La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/05/2016 | FRANCE | N°390049

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 13 mai 2016, 390049


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 11 mai 2015, 12 août 2015 et 8 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat professionnel " Club des acteurs des technologies nouvelles de connexion et d'effacement pour l'habitat, l'optimisation énergétique et le développement de l'effacement électrique " (CATHODE) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 26 février 2015 portant ap

probation des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement e...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 11 mai 2015, 12 août 2015 et 8 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat professionnel " Club des acteurs des technologies nouvelles de connexion et d'effacement pour l'habitat, l'optimisation énergétique et le développement de l'effacement électrique " (CATHODE) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 26 février 2015 portant approbation des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre ;

2°) d'enjoindre à la Commission de régulation de l'énergie, dans un délai de dix jours et sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, de modifier ces règles en ce qu'elles décomptent les quantités correspondant aux reports de consommation induits par les effacements de consommation d'électricité comme faisant partie du soutirage total du responsable d'équilibre auquel sont rattachés les programmes d'effacement retenu puis les chroniques d'effacement réalisé d'un opérateur d'effacement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 ;

- le code de l'énergie ;

- le code de commerce ;

- la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 ;

- le décret n° 2014-764 du 3 juillet 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 avril 2016, présentée par le syndicat professionnel CATHODE ;

1. Considérant que l'article 14 de la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes institue, à l'article L. 271-1 du code de l'énergie, un mécanisme de valorisation, sur les marchés de l'énergie et sur le mécanisme d'ajustement prévu à l'article L. 321-10 du même code, des effacements de consommation d'électricité réalisés par les opérateurs d'effacement auprès de consommateurs d'électricité ; que l'article L. 271-1 de ce code, dans sa rédaction issue de cette loi, prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixe la méthodologie utilisée pour établir les règles permettant cette valorisation ; qu'aux termes de cet article L. 271-1, ces règles " prévoient la possibilité, pour un opérateur d'effacement, de procéder à des effacements de consommation, indépendamment de l'accord du fournisseur d'électricité des sites concernés, et de les valoriser sur les marchés de l'énergie ou sur le mécanisme d'ajustement mentionné au même article L. 321-10, ainsi qu'un régime de versement de l'opérateur d'effacement vers les fournisseurs d'électricité des sites effacés. Ce régime de versement est établi en tenant compte des quantités d'électricité injectées par ou pour le compte des fournisseurs des sites effacés et valorisées par l'opérateur d'effacement sur les marchés de l'énergie ou sur le mécanisme d'ajustement. (...) " ; qu'en application de l'article 3 du décret du 3 juillet 2014 relatif aux effacements de consommation d'électricité pris pour l'application de ces dispositions, ces règles sont définies par le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité et soumises à l'approbation de la Commission de régulation de l'énergie ;

2. Considérant que le syndicat professionnel CATHODE demande l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 26 février 2015 de la Commission de régulation de l'énergie portant approbation des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre ; que, bien que le requérant demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette délibération dans son ensemble, il ressort de son argumentation qu'il ne conteste cette décision qu'en tant qu'elle approuve les dispositions de ces règles relatives à la participation des effacements de consommation d'électricité au mécanisme d'ajustement et au mécanisme de responsable d'équilibre ;

Sur la légalité externe de la délibération attaquée :

3. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions " ; qu'aux termes de l'article 108 du même traité : " (...) 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. / 4. La Commission peut adopter des règlements concernant les catégories d'aides d'État que le Conseil a déterminées, conformément à l'article 109, comme pouvant être dispensées de la procédure prévue au paragraphe 3 du présent article. " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, si la Commission européenne est seule compétente pour décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles qui sont mentionnées à l'article 107 du traité est ou non, compte tenu des dérogations qu'il prévoit, compatible avec le marché intérieur, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'illégalité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 108 d'en notifier le projet à la Commission préalablement à toute mise à exécution ; qu'en vertu de la jurisprudence de la Cour de justice, la qualification d'aide d'État au sens de l'article 107 suppose la réunion de quatre conditions, à savoir qu'il existe une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État, que cette intervention soit susceptible d'affecter les échanges entre les États membres, qu'elle accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire et qu'elle fausse ou menace de fausser la concurrence ;

