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20/06/2016 | FRANCE | N°396353

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 20 juin 2016, 396353


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 19 octobre 2015, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que le compte de campagne de M. C...D...et Mme A...B..., binôme candidat aux élections départementales qui se sont déroulées les 22 et 29 mars 2015 dans le canton de Ham (Somme), n'était pas présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables en violation des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral, rejeté par conséquent le compte et saisi le tribunal administratif d'Amiens sur le fondement de l'article

L. 52-15 du même code.

Par un jugement n° 1503212 du 22 décembre 2...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 19 octobre 2015, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que le compte de campagne de M. C...D...et Mme A...B..., binôme candidat aux élections départementales qui se sont déroulées les 22 et 29 mars 2015 dans le canton de Ham (Somme), n'était pas présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables en violation des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral, rejeté par conséquent le compte et saisi le tribunal administratif d'Amiens sur le fondement de l'article L. 52-15 du même code.

Par un jugement n° 1503212 du 22 décembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a déclaré M. D...et Mme B...inéligibles pour une durée d'un an et démissionnaires d'office de leur mandat de conseiller départemental.

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D...et Mme B...demandent au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Jolivet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. C...D...et de Mme A...B...;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er juin 2016, présentée par M. D...et MmeB... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 19 octobre 2015, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a constaté que le compte de campagne déposé par M. C...D...et Mme A...B..., binôme candidat aux élections départementales qui se sont déroulées les 22 et 29 mars 2015 dans le canton de Ham (Somme), n'avait pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables en violation des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral. Saisi par la commission en application de l'article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif d'Amiens, par un jugement du 22 décembre 2015, dont M. D...et Mme B...relèvent appel, a déclaré les intéressés inéligibles pour une durée d'un an à compter de la date à laquelle ce jugement deviendra définitif et, à cette même date, démissionnaires d'office de leur mandat de conseiller départemental.

2. Aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. La même obligation incombe au candidat ou au candidat tête de liste dès lors qu'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 du présent code selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. (...) Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. / Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; celui-ci met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n'est pas nécessaire lorsqu'aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne. Dans ce cas, le mandataire établit une attestation d'absence de dépense et de recette. Cette présentation n'est pas non plus nécessaire lorsque le candidat ou la liste dont il est tête de liste a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés et qu'il n'a pas bénéficié de dons de personnes physiques selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. (...) ". Aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : " Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. / Saisi dans les mêmes conditions, le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. / Il prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales. / L'inéligibilité déclarée sur le fondement des premier à troisième alinéas est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. / Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office ".

3. Pour déclarer inéligibles M. D...et MmeB..., le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur le troisième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral cité au point 2, qui concerne le cas où le compte de campagne d'un candidat a été rejeté à bon droit pour volonté de fraude ou manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. En statuant ainsi, alors que le rejet du compte de M. D...et Mme B... était fondé, non sur leur volonté de fraude ou sur un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, mais sur le défaut de présentation de leur compte dans les conditions prévues par l'article L. 52-12 du même code, cas visé par le deuxième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

4. Il appartient, toutefois, au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

5. Le deuxième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral dispose que : " Le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ". Pour apprécier s'il y a lieu de faire usage de la faculté donnée par ces dispositions, il appartient au juge de l'élection de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte, du montant des sommes en cause ainsi que de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

6. Il résulte de l'instruction que M. D...et Mme B...ont été élus au second tour de scrutin avec 52,1 % des suffrages exprimés. Ils ont déposé devant la Commission un compte de campagne qui faisait état de 9 702 euros de dépenses électorales. Il est constant que ce compte n'a pas été déposé devant la Commission par un membre de l'ordre des experts-comptables ou par un comptable agréé, alors pourtant que la Commission les avait invités à régulariser cette omission dès le 13 juillet 2015. Les intéressés, qui ont d'autres mandats électifs, se sont bornés à produire le jour de la clôture de l'instruction devant le tribunal administratif une copie de leur compte de campagne sur laquelle était simplement apposée la signature d'un expert-comptable. Compte tenu du caractère substantiel de la formalité qu'ils ont méconnue, laquelle est destinée à assurer un contrôle effectif des comptes de campagne par la Commission dans le délai limité qui lui est imparti, de l'ensemble des circonstances de l'espèce et alors même que leur compte ne comporterait pas d'autres irrégularités, il y lieu de déclarer M. D...et Mme B...inéligibles à toutes les élections pour une durée d'un an.

7. Il résulte de ce qui précède que M. D...et Mme B...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens les a déclarés inéligibles à toutes les élections pendant une durée d'un an à compter de la date à laquelle ce jugement revêtira un caractère définitif et, à cette date, démissionnaires d'office de leur mandat de conseiller départemental.

8. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. D...et de Mme B...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C...D...et Mme A...B...et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 396353
Date de la décision : 20/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 2016, n° 396353
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Jolivet
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:396353.20160620
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