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06/04/2016 | FRANCE | N°382453

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 06 avril 2016, 382453


Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des juridictions financières unifié demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 3 juin 2014 du Président de la République portant intégration de Mme Estelle Fontaine dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, au grade de conseiller.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le code des juridictions financières ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la d

cision n° 370579 du 28 novembre 2014 du Conseil d'Etat ;

- le code de justice administrative ;

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Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des juridictions financières unifié demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 3 juin 2014 du Président de la République portant intégration de Mme Estelle Fontaine dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, au grade de conseiller.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le code des juridictions financières ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la décision n° 370579 du 28 novembre 2014 du Conseil d'Etat ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4139-2 du code de la défense, dans sa version applicable au litige : " Le militaire, remplissant les conditions de grade et d'ancienneté fixées par décret, peut, sur demande agréée, après un stage probatoire, être détaché pour occuper des emplois vacants et correspondant à ses qualifications au sein des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, de la fonction publique hospitalière et des établissements publics à caractère administratif, nonobstant les règles de recrutement pour ces emplois. / Les contingents annuels de ces emplois sont fixés par voie réglementaire pour chaque administration de l'Etat et pour chaque catégorie de collectivité territoriale ou établissement public administratif, compte tenu des possibilités d'accueil. / Après un an de détachement, le militaire peut demander, dans les conditions fixées par décret en Conseil d 'Etat, son intégration ou sa titularisation dans le corps ou le cadre d'emploi dont relève l'emploi considéré, sous réserve de la vérification de son aptitude (...). / En cas d'intégration ou de titularisation, l'intéressé est reclassé à un échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui détenu dans le corps d'origine. " ; qu'aux termes de l'article R. 4139-14 du même code : " Le militaire qui remplit les conditions de grade et d'ancienneté fixées par la sous-section 2 de la présente section peut demander son détachement dans un emploi relevant d'un corps de fonctionnaires de l'Etat ou de ses établissements publics. Il adresse sa demande par la voie hiérarchique à l'autorité gestionnaire dont il relève. La demande est accompagnée d'un dossier dont la composition est fixée par arrêté du ministre de la défense, ou du ministre de l'intérieur pour les militaires de la gendarmerie nationale. (...) Après avoir reçu l'agrément du ministre de la défense ou pour les militaires de la gendarmerie nationale du ministre de l'intérieur sur avis du ministre de la défense, la demande est soumise pour avis à une Commission nationale d'orientation et d'intégration placée auprès du Premier ministre. " ; qu'aux termes de l'article R. 4139-15 du même code : " La Commission nationale d'orientation et d'intégration examine la demande en tenant compte de la qualification et de l'expérience professionnelle du militaire ainsi que des préférences qu'il a exprimées. Elle peut faire appel, pour l'appréciation des choix exprimés par le candidat, à des experts désignés par l'administration ou l'établissement public d'accueil. / Elle peut proposer à l'intéressé de se porter candidat à un emploi dans une autre administration ou un autre établissement public de l'Etat que ceux initialement envisagés. " ; qu'aux termes de l'article R. 4139-16 du même code : " L'avis de la commission est transmis au ministre de la défense, ou au ministre de l'intérieur pour les militaires de la gendarmerie nationale, et à l'autorité chargée de la gestion du corps d' accueil. Celle-ci se prononce dans le délai d'un mois à compter de cette transmission. Si sa candidature est retenue, une proposition d'affectation est adressée au militaire qui dispose d'un délai de quinze jours à compter de la notification de cette proposition pour l'accepter ou la refuser. / En cas d'acceptation, le militaire est mis à la disposition de l'administration ou de l'établissement public d'accueil pour effectuer un stage probatoire d'une durée de deux mois. (...) S'il a donné satisfaction, le militaire est placé à l'issue du stage probatoire en position de détachement, par décision conjointe du ministre de la défense, ou du ministre de l'intérieur pour les militaires de la gendarmerie nationale, et de l'autorité chargée de la gestion du corps d'accueil. " ; qu'aux termes de l'article R. 4139-19 du même code : " A l'issue du détachement, le militaire peut demander son intégration dans le corps dans lequel il a été détaché. (...) La décision de réintégration ou de maintien en détachement est prononcée après avis de la Commission nationale d'orientation et d'intégration, lequel est transmis au ministre de la défense, ou au ministre de l'intérieur pour les militaires de la gendarmerie nationale, et à l'autorité chargée de la gestion du corps d'accueil. (...) " ; que, par un décret du Président