5. Considérant, en premier lieu, que la requérante soutient que le versement au profit des fournisseurs d'électricité dont sont redevables les opérateurs d'effacement, prévu par l'article L. 271-1 du code de l'énergie cité au point 1 et dont le paragraphe 6 de l'article 4 de la Section 1 des règles contestées prévoit les modalités de calcul, constitue une aide d'Etat au sens de ces stipulations ; qu'il ressort de son argumentation qu'elle ne conteste ni ses modalités de calcul ni son montant, mais soutient qu'il ne rémunère aucun bien ou service livré par les fournisseurs d'électricité ;

6. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que, pour qu'un opérateur d'effacement puisse valoriser sur les marchés de l'énergie un effacement qu'il s'engage à réaliser, il est nécessaire que le fournisseur du consommateur effacé maintienne l'injection de l'électricité qu'il avait prévu de fournir au consommateur effacé ; que la propriété du " bloc d'énergie " issu de cette injection, rendu disponible sur le réseau du fait de l'effacement, est attribuée par les règles contestées à l'opérateur d'effacement afin qu'il le vende ; qu'en contrepartie de ce transfert de propriété, un versement doit être acquitté par l'opérateur d'effacement au profit du fournisseur, qui se substitue au prix que le consommateur lui aurait payé s'il ne s'était pas effacé ; qu'ainsi, ce versement a pour objet de rémunérer le fournisseur pour l'électricité injectée sur le réseau ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, le versement constitue la rémunération d'un bien dont la propriété est transférée du fournisseur à l'opérateur d'effacement ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier, alors même que les autres critères de qualification d'une aide d'Etat seraient réunis, que les règles contestées accordent un avantage aux fournisseurs d'électricité ;

7. Considérant, en second lieu, que la requérante soutient que les règles contestées instituent une aide d'Etat au profit des producteurs d'électricité dès lors qu'elle ne les assujettit pas au versement, à la différence des opérateurs d'effacement ; que, toutefois, contrairement aux opérateurs d'effacement, les producteurs d'électricité sont directement rémunérés par les fournisseurs d'électricité, par le paiement d'un prix, lorsque ces derniers leur achètent de l'électricité ; que, dès lors, en tout état de cause, les règles contestées n'accordent aucun avantage aux producteurs d'électricité ;

8. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance de l'obligation de notification prévue par l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne peuvent, par suite, qu'être écartés ;

Sur la légalité interne des dispositions contestées :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 321-10 du code de l'énergie, relatif au mécanisme d'ajustement : " Le gestionnaire du réseau public de transport assure à tout instant l'équilibre des flux d'électricité sur le réseau ainsi que la sécurité, la sûreté et l'efficacité de ce réseau, en tenant compte des contraintes techniques pesant sur celui-ci. (...) / A cette fin, le gestionnaire du réseau public de transport peut modifier les programmes d'appel mentionnés à l'article L. 321-9. (...) / Les règles de présentation des programmes et des propositions d'ajustement et les critères de choix entre les propositions d'ajustement qui sont soumises au gestionnaire du réseau public de transport sur le mécanisme d'ajustement sont approuvés par la Commission de régulation de l'énergie, préalablement à leur mise en oeuvre. " ; qu'aux termes de l'article L. 321-12 du même code : " Le gestionnaire du réseau public de transport peut conclure des contrats de réservation de puissance avec les consommateurs raccordés au réseau public de transport ou aux réseaux publics de distribution, lorsque leurs capacités d'effacement de consommation sont de nature à renforcer la sûreté du système électrique, notamment dans les périodes de surconsommation. Les coûts associés sont répartis entre les utilisateurs de ces réseaux et les responsables d'équilibre dans le cadre du règlement des écarts. Lorsqu'il décide de solliciter la mise en application d'un contrat de réservation de puissance conclu en vertu du présent article, le gestionnaire du réseau public de transport informe les gestionnaires des réseaux publics de distribution concernés. " ;

10. Considérant que les règles de valorisation approuvées par la Commission de régulation de l'énergie prévoient que tout opérateur d'effacement, s'il souhaite valoriser sur le mécanisme d'ajustement les effacements réalisés, doit d'abord adresser au gestionnaire du réseau de transport d'électricité une demande de participation à ce mécanisme et conclure avec lui un accord de participation ; qu'ensuite, l'opérateur qui a acquis la qualité d' " acteur d'ajustement " doit notifier à ce gestionnaire son " périmètre d'ajustement ", constitué de l'ensemble des sites de soutirage, regroupés en " entités d'ajustement ", des consommateurs qui lui ont donné leur accord en vue de réaliser des effacements ; qu'il peut alors soumettre des offres d'ajustement à ce gestionnaire, qui décide si elles sont retenues au titre du mécanisme d'ajustement ; que ces règles chargent enfin ce gestionnaire de contrôler la réalisation des ajustements ;

