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07/04/2016 | FRANCE | N°375495

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 07 avril 2016, 375495


Vu la procédure suivante :

M. A...C...et Mme B...D...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 mai 2010 par lequel le maire de la commune de Neuilly-Saint-Front a délivré à la société SFVC, devenue la société Villerdis, un permis de construire portant sur la réalisation d'un bâtiment commercial, d'une station service et d'un parc de stationnement. Par un jugement n° 1002155 du 26 avril 2012, le tribunal administratif a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 12DA01017 du 11 décembre 2013, la cour administrative d

'appel de Douai, saisie d'un appel de la société Villerdis, a annulé ce jugement...

Vu la procédure suivante :

M. A...C...et Mme B...D...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 mai 2010 par lequel le maire de la commune de Neuilly-Saint-Front a délivré à la société SFVC, devenue la société Villerdis, un permis de construire portant sur la réalisation d'un bâtiment commercial, d'une station service et d'un parc de stationnement. Par un jugement n° 1002155 du 26 avril 2012, le tribunal administratif a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 12DA01017 du 11 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Douai, saisie d'un appel de la société Villerdis, a annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 12 mai 2010 du maire de la commune de Neuilly-Saint-Front en tant qu'il autorise un projet dont la toiture n'est pas conforme aux dispositions de l'article NAIc11 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune et rejeté le surplus des conclusions de M. C...et de MmeD....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 février et 19 mai 2014 et le 10 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... et Mme D... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il n'annule pas intégralement l'arrêté du 12 mai 2010 du maire de Neuilly-Saint-Front délivrant le permis de construire ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Villerdis ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Neuilly-Saint-Front et de la société Villerdis le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. C...et de MmeD..., à la SCP Delvolvé, avocat de la société Villerdis et à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Neuilly-Saint-Front ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 12 mai 2010, le maire de la commune de Neuilly-Saint-Front a accordé à la société SFVC un permis de construire un bâtiment commercial, une station service et un parc de stationnement ; qu'à la demande de M. C... et de MmeD..., le tribunal administratif d'Amiens, par un jugement du 26 avril 2012, a annulé cet arrêté au motif que l'aménagement de 147 places de stationnement ouvertes au public n'avait pas fait l'objet d'une demande de permis d'aménager, en violation des dispositions du j) de l'article R. 421-19 du code de l'urbanisme ; que, par un arrêt du 11 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Douai a annulé pour irrégularité le jugement du 26 avril 2012 puis, évoquant la demande de première instance, annulé l'arrêté du 12 mai 2010 du maire de la commune de Neuilly-Saint-Front en tant seulement que le projet autorisé prévoyait une toiture non conforme aux dispositions de l'article NAIc11 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune ; que les consorts C...et Pestana-Heineken se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il annule pour irrégularité le jugement du 26 avril 2012 du tribunal administratif d'Amiens :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les requérants n'avaient pas soutenu devant le tribunal administratif d'Amiens que le permis litigieux aurait été délivré en violation des dispositions du j) de l'article R. 421-19 du code de l'urbanisme ; que ce moyen n'était pas d'ordre public ; qu'il suit de là qu'en censurant le jugement du tribunal administratif pour l'avoir relevé d'office, la cour ne s'est pas méprise sur la portée des écritures présentées devant les premiers juges et n'a pas commis d'erreur de droit ;

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur la légalité du permis de construire litigieux :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de délivrance du permis de construire litigieux : " Constitue un lotissement l'opération d'aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu'elle soit en propriété ou en jouissance, qu'elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments " ; qu'aux termes de l'article R. 421-19 du même code : " Doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager : / a) Les lotissements, qui ont pour effet, sur une période de moins de dix ans, de créer plus de deux lots à construire : / - lorsqu'ils prévoient la réalisation de voies ou espaces communs ; / - ou lorsqu'ils sont situés dans un site classé ou dans un secteur sauvegardé dont le périmètre a été délimité ;/ (...) j) Lorsqu'ils sont susceptibles de contenir au moins cinquante unités les aires de stationnement ouvertes au public, les dépôts de véhicules et les garages collectifs de caravanes ou de résidences mobiles de loisirs ; / (...) " ; qu'enfin, en vertu des dispositions combinées des articles L. 442-1-1 et R. 442-1 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction alors applicable : " Ne constituent pas des lotissements (...) :/ (...) d) Les divisions par ventes ou locations effectuées par un propriétaire au profit de personnes qu'il a habilitées à réaliser une opération immobilière sur une partie de sa propriété et qui ont elles-mêmes déjà obtenu un permis d'aménager ou un permis de construire portant sur la création d'un groupe de bâtiments ou d'un immeuble autre qu'une maison d'habitation individuelle (...) " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Neuilly-Saint-Front était propriétaire d'une unité foncière constituée de six parcelles contiguës, cadastrées section ZT n° 43, 59, 61, 67, 68 et 69 ; que les parcelles cadastrées section ZT n° 43, 59, 61 et 69 ont fait l'objet d'un permis d'aménager accordé le 4 octobre 2008 en vue de la réalisation d'un lotissement de treize lots destinés à des maisons individuelles ; que la commune a ultérieurement décidé de construire une salle municipale multiservices sur la parcelle n° 68 ; qu'enfin, elle a habilité la société SFVC à demander un permis de construire en vue de l'édification sur la parcelle n° 67 d'un bâtiment commercial, d'une station service et d'un parc de stationnement ; que la société a obtenu le permis de construire le 12 mai 2010, avant que la vente prenne effet ; qu'il résulte des dispositions précitées du d) de l'article R. 442-1 du code de l'urbanisme que la division de l'unité foncière ne présentait pas ainsi le caractère d'un lotissement ; que, par suite, en jugeant que les dispositions du a) de l'article R. 421-19 du même code, soumettant au permis d'aménager les lotissements prévoyant la réalisation de voies ou espaces communs, n'étaient pas applicables au litige, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si, en application des dispositions du j) de l'article R. 421-19 du code de l'urbanisme, la réalisation d'aires de stationnement ouvertes au public et comptant plus de cinquante unités doit faire l'objet d'un permis d'aménager, cette obligation ne trouve pas à s'appliquer, eu égard aux finalités communes des deux permis, à l'identité de composition des dossiers de demandes et aux contrôles identiques auxquels leur délivrance donne lieu, lorsque ces aires de stationnement font partie intégrante d'un projet autorisé par un permis de construire ; que, par suite, en jugeant que la délivrance d'un permis de construire à la société Villerdis n'avait pas à être précédée d'un permis d'aménager les aires de stationnement incluses dans le projet autorisé par le permis de construire, en application du j) de l'article R. 421-19 du code de l'urbanisme, la cour administrative d'appel de Douai n'a pas commis d'erreur de droit ;

