ; que cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis ; que la mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre ; qu'il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;
3. Considérant que le litige opposant M. A...à l'OPH Moselis dont est saisi le Conseil d'Etat a pour objet la détermination des conditions de mise en oeuvre de la protection fonctionnelle dont M. A...a sollicité le bénéfice en sa qualité de président du conseil d'administration de l'OPAC de la Moselle et dont le droit lui a été reconnu, en ce qui concerne l'une des procédures pénales en cause, par l'arrêt du 4 août 2011 de la cour administrative d'appel de Nancy, revêtu sur ce point de l'autorité absolue de chose jugée ; qu'il résulte de l'article L. 421-1 du code de la construction et de l'habitation que cet organisme a, comme l'OPH Moselis qui lui a succédé, la nature d'un établissement public à caractère industriel et commercial ; qu'en application des dispositions de l'article R. 421-15 du même code, dans sa version applicable au litige : " Le conseil d'administration élit en son sein, à la majorité absolue des membres en fonction, un président qui doit nécessairement être choisi parmi les membres désignés par la collectivité locale ou l'établissement public de rattachement " ; que la question de savoir s'il existe entre le président du conseil d'administration d'un établissement public industriel et commercial et cet établissement un rapport de droit public de nature à justifier la compétence de la juridiction administrative pour connaître d'un litige tel que celui opposant M. A... à l'OPH Moselis présente une difficulté sérieuse, de nature à justifier le recours à la procédure prévue par l'article 35 du décret du 27 février 2015 ; que, par suite, il y a lieu de renvoyer au Tribunal des conflits la question de savoir si l'action introduite par M. A...devant le tribunal administratif de Strasbourg relève ou non de la compétence de la juridiction administrative et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de M. A...jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir si le litige né de l'action de M. A...tendant à obtenir, au titre de la protection fonctionnelle, le remboursement de frais de procédure engagés à raison de ses fonctions de président de l'office public d'aménagement et de construction de la Moselle relève ou non de la compétence de la juridiction administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à l'office public de l'habitat Moselis.