En ce qui concerne les missions confiées aux gestionnaires de réseaux de distribution :

11. Considérant que, pour les sites de soutirage qui sont raccordés au réseau public de distribution d'électricité, la Section 1 des règles approuvées par la Commission de régulation de l'énergie prévoit une association du gestionnaire de ce réseau à la mise en oeuvre du mécanisme de valorisation ; qu'ainsi, en application du paragraphe 2 de l'article 4 de cette Section, la composition des " périmètres d'ajustement " doit, à l'issue d'une période transitoire d'un mois, répondre aux conditions de rattachement des sites fixées par cet article, dont le gestionnaire de réseau de distribution est chargé de contrôler le respect ; que, pour assurer ce contrôle, les gestionnaires de réseaux de distribution ont accès aux informations relatives à l'identification des sites de soutirage concernés ; qu'enfin, en application du paragraphe 8.3 de l'article 4 de cette Section, le gestionnaire de réseau de transport fournit à tout gestionnaire de réseau de distribution qui en fait la demande, pour chaque " entité d'ajustement " raccordée au réseau qu'il gère, les " capacités d'ajustement " et les instants d'activation et de désactivation des ajustements ;

12. Considérant que le requérant soutient, en premier lieu, que ces règles méconnaissent l'article L. 321-15-1 du code de l'énergie, qui exclurait, selon elle, toute participation des gestionnaires de réseaux de distribution au mécanisme de valorisation des effacements de consommation ; que toutefois, si, aux termes de cet article, le gestionnaire du réseau public de transport " veille à la mise en oeuvre d'effacements de consommation sur les marchés de l'énergie et sur le mécanisme d'ajustement en cohérence avec l'objectif de sûreté du réseau avec celui de maîtrise de la demande d'énergie défini à l'article L. 100-2 et avec les règles prévues à l'article L. 271-1. (...) ", ce gestionnaire peut toutefois, pour l'exercice de ses missions relatives aux effacements, en application du dernier alinéa de l'article 3 du décret du 3 juillet 2014 relatif aux effacements de consommation d'électricité, " confier aux gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité ou à des tiers présentant des garanties d'indépendance à l'égard des opérateurs d'effacement et des fournisseurs d'électricité l'exécution de certaines de ces missions à l'exclusion de la certification des volumes d'effacement " ; que cette disposition ne méconnaît pas l'article L. 321-15-1 du code, qui confie au gestionnaire du réseau de transport la responsabilité de la mise en oeuvre d'effacements mais ne fait pas obstacle à une telle délégation dès lors qu'il conserve le contrôle de l'exécution des missions ainsi déléguées ; que, par suite, ce moyen ne peut être accueilli ;

13. Considérant que le requérant soutient, en second lieu, que les pouvoirs de contrôle de la composition des " entités d'ajustement " confiés aux gestionnaires de réseaux de distribution, ainsi que l'accès qui leur est accordé aux informations relatives aux sites et aux volumes de " capacités d'ajustement " transmises par les opérateurs d'effacement, sont dépourvus de base légale dès lors qu'ils ne sont pas indispensables à l'accomplissement par ceux-ci de la mission que leur attribue la loi ; que, toutefois, les prérogatives qui leur sont ainsi accordées sont conformes à leur objet légal qui, aux termes de l'article L. 322-9 du code de l'énergie, consiste à veiller " à tout instant, à l'équilibre des flux d'électricité, à l'efficacité, à la sécurité et à la sûreté du réseau " ; que si l'article L. 322-8 de ce code prévoit qu' " un gestionnaire de réseau de distribution d'électricité est, dans sa zone de desserte exclusive, notamment chargé, dans le cadre des cahiers des charges de concession et des règlements de service des régies, " d'effectuer certaines opérations, il ressort des termes mêmes de ces dispositions que cette énumération n'est pas limitative ; que, dès lors, ce moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne le positionnement concurrentiel des gestionnaires de réseaux de distribution sur le marché de l'effacement :

