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13/05/2016 | FRANCE | N°388101

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 13 mai 2016, 388101


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 février 2015, 19 mai 2015 et 17 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Voltalis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 17 décembre 2014 portant approbation des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre ;

2°) d'enjoindre à la Commission de régulatio

n de l'énergie, dans un délai de dix jours et sous astreinte de 10 000 euros par jour de ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 février 2015, 19 mai 2015 et 17 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Voltalis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 17 décembre 2014 portant approbation des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre ;

2°) d'enjoindre à la Commission de régulation de l'énergie, dans un délai de dix jours et sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, de modifier ces règles en ce qu'elles décomptent les quantités correspondant aux reports de consommation induits par les effacements de consommation d'électricité comme faisant partie du soutirage total du responsable d'équilibre auquel sont rattachés les programmes d'effacement retenu puis les chroniques d'effacement réalisé d'un opérateur d'effacement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de l'énergie ;

- la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 ;

- le décret n° 2014-764 du 3 juillet 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 avril 2016, présentée par la société Voltalis ;

1. Considérant que l'article L. 321-10 du code de l'énergie confie au gestionnaire du réseau public de transport d'électricité la mission d'assurer " à tout instant l'équilibre des flux d'électricité sur le réseau ainsi que la sécurité, la sûreté et l'efficacité de ce réseau, en tenant compte des contraintes techniques pesant sur celui-ci " ; que, dans ce cadre, en application de l'article L. 321-15 de ce code, un producteur et, pour les sites pour lesquels il a exercé son droit prévu à l'article L. 331-1, un consommateur d'électricité, doivent en principe conclure un contrat avec ce gestionnaire afin de définir les modalités selon lesquelles lui sont financièrement imputés les écarts entre les injections et les soutirages d'électricité auxquels il procède sur le réseau ; qu'ils peuvent toutefois contracter à cette fin avec un " responsable d'équilibre ", qui prend alors en charge ces écarts ; qu'ainsi, le responsable d'équilibre s'engage auprès du gestionnaire du réseau de transport à supporter le coût financier de tout écart négatif et, en cas d'écart positif, peut bénéficier d'une rémunération accordée par ce gestionnaire, conformément à l'article L. 321-14 de ce code, et ce pour l'ensemble des sites de consommation qui, en vertu d'un contrat conclu avec lui, sont rattachés à son " périmètre d'équilibre " ;

2. Considérant que l'article L. 321-14 du code de l'énergie prévoit que " les méthodes de calcul des écarts et des compensations financières " mentionnées au point 1 " sont approuvées par la Commission de régulation de l'énergie " ; que ces méthodes font l'objet de la Section 2 des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif du responsable d'équilibre ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 17 décembre 2014, la Commission de régulation de l'énergie a approuvé de nouvelles modifications de ces règles proposées par le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, visant à prendre en compte les effacements de consommation d'électricité réalisés par les opérateurs d'effacement, ainsi que le prévoit le second alinéa de l'article L. 321-15-1 du code de l'énergie, issu de la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes ; que, dans leur version issue de cette délibération, ces règles prévoient, au point C.9.7.1 de leur Section 2, la prise en compte, dans le soutirage total du responsable d'équilibre d'un opérateur d'effacement, pour le calcul de l'écart qui lui est imputable, des quantités d'énergie correspondant aux reports de consommation induits par les effacements de consommation d'électricité qu'il a réalisés et, au point C.9.7.2 de cette même Section, la prise en compte, dans les injections totales du responsable d'équilibre du consommateur effacé, des quantités d'énergie correspondant à ces mêmes reports ; qu'il en résulte que, lorsque l'effacement conduit à un report de consommation, le responsable d'équilibre de l'opérateur d'effacement prend en charge l'écart négatif correspondant et supporte son coût financier dans le cadre du dispositif de règlement des écarts ;

3. Considérant que, bien que la société Voltalis demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 17 décembre 2014, il ressort de son argumentation qu'elle ne conteste cette décision qu'en tant qu'elle approuve les points C.9.7.1 et C.9.7.2 de la Section 2 des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif du responsable d'équilibre ; qu'elle demande également qu'il soit enjoint à la Commission de régulation de l'énergie, dans un délai de dix jours et sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, de modifier cette disposition des règles attaquées ;

4. Considérant que la société Voltalis soutient qu'en prévoyant la prise en compte des reports induits par les effacements de consommation dans les soutirages du responsable d'équilibre de l'opérateur d'effacement, alors que l'article L. 271-1 du code de l'énergie prévoit déjà que soit mis à la charge de l'opérateur d'effacement un versement au bénéfice du fournisseur d'électricité au titre de ces reports, les règles attaquées induisent une double pénalisation de l'opérateur d'effacement contraire à l'article L. 271-1 du code, au décret du 3 juillet 2014 relatif aux effacements de consommation d'électricité ainsi qu'au principe d'égalité devant la loi ;

