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08/07/2016 | FRANCE | N°388609

France | France, Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 08 juillet 2016, 388609


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Comité radicalement anti-corrida demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté sa demande d'adoption de mesures individuelles et réglementaires afin d'interdire l'engagement par contrat de travail de " matadors " mineurs ;

2°) d'enjoindre au ministre du travail, de l'emploi, de

la formation professionnelle et du dialogue sociale d'interdire le recruteme...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Comité radicalement anti-corrida demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté sa demande d'adoption de mesures individuelles et réglementaires afin d'interdire l'engagement par contrat de travail de " matadors " mineurs ;

2°) d'enjoindre au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue sociale d'interdire le recrutement par contrat de travail de " matadors " mineurs ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

1. Considérant que, par une lettre du 15 juillet 2014, l'association Comité radicalement anti-corrida doit être regardée comme ayant demandé au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, après avoir relevé que des mineurs âgés de seize ou dix-sept ans étaient inscrits au programme de manifestations tauromachiques qui devaient se dérouler les 2 et 10 août 2014, ainsi que le 7 septembre 2014, de prendre tant des décisions individuelles visant à interdire la participation de mineurs à ces manifestations tauromachiques que des dispositions réglementaires prohibant, de façon générale, l'emploi de mineurs dans les manifestations tauromachiques ; que, par la présente requête, l'association requérante demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet que le ministre a opposée à ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle porte refus de prononcer des décisions individuelles :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) / 2° Des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale et contre leurs circulaires et instructions de portée générale (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 351-4 du même code : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi (...) le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une juridiction administrative, (...) le Conseil d'Etat (...) est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance (...) " ;

3. Considérant que dans la mesure où la requête de l'association Comité radicalement anti-corrida tend à l'annulation du refus de prendre des décisions individuelles visant à interdire la participation de mineurs à des manifestations tauromachiques ayant eu lieu respectivement les 2 et 10 août ainsi que le 7 septembre 2014, elle ne pouvait donner lieu à aucune mesure d'exécution, à la date à laquelle elle a été introduite ; que, par suite, en application de l'article R. 351-4 précité du code de justice administrative, le Conseil d'Etat est compétent pour rejeter ces conclusions comme entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle porte refus d'édicter des dispositions réglementaires :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé du travail :

4. Considérant que la décision par laquelle une autorité administrative refuse de faire droit à une demande tendant à l'édiction d'une mesure réglementaire dont l'objet et la nature sont indiqués avec suffisamment de précision constitue nécessairement une décision réglementaire susceptible de recours ; que, par suite, le ministre chargé du travail n'est pas fondé à soutenir que les conclusions en cause seraient irrecevables, au motif qu'elles seraient dirigées contre le refus d'édicter une mesure qui n'était pas juridiquement nécessaire ;

En ce qui concerne la légalité de la décision implicite de rejet :

5. Considérant que, si elles ne sont pas expressément désignées comme telles par l'article L. 7121-2 du code du travail fixant une liste non limitative d'artistes du spectacle, les personnes employées pour participer à une manifestation tauromachique doivent être regardées comme des artistes du spectacle régis par les dispositions du chapitre 1er du titre II du livre Ier de la septième partie de ce code ; qu'aux termes de l'article L. 7124-16 du même code, inclus dans le chapitre IV du même titre II et applicable aux enfants dans le spectacle et les professions ambulantes : " Il est interdit : / 1° A toute personne de faire exécuter par des enfants de moins de seize ans des tours de force périlleux ou des exercices de dislocation, ou de leur confier des emplois dangereux pour leur vie, leur santé ou leur moralité (...) " ; que ces dispositions régissent ainsi spécifiquement les conditions d'emplois des artistes du spectacle mineurs et limitent l'interdiction qu'elles posent aux enfants de moins de seize ans ; qu'il s'en suit que l'association requérante ne peut utilement se prévaloir des règles générales posées par l'article L. 4153-8 du code du travail posant une interdiction " d'employer des travailleurs de moins de dix-huit ans à certaines catégories de travaux les exposant à des risques pour leur santé, leur sécurité, leur moralité ou excédant leurs forces ", ni des articles D. 4153-16 et D. 4153-37 du code du travail, pris en application de ces règles générales et prohibant l'affectation de travailleurs de moins de dix-huit ans " à des travaux les exposant à des actes ou représentations à caractère (...) violent " et à " des travaux en contact d'animaux féroces ou venimeux " ; que l'association requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le refus du ministre serait illégal au motif tiré d'une méconnaissance des dispositions des articles D. 4153-16 et D. 4153-37 du code du travail, dès lors que celles-ci, ainsi qu'il vient d'être dit, ne régissent pas la situation des artistes du spectacle mineurs ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association Comité radicalement anti-corrida n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite de rejet qu'elle attaque en tant que cette décision emporte refus d'édicter des dispositions réglementaires d'interdiction ;

Sur les autres conclusions de la requête :

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de l'association requérante à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'association Comité radicalement anti-corrida est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Comité radicalement anti-corrida et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 1ère - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 388609
Date de la décision : 08/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

09 ARTS ET LETTRES - TAUROMACHIE - APPLICATION DE LA LÉGISLATION SUR LES ARTISTES DU SPECTACLE DU CODE DU TRAVAIL (ART - L - 7 DU CODE DU TRAVAIL) - EXISTENCE.

09 Si elles ne sont pas expressément désignées comme telles par l'article L. 7121-2 du code du travail fixant une liste non limitative d'artistes du spectacle, les personnes employées pour participer à une manifestation tauromachique doivent être regardées comme des artistes du spectacle régis par les dispositions du chapitre 1er du titre II du livre Ier de la septième partie de ce code. Sont donc applicables les dispositions spécifiques du code du travail régissant les conditions d'emplois des personnes mineures employées comme artistes du spectacle.

TRAVAIL ET EMPLOI - RÉGLEMENTATIONS SPÉCIALES À L'EMPLOI DE CERTAINES CATÉGORIES DE TRAVAILLEURS - ARTISTES DU SPECTACLE (ART - L - 7121-2 DU CODE DU TRAVAIL) - CHAMP D'APPLICATION - TAUROMACHIE - INCLUSION.

66-032 Si elles ne sont pas expressément désignées comme telles par l'article L. 7121-2 du code du travail fixant une liste non limitative d'artistes du spectacle, les personnes employées pour participer à une manifestation tauromachique doivent être regardées comme des artistes du spectacle régis par les dispositions du chapitre 1er du titre II du livre Ier de la septième partie de ce code. Sont donc applicables les dispositions spécifiques du code du travail régissant les conditions d'emplois des personnes mineures employées comme artistes du spectacle.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2016, n° 388609
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Pacoud
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:388609.20160708
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