14. Considérant que le syndicat requérant soutient à la fois, d'une part, que les gestionnaires de réseaux de distribution exercent ou sont susceptibles d'exercer une activité d'opérateur d'effacement, et, d'autre part, qu'ils poursuivent des intérêts économiques divergents de ceux des opérateurs d'effacement et sont susceptibles d'entraver leur activité, du fait, en premier lieu, de leur dépendance à l'égard des fournisseurs d'énergie, concurrents directs de ces opérateurs, en deuxième lieu, des modalités de calcul de leur revenu et, enfin, de ce que ces gestionnaires sont susceptibles d'acheter des " blocs d'effacement " aux opérateurs d'effacement pour compenser les pertes sur les réseaux qu'ils gèrent ; qu'elle en déduit que l'accès qui leur est ouvert à des informations sensibles sur l'activité des opérateurs d'effacement ainsi que l'octroi qui leur est accordé, plutôt qu'au seul gestionnaire du réseau de transport, de prérogatives aux fins de contrôler le respect des conditions de rattachement des sites aux " périmètres d'ajustement ", sont de nature à les placer en situation d'abuser de leur position dominante sur le marché de l'effacement, en méconnaissance des stipulations combinées des articles 102 et 106, paragraphe 1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et des dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce ;

15. Considérant toutefois, en premier lieu, que l'article 4 de la Section 1 des règles contestées prévoit que les gestionnaires de réseaux de distribution, " du fait des responsabilités qui leur sont imparties au titre des Règles, ne peuvent pas revêtir la qualité d'Acteur d'ajustement " ; qu'ainsi, ces gestionnaires ne peuvent proposer sur le mécanisme d'ajustement des offres d'effacement valorisables selon ces règles ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, les effacements qui sont susceptibles d'être réalisés dans le cadre de différents projets menés par ces gestionnaires, notamment dans le cadre du déploiement du compteur Linky, ne peuvent être regardés comme une activité concurrente de celle des opérateurs d'effacement dès lors que ces effacements, qui ne donnent lieu à aucune commercialisation, sont effectués seulement dans l'objectif de maintenir l'équilibre et la sécurité du réseau, conformément à la mission de service public confiée aux gestionnaires de réseaux de distribution ; que si la requérante fait valoir que la modulation des tarifs d'acheminement perçus par ces gestionnaires est de nature à inciter les consommateurs à l'effacement, cette modulation résulte toutefois de l'article L. 341-4 du code de l'énergie, aux termes duquel : " (...) La structure et le niveau des tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution d'électricité sont fixés afin d'inciter les clients à limiter leur consommation aux périodes où la consommation de l'ensemble des consommateurs est la plus élevée. (...) " ; que les gestionnaires de réseaux de distribution ne sont, dès lors, pas directement concurrents des opérateurs d'effacement ;

16. Considérant, en deuxième lieu, que si le syndicat requérant fonde une partie de son argumentation sur les liens qui unissent les gestionnaires de réseaux de distribution aux fournisseurs d'électricité, d'une part, il résulte de l'article 4 de la Section 1 des règles contestées que les décisions de ces gestionnaires en matière de contrôle du respect des conditions de rattachement aux " périmètres d'ajustement " ne peuvent reposer que sur des " motifs légitimes justifiant le refus (...) conformément aux articles 4.2.2.1 et 4.2.2.2 ", lesquels déterminent les conditions de rattachement des sites ; que ces gestionnaires sont en outre tenus d'informer le gestionnaire de réseau de transport du motif d'un éventuel refus ; que, s'agissant d'autre part des informations auxquelles ils ont accès, ces gestionnaires, qui ne peuvent, ainsi qu'il a été dit au point précédent, proposer eux-mêmes sur le mécanisme d'ajustement des offres d'effacement bénéficiant de la valorisation prévue par les règles contestées, sont soumis, y compris vis-à-vis des sociétés du groupe auquel ils appartiennent qui exercent une activité de fourniture ou de production d'électricité, à l'obligation de confidentialité prévue à l'article L. 111-73 du code de l'énergie, qui couvre l'ensemble des " informations d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique dont la communication serait de nature à porter atteinte aux règles de concurrence libre et loyale et de non-discrimination ", ainsi que le rappelle d'ailleurs le paragraphe 6 de l'article 2 de la Section 1 des règles ; qu'en vertu des principes rendus applicables aux gestionnaires de réseaux de distribution desservant plus de 100 000 clients par les articles L. 111-57 et suivants du même code, les activités de gestion des réseaux publics de distribution d'électricité sont séparées et indépendantes des activités de production ou de fourniture ; que si cette obligation de séparation n'est pas applicable aux gestionnaires desservant au plus 100 000 clients, l'octroi à ces gestionnaires de prérogatives de contrôle des effacements ne méconnaît cependant pas les stipulations combinées des articles 102 et 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dès lors qu'aux termes de son article 102, est prohibée l'exploitation abusive d'une position dominante " sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci " et que les zones de desserte de ces gestionnaires ne constituent pas une partie substantielle du marché ;

