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16/06/2016 | FRANCE | N°398034

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 16 juin 2016, 398034


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 mars et 20 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les paragraphes 195 à 205 de l'instruction référencée BOI-RSA-CHAMP-20-30-10-10 publiée au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts le 11 mars 2016 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;


Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 mars et 20 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les paragraphes 195 à 205 de l'instruction référencée BOI-RSA-CHAMP-20-30-10-10 publiée au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts le 11 mars 2016 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2014-788 du 10 juillet 2014, notamment son article 7 ;

- le code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 31 mai 2016, présentée par M.B... ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

1. Considérant que l'article 81 bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 7 de la loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires, prévoit une exonération de l'impôt sur le revenu, dans la limite du montant annuel du salaire minimum de croissance, pour les gratifications mentionnées à l'article L. 124-6 du code de l'éducation versées aux stagiaires lors d'un stage ou d'une période de formation en milieu professionnel ; que le requérant doit être regardé comme demandant l'annulation, d'une part, du paragraphe 200 et du titre du paragraphe 205 de l'instruction référencée BOI-RSA-CHAMP-20-30-10-10 publiée au Bulletin officiel des finances publiques-Impôts le 11 mars 2016 en tant qu'ils limitent cette exonération aux indemnités et gratifications versées à compter du 12 juillet 2014 et, d'autre part, du troisième alinéa du paragraphe 205 qui énonce que : " En cas d'entrée ou de fin de stage en cours d'année, cette limite d'exonération doit être ajustée en fonction de la durée du stage. A ce titre, il est admis qu'elle soit ajustée par un prorata calculé en nombre de mois " ;

2. Considérant que, dans sa décision du 10 février 2016 nos 394708, 394729, 394910, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, faisant droit à une demande d'annulation des paragraphes 195 à 205 de l'instruction fiscale " BOI-RSA-CHAMP-20-30-10-10 : RSA - Champ d'application - Eléments du revenu imposable - Revenus accessoires - Indemnités, primes, allocations, gratifications - Salarié du secteur privé ", publiée au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts le 28 août 2015, en tant qu'ils prévoyaient une application différenciée de l'exonération d'impôt sur le revenu en faveur des gratifications de stage prévue à l'article 81 bis du code général des impôts selon la date de signature de la convention de stage et, plus particulièrement, selon que cette signature est intervenue avant ou après le 1er septembre 2015, a jugé que l'exonération d'impôt sur le revenu prévue à l'article 81 bis du code général des impôts tel que modifié par l'article 7 de la loi, laquelle n'a différé ni son entrée en vigueur ni sa date d'application, est applicable aux gratifications versées à compter du 12 juillet 2014, date d'entrée en vigueur de la loi, aux stagiaires visés par les dispositions de l'article L. 612-11, devenu à cette date L. 124-6, du code de l'éducation, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la date de signature des conventions de stage en vertu desquelles elles ont été versées ; que cette décision est revêtue de l'autorité absolue de chose jugée ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

4. Considérant que le requérant soutient que l'article 7 de la loi du 10 juillet 2014 méconnaît le principe d'égalité devant la loi et le principe d'égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'il prévoit un traitement fiscal différencié des gratifications de stage selon qu'elles ont été versées avant ou après le 12 juillet 2014 , alors que les dispositions de l'article 81 bis modifié du code général des impôts, dès lors qu'elles étaient en vigueur au 31 décembre 2014, date du fait générateur pour l'impôt sur le revenu, devaient s'appliquer à l'ensemble des revenus de l'année 2014 ;

5. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 2 ci-dessus, le législateur, en visant les gratifications mentionnées à l'article L. 124-6 du code de l'éducation, lequel est entré en vigueur le 12 juillet 2014, a fixé à cette même date l'entrée en vigueur de cette exonération ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions sans qu'il puisse, ce faisant, priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; que la différence de traitement qui résulte de la succession de deux régimes juridiques dans le temps n'est pas, en elle-même, contraire aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques ; que l'entrée en vigueur de l'exonération litigieuse n'a pas privé de garanties légales des exigences constitutionnelles ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article 7 de la loi du 10 juillet 2014 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

Sur la légalité de l'instruction :

7. Considérant que le paragraphe 200 de l'instruction attaquée indique qu'il est admis que les indemnités et gratification de stage versées jusqu'au 12 juillet 2014 ne soient pas comprises dans la base de l'impôt sur le revenu sous certaines conditions, la date du 12 juillet 2014 étant également reprise au titre du paragraphe 205 ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus que ces énonciations, en retenant ainsi la date du 12 juillet 2014 comme date à compter de laquelle s'applique l'exonération d'impôt sur le revenu instituée par la loi en faveur des gratifications de stage, ne méconnaissent pas l'article 81 bis du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 2014 ;

8. Considérant que, pour le reste, le paragraphe 205 de l'instruction attaquée, qui rappelle que la loi du 10 juillet 2014 a modifié l'article 81 bis du code général des impôts pour étendre aux gratifications des stagiaires l'exonération d'impôt sur le revenu jusque-là applicable aux salaires versés aux apprentis, n'est contesté qu'en tant qu'il énonçait au troisième alinéa, dans la version de cette instruction publiée le 11 mars 2016, que : " En cas d'entrée ou de fin de stage en cours d'année, cette limite d'exonération doit être ajustée en fonction de la durée du stage. A ce titre, il est admis qu'elle soit ajustée par un prorata calculé en nombre de mois " ; que cet alinéa a été supprimé dans la version de l'instruction publiée le 21 avril 2016, et n'a pu produire d'effets entre le 11 mars et cette dernière date ; que, dès lors, les conclusions de M. B... sur ce point sont devenues sans objet ;

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B...tendant à l'annulation du troisième alinéa du paragraphe 205 de l'instruction référencée BOI-RSA-CHAMP-20-30-10-10 publiée au Bulletin officiel des finances publiques-Impôts le 11 mars 2016.

Article 3 : Le surplus de la requête de M. B...est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au ministre des finances et des comptes publics et au Premier ministre.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 398034
Date de la décision : 16/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2016, n° 398034
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Etienne de Lageneste
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:398034.20160616
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