7. Considérant, en troisième lieu, que si les articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme prévoient que le projet architectural joint à la demande de permis de construire décrit les abords du terrain d'assiette du projet et notamment les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants, la cour administrative d'appel s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier, qui n'est pas entachée de dénaturation, en estimant que les pièces jointes au permis de construire et, notamment, les plans et photographies qui y figuraient, satisfaisaient à cette exigence ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que l'article NAIc12 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune prévoit que le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions doit être assuré en-dehors des voies publiques ; que si, pour démontrer que les 147 places de stationnement prévues étaient insuffisantes, les requérants faisaient valoir devant la cour que le centre commercial accueillerait 670 personnes par jour et que la salle communale multiservices aurait une capacité de 980 personnes, ces chiffres correspondaient à des hypothèses maximales ; qu'en jugeant qu'eu égard à la taille du centre commercial envisagé, à la nature de l'activité projetée et à la fréquentation attendue par référence notamment à des établissements comparables dans d'autres communes, le projet nécessitait entre 50 et 75 places de parking disponibles par heure d'ouverture et que l'imprécision des modalités de répartition des places du parking entre le centre commercial et la salle multiservices ne suffisait pas à faire regarder le nombre de places disponibles pour le centre commercial comme insuffisant, même en période de forte activité, pour satisfaire les besoins en stationnement de son personnel et de sa clientèle, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier ;

9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article NAIc11 du règlement du plan d'occupation des sols relatif à l'aspect des constructions : " (...) Toitures : (...) / Le matériau de couverture doit être de l'ardoise, de la tuile mécanique vieillie petit moule ou tout matériau de substitution de teinte et d'appareillage identique, la couleur de la couverture étant uniforme (...) " ; que, pour juger fondé le moyen tiré de la méconnaissance de cet article, la cour a relevé que la toiture du projet de bâtiment commercial, réalisée en " bac acier ", ne serait pas de teinte et d'appareillage identiques ou même équivalents à ceux de l'ardoise ou de la tuile mécanique ; que, faisant usage des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, qui permettent au juge administratif, lorsqu'il constate qu'un vice du permis de construire n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, de limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce, la cour a retenu que le vice affectant la toiture pouvait être régularisé par la délivrance d'un permis modificatif et qu'il n'y avait donc lieu d'annuler l'arrêté du 12 mai 2010 qu'en tant que le projet autorisé comportait une toiture non conforme aux dispositions de l'article NAIc11 du règlement du plan d'occupation des sols ; que, ce faisant, elle a suffisamment motivé son arrêt et n'a pas commis d'erreur de droit ni porté sur les pièces du dossier une appréciation qui serait entachée de dénaturation ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...et Mme D... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 11 décembre 2013 ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...et de Mme D...le versement à la société Villerdis et à la commune de Neuilly-Saint-Front de la somme de 1 500 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Villerdis et de la commune de Neuilly-Saint-Front la somme que demandent M. C...et de Mme D...à ce titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. C...et de Mme D...est rejeté.

Article 2 : M. C... et Mme D... verseront à la société Villerdis et à la commune de Neuilly-Saint-Front la somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... C...et Mme B...D..., à la société Villerdis et à la commune de Neuilly-Saint-Front.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 375495
Date de la décision : 07/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 avr. 2016, n° 375495
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP DELVOLVE ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:375495.20160407
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