17. Considérant, en troisième lieu, que contrairement à ce que soutient le requérant, le revenu des gestionnaires de réseaux de distribution n'est pas directement affecté par l'activité des opérateurs d'effacement au motif que celle-ci pourrait entraîner une réduction de la consommation et des besoins d'investissement dans les réseaux, dès lors que les tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution sont, en application de l'article L. 341-2 du code de l'énergie, calculés sur une période quadriennale de manière transparente et non discriminatoire afin de couvrir l'ensemble des coûts supportés par les gestionnaires de ces réseaux dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d'un gestionnaire de réseau efficace, quel que soit le volume de consommation d'électricité ;

18. Considérant, enfin, que si, ainsi que le fait valoir le requérant, les gestionnaires de réseaux de distribution peuvent être amenés, de manière subsidiaire, à devoir s'approvisionner sur le marché de l'énergie, le cas échéant en achetant des " blocs d'effacement ", en cas de perte sur les réseaux qu'ils gèrent, cette circonstance ne les place pas dans un rapport de concurrence directe avec les opérateurs d'effacement ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les moyens tirés de la méconnaissance des articles 102 et 106, paragraphe 1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article L. 420-2 du code de commerce ne peuvent en tout état de cause être accueillis ;

En ce qui concerne les conditions de constitution des " entités d'ajustement " :

20. Considérant que le moyen tiré de ce qu'en exigeant que les " entités d'ajustement " soient composées de sites rattachés à un même gestionnaire de réseau et qu'elles présentent une puissance supérieure à 10 MW, ces règles rendraient difficile la constitution d'entités à partir de sites raccordés à un gestionnaire gérant un réseau peu étendu n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne les modalités de calcul du versement au profit des fournisseurs d'électricité dont sont redevables les opérateurs d'effacement :

21. Considérant que les dispositions, citées au point 1, de l'article L. 271-1 du code de l'énergie prévoient qu'un versement au bénéfice des fournisseurs d'électricité des sites effacés est mis à la charge de l'opérateur d'effacement, ce versement étant " établi en tenant compte des quantités d'électricité injectées par ou pour le compte des fournisseurs des sites effacés et valorisées par l'opérateur d'effacement sur les marchés de l'énergie ou sur le mécanisme d'ajustement " ; que le syndicat requérant soutient en premier lieu que le paragraphe 6 de l'article 4 de la Section 1 des règles contestées méconnaît ces dispositions dès lors qu'il prévoit que ce versement est acquitté au titre de l'ensemble des volumes d'effacements réalisés et non des seuls volumes d'effacement qui conduisent à un report de consommation d'électricité, qui selon lui sont les seuls à exiger l'injection par le fournisseur d'une quantité d'électricité sur le réseau ;

22. Considérant, toutefois, que comme il a été dit au point 6, ce versement a pour objet de rémunérer le fournisseur pour l'électricité injectée sur le réseau, dont l'injection est maintenue en cas d'effacement, même lorsque l'effacement de consommation ne conduit pas à un report de consommation d'électricité ; que, par suite, la Commission de régulation d'énergie n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 271-1 du code de l'énergie en ne limitant pas l'assiette du versement aux volumes d'effacements qui conduisent à un report de consommation ;

23. Considérant, en second lieu, que le requérant soutient que les modalités de calcul du versement méconnaissent les dispositions du paragraphe 8 de l'article 15 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relative à l'efficacité énergétique ; que, toutefois, aux termes de ce paragraphe : " Les États membres veillent à ce que les autorités nationales de régulation de l'énergie encouragent les ressources portant sur la demande, telles que les effacements de consommation, à participer aux marchés de gros et de détail au même titre que les ressources portant sur l'offre " ; que ces objectifs de la directive ne sont en tout état de cause pas méconnus dès lors que les règles approuvées par la Commission de régulation de l'énergie instituent un dispositif permettant aux opérateurs d'effacement de valoriser sur le marché de l'énergie les effacements qu'ils réalisent ;

En ce qui concerne les modalités de participation des effacements au dispositif de responsable d'équilibre :