de la République du 3 juin 2014, pris en application de ces dispositions, Mme Estelle Fontaine, commissaire capitaine de 1ère classe des armées, a été intégrée dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, au grade de conseiller ; que le Syndicat des juridictions financières unifié demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le président de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie a émis le 26 mars 2014 un avis favorable sur la demande d'intégration de Mme A...; que le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait intervenu au terme d'une procédure irrégulière ne peut dès lors, et en tout état de cause, qu'être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions citées au point 1 instituent une procédure spécifique de détachement, pouvant le cas échéant conduire à une intégration, applicable aux militaires souhaitant accéder à l'une des trois fonctions publiques civiles ; que le décret attaqué a été pris sur le fondement de ces dispositions spéciales ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait les dispositions des articles 13 bis, 13 ter et quater de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires relatives à la mobilité dans la fonction publique, qui excluent leur application au détachement dans les corps chargés d'attributions juridictionnelles, et des articles L. 212-5 et L. 221-9 du code des juridictions financières relatives au détachement et à l'intégration après détachement dans le corps des membres des chambres régionales des comptes ne peut qu'être écarté comme inopérant ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, le décret attaqué a été pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 4139-2 du code de la défense et non de celles de l'article L. 221-9 du code des juridictions financières ; que, par suite, le moyen tiré de ce que Mme A...ne justifiait pas de trois années de détachement dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, en méconnaissance de ce dernier article, est également inopérant ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que si le syndicat requérant fait valoir que le code des juridictions financières, notamment le premier alinéa de l'article L. 212-5, comporterait une liste limitative de catégories de fonctionnaires pouvant être détachés puis intégrés dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes et ne prévoirait pas le détachement de militaires sous contrat, il résulte des termes mêmes de l'article L. 4139-2 du code de la défense qu'il institue, notamment au profit des militaires sous contrat, une possibilité de détachement puis d'intégration dans le corps au sein duquel le détachement a été effectué " nonobstant les règles de recrutement pour (les) emplois " mentionnés par ces dispositions ; qu'il ne peut donc être soutenu que le décret attaqué aurait été pris en méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 212-5 du code des juridictions financières ; que, d'autre part, en vertu de l'article L. 4111-2 du code de la défense, le statut général des militaires s'applique tant aux militaires de carrière qu'à ceux servant en vertu d'un contrat ; que ces derniers peuvent faire l'objet, en vertu des dispositions les régissant, notamment celles de l'article L. 4138-8 du même code, d'un détachement puis d'une intégration dans d'autres corps ou emplois que ceux relevant de la fonction publique militaire ; qu'il ne résulte pas des termes de l'article L. 4139-2 cité ci-dessus ou de son objet que le législateur aurait entendu exclure la possibilité du détachement ou de l'intégration des intéressés dans des corps chargés de missions juridictionnelles ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la qualité de militaire sous contrat ferait obstacle à son intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes doit être écarté ;

6. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les moyens tirés de ce que Mme A...avait été illégalement détachée dans le corps dès lors qu'elle avait la qualité d'agent contractuel et non de fonctionnaire et que l'article 13 quater de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires faisait obstacle au détachement dans des corps comportant, comme celui des chambres régionales des comptes, des attributions d'ordre juridictionnel, ne peuvent être accueillis ;

7. Considérant, en sixième et dernier lieu, que si le syndicat requérant soutient que le décret attaqué doit être annulé par voie de conséquence de l'illégalité du décret du 27 mai 2013 portant nomination de Mme A...pendant la période de son détachement dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a par la décision n° 370579 du 28 novembre 2014, rejeté le recours du Syndicat des juridictions financières unifié tendant à l'annulation de ce dernier décret ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête du Syndicat des juridictions financières unifié doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du Syndicat des juridictions financières est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat des juridictions financières unifié, au Premier ministre, au ministre des finances et des comptes publics, au Premier président de la Cour des comptes et à Mme Estelle Fontaine.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 382453
Date de la décision : 06/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 avr. 2016, n° 382453
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe Mochon
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:382453.20160406
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