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04/05/2016 | FRANCE | N°383135

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 04 mai 2016, 383135


Vu la procédure suivante :

M. et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1105696 du 9 avril 2013, le tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 13LY01441 du 22 mai 2014, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. et Mme A...contre ce jugement.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 28 octobre 2

014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A...demandent au Cons...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1105696 du 9 avril 2013, le tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 13LY01441 du 22 mai 2014, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. et Mme A...contre ce jugement.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 28 octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts le livre de procédures fiscale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Jolivet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de M. et Mme A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A...sont associés à hauteur de 50 % chacun dans la société civile immobilière (SCI) Les Bleuets de Villard ; que cette société, créée en 2002, a d'abord exercé une activité de gestion immobilière et a acquis, en 2002 et 2005, deux terrains ; que, en application d'une délibération de son assemblée générale du 26 janvier 2007, son objet social est devenu, à compter du 1er janvier 2007, la construction vente de tous biens immeubles ; que conformément à ses statuts modifiés, la société Les Bleuets de Villard a fait construire en 2007 et 2008 un ensemble immobilier comprenant treize appartements destinés à la vente ; que neuf appartements ont été vendus et les quatre derniers mis en location à compter des mois de septembre et octobre 2008 ; qu'au titre de l'année 2008, la société Les Bleuets de Villard a souscrit une déclaration d'impôt sur les sociétés ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur l'année 2008, l'administration a imposé les résultats de la société à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux de ses associés conformément aux dispositions de l'article 239 ter du code général des impôts ; que M. et Mme A...se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 22 mai 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts, relatif au champ d'application de l'impôt sur les sociétés, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) 2. Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt (...), si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35. (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 35 du même code : " Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après ; / (...) 1° bis Personnes qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux (...) " ; que le I de l'article 239 ter du même code dispose enfin : " I. Les dispositions du 2 de l'article 206 ne sont pas applicables aux sociétés civiles (...) qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente, à la condition que ces sociétés ne soient pas constituées sous la forme de sociétés par actions ou à responsabilité limitée et que leurs statuts prévoient la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social. / Les sociétés civiles visées au premier alinéa sont soumises au même régime que les sociétés en nom collectif effectuant les mêmes opérations ; leurs associés sont imposés dans les mêmes conditions que les membres de ces dernières sociétés " ;

3. Considérant, en premier lieu, que le deuxième alinéa du I de l'article 239 ter cité au point précédent ne limite pas l'application de cet article aux sociétés civiles de construction vente issues de la transformation d'une société en nom collectif effectuant les mêmes opérations ; que la circonstance qu'une société de construction vente donne à bail des appartements n'ayant pas trouvé acquéreur ne saurait avoir pour effet de l'exclure du dispositif dérogatoire prévu à l'article 239 ter du code général des impôts si cette activité peut être qualifiée de nécessaire et accessoire ; qu'après avoir relevé que pour l'année 2008 en litige, aux termes des articles 2 et 9 de ses statuts tels que modifiés lors de l'assemblée générale du 26 janvier 2007, la SCI les Bleuets de Villard remplissait les deux conditions posées par l'article 239 ter précité et que l'ensemble des appartements avait été proposé à la vente, la cour administrative d'appel a pu, sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les pièces du dossier, juger que la SCI Les Bleuets de Villard remplissait les conditions pour relever du régime dérogatoire prévu par les dispositions de l'article 239 ter du code général des impôts ; qu'en relevant que la circonstance que l'objet social relatif à la construction-vente n'ait été adopté par la société qu'à compter du 26 janvier 2007 était sans incidence sur le régime d'imposition des bénéfices tirés de la cession des appartements, la cour administrative d'appel a suffisamment motivé son arrêt ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que selon l'article 35 du code général des impôts, cité au point 2, les opérations de construction vente présentent le caractère de bénéfices industriels et commerciaux à la double condition que ces opérations procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel ; qu'après avoir relevé, d'une part, que la SCI, créée en 2002, avait acquis deux terrains en 2002 et 2005, puis modifié son objet social à compter du 1er janvier 2007, lequel était encore pour l'année 2008 " la construction vente de tous biens immeubles " , d'autre part, qu'elle avait procédé entre 2007 et 2008 à la construction d'un ensemble immobilier dont neuf appartements sur treize avaient été vendus, la cour a pu, sans dénaturer les pièces du dossier, et alors que les requérants n'apportaient aucun élément contraire susceptible de permettre d'établir l'absence d'intention spéculative dans cette opération, juger que cette condition était remplie ; qu'elle a pu, sans erreur de droit, déduire des faits ainsi souverainement appréciés par elle que la condition d'habitude était, dans ces circonstances, également remplie ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales : " Au cours d'une vérification de comptabilité et pour les impôts sur lesquels porte cette vérification, le contribuable peut régulariser les erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances dans les déclarations souscrites dans les délais, moyennant le paiement d'un intérêt de retard égal à 70 % de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. / Cette procédure de régularisation spontanée ne peut être appliquée que si : / 1° Le contribuable en fait la demande avant toute proposition de rectification ; / 2° La régularisation ne concerne pas une infraction exclusive de bonne foi ; / 3° Le contribuable dépose une déclaration complémentaire dans les trente jours de sa demande et acquitte l'intégralité des suppléments de droits simples et des intérêts de retard au moment du dépôt de la déclaration, ou à la date limite de paiement portée sur l'avis d'imposition en cas de mise en recouvrement par voie de rôle " ; que ces dispositions sont destinées à permettre au contribuable de régulariser spontanément une déclaration qui comporterait des erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances, ainsi que le mentionne l'article précité, sans lui permettre cependant de pallier le défaut de souscription d'une déclaration ; que, toutefois, sous réserve des conditions fixées par l'article L. 62 et notamment que l'infraction ne soit pas exclusive de bonne foi, les associés d'une société civile immobilière qui ont déposé une déclaration d'impôt sur le revenu peuvent régulariser cette déclaration sur le fondement des dispositions précitées en déclarant dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux les sommes déclarées à tort par la société au titre de l'impôt sur les sociétés et qui doivent être imposées entre leurs mains ; qu'il suit de là qu'en écartant la déclaration complémentaire déposée par les requérants conformément à la procédure de régularisation prévue par l'article L. 62 du livre des procédures fiscales, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...ne sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent qu'en tant que celui-ci a statué sur les pénalités qui leur ont été appliquées ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 22 mai 2014 est annulé en tant qu'il statue sur les pénalités appliquées à M. et MmeA....

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. et Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C...A...et Mme D...B...épouse A...et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 383135
Date de la décision : 04/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. CONTRÔLE FISCAL. VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ. PROCÉDURE. - PROCÉDURE DE RÉGULARISATION SPONTANÉE (ART. L. 62 DU LPF) - APPLICATION AUX ASSOCIÉS D'UNE SOCIÉTÉ DE PERSONNE - EXISTENCE - MODALITÉS.

19-01-03-01-02-04 Les dispositions de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales (LPF) sont destinées à permettre au contribuable de régulariser spontanément une déclaration qui comporterait des erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances, sans lui permettre cependant de pallier le défaut de souscription d'une déclaration. Sous réserve des conditions fixées par cet article et notamment que l'infraction ne soit pas exclusive de bonne foi, les associés d'une société civile immobilière qui ont déposé une déclaration d'impôt sur le revenu peuvent régulariser cette déclaration en déclarant dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux les sommes déclarées à tort par la société au titre de l'impôt sur les sociétés et qui doivent être imposées entre leurs mains.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 mai. 2016, n° 383135
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Jolivet
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:383135.20160504
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