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10/05/2016 | FRANCE | N°399076

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 mai 2016, 399076


Vu la procédure suivante :

Le syndicat CGT des personnels des transports urbains toulousains, représenté par son secrétaire général, et M. A...B...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la note de service du 8 mars 2016 du directeur général de l'établissement public à caractère industriel et commercial Tisséo interdisant l'exercice du droit de grève aux personnels automaticiens d'astreinte. Par une ordonnance n°

1601605 du 13 avril 2016, le juge des référés du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Le syndicat CGT des personnels des transports urbains toulousains, représenté par son secrétaire général, et M. A...B...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la note de service du 8 mars 2016 du directeur général de l'établissement public à caractère industriel et commercial Tisséo interdisant l'exercice du droit de grève aux personnels automaticiens d'astreinte. Par une ordonnance n° 1601605 du 13 avril 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat CGT des personnels des transports urbains toulousains, représenté par son secrétaire général, et M. B...demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à leur demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement public Tisséo la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le syndicat a intérêt à agir ;

- la condition d'urgence est remplie dès lors qu'un préavis de grève pour la période du 7 avril au 7 octobre 2016 a été déposé le 1er avril 2016 et que, dans ce cadre, M. B... a présenté le 18 avril 2016 une déclaration individuelle d'intention de faire grève pour la période courant du 27 mai au 30 mai 2016 à 16 heures, ce qui l'expose, ainsi que l'ensemble des grévistes, à des sanctions au regard de la note de service litigieuse ;

- le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur de droit en considérant fondée une restriction générale et absolue de l'exercice du droit de grève pour la catégorie des agents automaticiens de l'établissement ;

- il a commis une erreur de fait dès lors qu'en premier lieu, seuls la fréquentation du service pendant les heures d'astreinte soit de 16 heures 11 à 6 heures et l'ensemble des transports publics sur le territoire concerné permettent d'apprécier la proportionnalité de la mesure, qu'en second lieu, un incident sur une des lignes du métro n'influe pas nécessairement sur le trafic de la seconde ;

- la note de service porte une atteinte grave et manifestement illégale a une liberté fondamentale ;

- les restrictions apportées par la note de service à l'exercice du droit de grève sont manifestement disproportionnées au regard des objectifs de continuité du service public et de sauvegarde de l'ordre public en ce que, d'une part, seuls les agents automaticiens sont concernés alors que l'ensemble du personnel de l'établissement effectue des périodes d'astreinte et, d'autre part, l'impossibilité de substituer d'autres agents aux agents automaticiens n'est pas établie ;

- la note de service n'est pas nécessaire dès lors que les agents automaticiens et les dépannages qu'ils assurent lors des astreintes ne concourent ni à la sécurisation du métro ni à éviter les risques afférents aux opérations d'évacuation des rames qui relèvent de la compétence du service d'exploitation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2016, l'établissement public Tisséo conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du syndicat CGT des personnels des transports urbains toulousains et de M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par le syndicat CGT et M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution et notamment, son préambule ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des transports ;

- la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le syndicat CGT des personnels des transports urbains toulousains et M. B...et, d'autre part, l'établissement public Tisséo ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 3 mai 2016 à 14 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Nicolaÿ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du syndicat CGT des personnels de transports urbains toulousains et de M. B... ;

- Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'établissement public Tisséo ;

- les représentants de l'établissement public Tisséo ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant que le droit de grève présente le caractère d'une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

3. Considérant que le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel se réfère le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 indique que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le règlementent ; que la loi du 21 août 2007, applicable en vertu de son article 1er aux services publics de transport terrestre régulier de voyageurs à vocation non touristique, a organisé une procédure obligatoire de prévention des conflits dans les entreprises chargées de la gestion de ces services publics et complété les règles applicables au dépôt des préavis ; que les dispositions issues de cette loi, qui imposent le dépôt d'un préavis avant que les agents des services auxquels il s'applique ne puissent recourir à la grève et interdisent à ces agents certaines modalités d'arrêt du travail, se bornent à opérer sur deux points particuliers la conciliation entre la défense des intérêts des agents et la sauvegarde de l'intérêt général et ne constituent pas, pour les services publics de transport terrestre qu'elles régissent, l'ensemble de la réglementation du droit de grève annoncée par la Constitution ; qu'en l'absence de la complète législation annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public ; qu'en l'état de la législation, il appartient ainsi aux organes chargés de la direction d'un établissement public, agissant en vertu des pouvoirs généraux d'organisation des services placés sous leur autorité, de déterminer les limitations qui doivent être apportées à l'exercice du droit de grève dans l'établissement en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public ;

