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08/06/2016 | FRANCE | N°380769

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 08 juin 2016, 380769


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 mai et 28 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Groupement des transporteurs de personnes en voiture de tourisme (GTPVT) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 2 du décret n° 2014-371 du 26 mars 2014 relatif à la durée maximale de stationnement des taxis, des véhicules de transport motorisés à deux ou trois roues utilisés pour le transport de personnes et des voitures de tourisme avec chauffeur dans les gares et aér

ogares, codifié à l'article D. 231-1-5 du code du tourisme ;

2°) de mettre à...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 mai et 28 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Groupement des transporteurs de personnes en voiture de tourisme (GTPVT) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 2 du décret n° 2014-371 du 26 mars 2014 relatif à la durée maximale de stationnement des taxis, des véhicules de transport motorisés à deux ou trois roues utilisés pour le transport de personnes et des voitures de tourisme avec chauffeur dans les gares et aérogares, codifié à l'article D. 231-1-5 du code du tourisme ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 62 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de l'aviation civile ;

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des transports ;

- le code du tourisme ;

- la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ;

- la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 ;

- le décret du 22 mars 1942 portant règlement d'administration publique sur la police, la sûreté et l'exploitation des voies ferrées d'intérêt général et d'intérêt local ;

- le décret n° 2014-1725 du 30 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat du Groupement des transporteurs de personnes en voitures de tourisme ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 231-3 du code du tourisme, dans sa rédaction modifiée par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation : " Les voitures de tourisme avec chauffeur ne peuvent pas être louées à la place. / Elles ne peuvent prendre en charge un client que si leur conducteur peut justifier d'une réservation préalable. / Elles ne peuvent ni stationner, ni circuler sur la voie publique en quête de clients. / Elles ne peuvent stationner à l'abord des gares et aérogares, dans le respect des règles du code de la route ou des règlements édictés par l'autorité compétente, que si leur conducteur peut justifier de la réservation préalable mentionnée au deuxième alinéa. / Sous la même condition de réservation préalable mentionnée au deuxième alinéa, elles ne peuvent stationner à l'abord des gares et des aérogares ou, le cas échéant, dans l'enceinte de celles-ci au-delà d'une durée précédant la prise en charge de leur clientèle. La durée de ce stationnement est fixée par décret " ; que le Groupement des transporteurs de personnes en voiture de tourisme (GTPVT) demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 2 du décret du 26 mars 2014 relatif à la durée maximale de stationnement des taxis, des véhicules de transport motorisés à deux ou trois roues utilisés pour le transport de personnes et des voitures de tourisme avec chauffeur dans les gares et aérogares, qui insère dans le code du tourisme un article D. 231-1-5 ainsi rédigé : " Est fixée à une heure la durée maximale de stationnement précédant l'heure de prise en charge souhaitée par le client prévue au cinquième alinéa de l'article L. 231-3 " ;

Sur les conclusions à fins de non-lieu :

2. Considérant que la circonstance que le décret du 30 décembre 2014 relatif au transport public particulier de personnes a abrogé le décret attaqué du 26 mars 2014 ainsi que les dispositions réglementaires du code du tourisme relatives à l'exploitation des véhicules de tourisme ne prive pas d'objet la présente requête dès lors que le décret attaqué a fait l'objet d'une application et que, au surplus, ses dispositions ont été reprises, s'agissant de la durée maximale de stationnement, à l'article D. 3120-3 du code des transports ; que, par suite, les conclusions à fin de non-lieu présentées par le ministre ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la légalité externe :

3. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 231-3 du code du tourisme a prévu que la durée maximale de stationnement dans les gares et aérodromes serait fixée par décret ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions du décret attaqué empièteraient illégalement sur les compétences attribuées au préfet par les dispositions du décret du 22 mars 1942 visé ci-dessus, de l'article L. 213-2 du code de l'aviation civile ou de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 462-2 du code de commerce l'Autorité de la concurrence est " obligatoirement consultée par le Gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet : / 1° De soumettre l'exercice d'une profession ou l'accès à un marché à des restrictions quantitatives ; / 2° D'établir des droits exclusifs dans certaines zones ; / 3° D'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente " ; que le principe d'une durée maximale de stationnement des voitures de tourisme à l'abord des gares et des aérogares ou, le cas échéant, dans l'enceinte de celles-ci, résulte, non du décret contesté, mais des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 231-3 du code du tourisme ; qu'il ne saurait ainsi être utilement soutenu, en tout état de cause, que les dispositions contestées du décret attaqué auraient institué un " régime nouveau " au sens des dispositions de l'article L. 462-2 du code de commerce ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'absence de consultation de l'Autorité de la concurrence sur le décret contesté ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité interne :

5. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions combinées des articles L. 231-1 et D. 231-1-5 du code du tourisme ne sauraient être regardées comme instituant un mécanisme conduisant nécessairement à un abus de position dominante de la part des sociétés de taxis sur le marché de la réservation, ou à une distorsion de concurrence au profit de ces dernières ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance par ces dispositions des stipulations de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et des dispositions du livre IV du code de commerce ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si le Groupement requérant conteste la circonstance que, contrairement aux véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), les taxis intervenant dans leur commune de rattachement ne sont soumis à aucune limitation de durée de stationnement à l'abord des gares et des aérogares ou, le cas échéant, dans l'enceinte de celles-ci, cette différence de traitement trouve son fondement dans les dispositions législatives régissant, respectivement, l'activité de taxi et celle de VTC ; que, par suite, les moyens tirés de ce que les dispositions attaquées du décret du 26 mars 2014 porteraient atteinte à la libre concurrence ou au principe d'égalité ne peuvent qu'être écartés ;

7. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient le Groupement requérant, la formule " abords des gares et aérogares ", qui figure dans les dispositions législatives en application desquelles le décret attaqué a été pris, est suffisamment claire et précise et n'avait pas à être explicitée par ce décret ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la norme ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que, d'une part, le principe d'une durée maximale de stationnement des voitures de tourisme avec chauffeur dans l'enceinte ou à l'abord des gares et aérogares résulte, ainsi qu'il a été dit, non du décret contesté, mais des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 231-3 du code du tourisme et ne saurait, par suite, être utilement contesté dans la présente requête ; que, d'autre part, les dispositions du décret attaqué se bornent à fixer la durée maximale de stationnement avant l'heure prévue pour la prise en charge du client et n'ont ni pour objet ni pour effet de déterminer une durée globale de stationnement autorisé ; que, contrairement à ce qui est soutenu, elles ne font ainsi pas obstacle à ce que les chauffeurs de véhicule de tourisme stationnent au-delà de l'heure de prise de contact prévue avec leur client, et jusqu'à sa prise en charge effective, dans le cas où des retards affectent l'heure d'arrivée du train ou de l'avion emprunté par ce dernier ou l'accomplissement des formalités d'arrivée ; que ces dispositions n'ont par elles-mêmes ni pour objet ni pour effet d'imposer aux chauffeurs des " retours à vide " ; que si la limitation à une heure de la durée préalable de stationnement est susceptible de rendre plus difficile la prise en charge de passagers par les VTC aussi bien à l'aller qu'au retour, il ne ressort pas des pièces versées au dossier, en tout état de cause, qu'en fixant la durée de stationnement à une heure, le décret contesté serait de nature à causer à la profession des VTC des pertes de chiffre d'affaires mettant gravement en cause son équilibre financier ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce qu'en fixant à une heure la durée maximale de stationnement, les dispositions de l'article 2 du décret du 26 mars 2014 auraient institué, au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie et du principe d'égalité, une contrainte disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, que la requête du Groupement des transporteurs de personnes en voiture de tourisme doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du Groupement des transporteurs de personnes en voiture de tourisme est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Groupement des transporteurs de personnes en voiture de tourisme et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 380769
Date de la décision : 08/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2016, n° 380769
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste de Froment
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:380769.20160608
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