5. Considérant que l'article L. 271-1 du code de l'énergie, issu de la loi du 15 avril 2013, permet la valorisation des effacements de consommation d'électricité réalisés par un opérateur d'effacement sur les marchés de l'énergie et sur le mécanisme d'ajustement mentionné à l'article L. 321-10 de ce code ; qu'en vertu de ces dispositions, dans leur rédaction applicable à la date de la décision attaquée, les règles de valorisation des effacements doivent prévoir, outre " la possibilité, pour un opérateur d'effacement, de procéder à des effacements de consommation, indépendamment de l'accord du fournisseur d'électricité des sites concernés, et de les valoriser sur les marchés de l'énergie ou sur le mécanisme d'ajustement ", " un régime de versement de l'opérateur d'effacement vers les fournisseurs d'électricité des sites effacés ", lequel " est établi en tenant compte des quantités d'électricité injectées par ou pour le compte des fournisseurs des sites effacés et valorisées par l'opérateur d'effacement sur les marchés de l'énergie ou sur le mécanisme d'ajustement " ; qu'aux termes de l'article 8 du décret du 3 juillet 2014 relatif aux effacements de consommation d'électricité, le montant de ce versement " reflète la part énergie du prix de fourniture des sites de consommation dont la consommation est en tout ou partie effacée " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et de l'audience d'instruction tenue par la 9ème sous-section de la section du contentieux que, pour qu'un opérateur d'effacement puisse valoriser sur les marchés de l'énergie un effacement qu'il s'engage à réaliser, il est nécessaire que le fournisseur du consommateur effacé maintienne l'injection de l'électricité qu'il avait prévu de fournir au consommateur effacé ; que, dans ce but, les règles contestées prévoient la comptabilisation, dans le périmètre du responsable d'équilibre du site effacé, d'un soutirage, de manière à pénaliser le fournisseur qui, ne maintenant pas son injection, serait mis en écart négatif et devrait par conséquent acquitter le prix de règlement des écarts négatifs ; que, symétriquement, une injection est comptabilisée dans le périmètre du responsable d'équilibre de l'opérateur d'effacement, ce qui permet à ce dernier de commercialiser sur le marché de l'énergie le " bloc d'énergie " qui en résulte ; qu'enfin, en contrepartie du transfert de la propriété de ce " bloc d'énergie ", un versement doit être acquitté par l'opérateur d'effacement au fournisseur, qui se substitue au prix que le consommateur lui aurait payé s'il ne s'était pas effacé ; qu'ainsi, ce versement a pour objet de rémunérer le fournisseur pour l'électricité injectée sur le réseau, dont l'injection est maintenue en cas d'effacement, même lorsque l'effacement de consommation ne conduit pas à un report de consommation d'électricité ;

7. Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier et de l'audience d'instruction tenue par la 9ème sous-section de la section du contentieux que les reports de consommation d'électricité susceptibles d'intervenir à la suite d'un effacement ne sont pas encore effectivement mesurés ; que, lorsqu'ils le sont, les règles contestées prévoient que l'opérateur d'effacement est responsable de l'injection nécessaire pour couvrir le soutirage lié à cette consommation reportée ; que c'est dans ce but que, comme il a été précisé au point 6 ci-dessus, un soutirage est comptabilisé dans le périmètre du responsable d'équilibre de l'opérateur d'effacement, afin qu'il soit pénalisé financièrement s'il ne réalise pas cette injection et que, symétriquement, une injection est comptabilisée dans le périmètre du responsable d'équilibre du consommateur effacé afin d'éviter que celui-ci ne soit mis en écart négatif du fait du soutirage lié à la consommation reportée ;

8. Considérant qu'il ressort enfin des pièces du dossier et de l'audience d'instruction tenue par la 9ème sous-section de la section du contentieux que les règles relatives à la valorisation des effacements de consommation sur les marchés de l'énergie approuvées par la Commission de régulation de l'énergie par une délibération du 17 décembre 2014 prévoient, lorsque les reports de consommation sont mesurés, une diminution du montant du versement au titre des volumes d'énergie correspondant aux reports de consommation, que le fournisseur a pu finalement vendre au consommateur qui s'était effacé ; que cette diminution du montant du versement à la charge de l'opérateur d'effacement vise à rémunérer ce dernier, puisqu'il doit dans ce cas pratiquer une injection d'électricité pour couvrir l'électricité liée au report ; que, dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'opérateur d'effacement ne subit pas une " double pénalisation " en cas de report ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni les dispositions précitées de l'article L. 271-1 du code de l'énergie, ni celles de l'article 8 du décret du 3 juillet 2014 ne font obstacle à la prise en compte des reports de consommation induits par les effacements réalisés au titre du mécanisme de règlement des écarts, selon les modalités prévues par les points C.9.7.1 et C.9.7.2 de la Section 2 des règles attaquées ; que le moyen tiré de la rupture d'égalité entre opérateurs d'effacement et fournisseurs d'électricité ne peut qu'être écarté, dès lors que ceux-ci, qui n'exercent pas la même activité et n'interviennent pas sur le même marché, ne sont pas placés dans une situation identique ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Voltalis doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Voltalis est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Voltalis, à la Commission de régulation de l'énergie, à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer et à la société Réseau Transport Electricité.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 388101
Date de la décision : 13/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 mai. 2016, n° 388101
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bastien Lignereux
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:388101.20160513
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