24. Considérant que, en application de l'article L. 321-15 du code de l'énergie, dans le cadre du dispositif de responsable d'équilibre, un producteur et, pour les sites pour lesquels il a exercé son droit prévu à l'article L. 331-1, un consommateur d'électricité doivent en principe conclure un contrat avec ce gestionnaire afin de définir les modalités selon lesquelles lui sont financièrement imputés les écarts entre les injections et les soutirages d'électricité auxquels il procède sur le réseau ; qu'ils peuvent toutefois contracter à cette fin avec un " responsable d'équilibre ", qui prend alors en charge ces écarts ; qu'ainsi, le responsable d'équilibre s'engage auprès du gestionnaire du réseau de transport à supporter le coût financier de tout écart négatif et, en cas d'écart positif, peut bénéficier d'une rémunération accordée par ce gestionnaire, conformément à l'article L. 321-14 de ce code, qui prévoit que " les méthodes de calcul des écarts et des compensations financières " mentionnées ci-dessus " sont approuvées par la Commission de régulation de l'énergie " ; que ces méthodes font l'objet de la Section 2 des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif du responsable d'équilibre ;

25. Considérant que les règles approuvées par la délibération attaquée prévoient, à l'article C.10 de leur Section 2, la prise en compte, dans le soutirage total du responsable d'équilibre d'un opérateur d'effacement, pour le calcul de l'écart qui lui est imputable, des quantités d'énergie correspondant aux reports de consommation induits par les effacements de consommation d'électricité qu'il a réalisés ; qu'il en résulte que, lorsque l'effacement conduit à un report de consommation, ce responsable d'équilibre prend en charge l'écart négatif correspondant et supporte son coût financier dans le cadre du dispositif de règlement des écarts ; que le requérant soutient qu'en prévoyant la prise en compte des reports induits par les effacements de consommation dans les soutirages du responsable d'équilibre de l'opérateur d'effacement, alors que l'article L. 271-1 du code de l'énergie prévoit déjà qu'est mis à la charge de l'opérateur d'effacement un versement au bénéfice du fournisseur d'électricité au titre de ces reports, les règles attaquées induisent une " double pénalisation " de l'opérateur d'effacement contraire à l'article L. 271-1 du code et au paragraphe 8 de l'article 15 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 ;

26. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que les reports de consommation d'électricité susceptibles d'intervenir à la suite d'un effacement ne sont pas encore effectivement mesurés ; que c'est seulement lorsqu'ils le sont que, conformément aux règles contestées, l'opérateur d'effacement est responsable de l'injection nécessaire pour couvrir le soutirage lié à cette consommation reportée ; que c'est dans ce but que, comme il a été précisé au point 25 ci-dessus, un soutirage est comptabilisé dans le périmètre du responsable d'équilibre de l'opérateur d'effacement, afin qu'il soit pénalisé financièrement s'il ne réalise pas cette injection et que, symétriquement, une injection est comptabilisée dans le périmètre du responsable d'équilibre du consommateur effacé afin d'éviter que celui-ci ne soit mis en écart négatif du fait du soutirage lié à la consommation reportée ;

27. Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier que les règles relatives à la valorisation des effacements de consommation sur les marchés de l'énergie approuvées par la Commission de régulation de l'énergie par une délibération du 17 décembre 2014 prévoient, lorsque les reports de consommation sont mesurés, une diminution du montant du versement au titre des volumes d'énergie correspondant aux reports de consommation, que le fournisseur a pu finalement vendre au consommateur qui s'était effacé ; que cette diminution du montant du versement à la charge de l'opérateur d'effacement vise à rémunérer ce dernier, puisqu'il doit dans ce cas pratiquer une injection d'électricité pour couvrir l'électricité liée au report ; que, si les règles relatives au mécanisme d'ajustement ne prévoient pas à ce stade une diminution analogue du versement en cas de report de consommation, la correction des écarts décrite au point 26 ne peut s'appliquer sans une telle diminution du versement, lorsque l'effacement est valorisé sur le mécanisme d'ajustement ; que, dans ces conditions, les règles contestées, qui doivent en tout état de cause être révisées pour que les reports de consommation puissent être effectivement pris en compte au travers d'un mécanisme de calcul qui reste à déterminer, n'induisent pas de " double pénalisation " contraire à l'article L. 271-1 du code de l'énergie, ni, en tout état de cause, au paragraphe 8 de l'article 15 de la directive du 25 octobre 2012 ;

28. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête du syndicat professionnel CATHODE dirigée contre la délibération du 26 février 2015 doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

29. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du syndicat professionnel CATHODE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat professionnel CATHODE, à la Commission de régulation de l'énergie, à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer et à la société Réseau Transport Electricité.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 390049
Date de la décision : 13/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 mai. 2016, n° 390049
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bastien Lignereux
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:390049.20160513
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award