4. Considérant que l'établissement public Tisséo exploite le service public de transports urbains de l'agglomération toulousaine, lequel comprend notamment deux lignes de métro ; que ce réseau dispose d'un fonctionnement automatisé sans conducteur, dont la maintenance est exclusivement assurée par les équipes du service dit " automatisme ", composées de douze agents placés sous la direction " exploitation et maintenance du métro - ingénierie ", ayant en charge et seuls habilités à réaliser les opérations de maintenance des différents automatismes à l'oeuvre sur les lignes automatiques de métro ; que ce service est organisé en équipes de journée qui se succèdent sur une période courant de 6 heures à 16 heures 11, du lundi au vendredi ; que sur les plages horaires durant lesquelles les équipes d'automaticiens ne sont pas physiquement présentes dans l'entreprise, les automaticiens effectuent des astreintes hebdomadaires, à hauteur de deux agents par semaine, afin, en cas de pannes du métro, de connaître du problème et d'autoriser le démarrage du métro ou au contraire d'intervenir ; que, par une note de service en date 8 mars 2016, le directeur général de l'établissement public a précisé les modalités d'exercice du droit de grève pour les agents du service " automatisme " et leur a interdit la participation à un mouvement de grève pendant les périodes d'astreinte eu égard à la nécessité d'assurer la continuité du service public de transport urbain et la sécurité des usagers ; que, par une ordonnance n°1601605 du 13 avril 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté la demande du syndicat CGT des personnels de transports urbains toulousains et de M. B... tendant à la suspension de l'exécution de la note de service du 8 mars 2016 ; que les requérants relèvent appel de cette ordonnance ;

5. Considérant, en premier lieu, que s'il résulte des règles du code du travail telles qu'interprétées par la Cour de cassation, notamment dans l'arrêt n° 04.12.336 du 2 février 2006 de la chambre sociale, que la grève ne peut être limitée à une obligation particulière du contrat de travail, cette exigence n'a pas pour effet, contrairement à ce que soutiennent les requérants, de restreindre les pouvoirs d'organisation du service public conférés au directeur d'un établissement public, notamment en ce qui concerne la fixation des limites à l'exercice du droit de grève des agents du service ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la note de service litigieuse serait entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle admet que puisse être réglementé l'exercice du droit de grève pendant la seule période où les agents du service sont d'astreinte doit être écarté ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction et des éléments recueillis lors de l'audience que les limitations contenues dans la note de service litigieuse sont circonscrites aux deux seuls agents du service " automatisme " qui sont d'astreinte, et ce pendant la durée de leur période d'astreinte ; qu'en cas de dysfonctionnement du service, les agents automaticiens sont les seuls agents aptes à diagnostiquer une panne, autoriser le redémarrage du service ou ordonner l'évacuation des passagers des rames de métro ; que la spécificité et la technicité des missions dévolues aux agents automaticiens, lesquels doivent recevoir une formation d'une durée de deux ans pour entrer en fonction, font obstacle à ce qu'ils puissent être remplacés par d'autres salariés employés par l'établissement, ni même par le personnel d'entités exploitant un service de métro automatisé dans d'autres agglomérations ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que les lignes de bus et de tramways du réseau de transports urbains de l'agglomération toulousaine, également exploitées par l'établissement public Tisséo, soient en mesure de prendre en charge le même nombre de voyageurs ni de desservir les mêmes lieux, alors que les deux lignes de métro assurent ensemble le transport quotidien de 450 000 usagers, soit les deux tiers du trafic de voyageurs, et que le maillage des lignes de bus et de tramways ne correspond pas à celui des lignes de métro ; que, dans ces conditions, le directeur général de Tisséo n'a pas, en prenant la note contestée, porté une atteinte manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit de grève pour les salariés concernés ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité, la requête du syndicat CGT des personnels de transports urbains toulousains et de M. B...doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat CGT des personnels de transports urbains toulousains et de M. B...le versement d'une somme de 3 000 euros demandée par l'établissement public Tisséo au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du syndicat CGT des personnels de transports urbains toulousains et de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public Tisséo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat CGT des personnels de transports urbains toulousains, à M. A...B...et à l'établissement public industriel et commercial Tisséo.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 399076
Date de la décision : 10/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 mai. 2016, n° 399076
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:399076.20160510
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