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30/03/2016 | FRANCE | N°385154

France | France, Conseil d'État, 1ère / 6ème ssr, 30 mars 2016, 385154


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 octobre 2014 et 10 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des employeurs du spectacle vivant public et privé et la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-926 du 18 août 2014 relatif à la composition des commissions consultatives régionales mentionnées aux articles R. 7122-18 et suivants du code du tra

vail ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 octobre 2014 et 10 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des employeurs du spectacle vivant public et privé et la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-926 du 18 août 2014 relatif à la composition des commissions consultatives régionales mentionnées aux articles R. 7122-18 et suivants du code du travail ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 ;

- le règlement (UE) n° 651/2014 du 17 juin 2014 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delvolvé, avocat de la Fédération nationale des entreprises du spectacle vivant public et privé et de la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma ;

1. Considérant que la Fédération des employeurs du spectacle vivant public et privé et la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma demandent l'annulation du décret du 18 août 2014 relatif à la composition des commissions consultatives régionales mentionnées aux articles R. 7122-18 et suivants du code du travail, qui a mis fin à la présence de représentants des entrepreneurs de spectacles au sein de ces commissions ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution " ; que les ministres chargés de l'exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l'exécution des actes en cause ; qu'aucune disposition du décret attaqué n'appelle de mesure d'exécution que le ministre chargé du travail serait compétent pour signer ou contresigner ; que la circonstance que ce décret modifie les dispositions du code du travail est sans incidence sur la détermination des ministres chargés de son exécution ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de contreseing du ministre chargé du travail doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 14 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur prévoit que : " Les États membres ne subordonnent pas l'accès à une activité de services ou son exercice sur leur territoire au respect de l'une des exigences suivantes : (...) 6) l'intervention directe ou indirecte d'opérateurs concurrents, y compris au sein d'organes consultatifs, dans l'octroi d'autorisations ou dans l'adoption d'autres décisions des autorités compétentes, à l'exception des ordres et associations professionnels ou autres organisations qui agissent en tant qu'autorité compétente ; cette interdiction ne s'applique ni à la consultation d'organismes tels que les chambres de commerce ou les partenaires sociaux sur des questions autres que des demandes d'autorisation individuelles ni à une consultation du public (...) " ;

4. Considérant que les commissions consultatives régionales mentionnées aux articles R. 7122-18 et suivants du code du travail sont appelées à donner aux préfets de région un avis motivé " sur la délivrance, le renouvellement et le retrait de la licence d'entrepreneur de spectacles " ; qu'ainsi, la participation au sein de ces commissions de représentants des entrepreneurs de spectacles était de nature à favoriser une intervention indirecte d'opérateurs concurrents dans l'octroi d'autorisations individuelles auxquelles l'accès à une activité de services est subordonné, au sens des dispositions précitées du 6) de l'article 14 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, sans qu'y fassent obstacle ni la circonstance que les entrepreneurs de spectacles ne représentaient qu'un quart des membres de ces commissions, ni la circonstance qu'ils étaient nommés par le préfet de région sur proposition de leurs organisations professionnelles représentatives, ni celle, enfin, que le principe d'impartialité leur imposait, en tout état de cause, de s'abstenir de siéger s'ils avaient un intérêt personnel sur le dossier soumis à leur avis ; que la circonstance que la Commission européenne a, aux termes du règlement n° 651/2014 du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, admis la compatibilité avec le marché intérieur de certaines aides en faveur d'activités culturelles au motif, selon son considérant 72, que " les institutions et les projets culturels ne génèrent généralement pas de distorsions de concurrence sensibles " est sans incidence sur l'application du 6) de l'article 14 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent les fédérations requérantes, le pouvoir réglementaire était tenu, pour respecter les objectifs de la directive du 12 décembre 2006, de modifier les dispositions de l'article R. 7122-18 du code du travail prévoyant la présence de représentants des entrepreneurs de spectacles au sein des commissions consultatives régionales qu'elles mentionnent ; qu'il n'a commis ni erreur de droit, ni erreur manifeste d'appréciation en excluant toute participation des représentants des entrepreneurs de spectacle à ces commissions ;

5. Considérant, en dernier lieu, que l'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes intéressées par ces règles ne puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante ; qu'en principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; que, toutefois, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle ;

6. Considérant qu'en prévoyant à l'article 3 du décret attaqué que le mandat des entrepreneurs de spectacles, membres des commissions consultatives régionales mentionnées à l'article R. 7122-18 du code du travail, prendrait fin à l'entrée en vigueur du décret attaqué tout en maintenant le mandat des autres membres de ces commissions jusqu'à leur terme initialement prévu, le Premier ministre n'a commis ni erreur de droit, ni erreur manifeste d'appréciation ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Fédération des employeurs du spectacle vivant public et privé et la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret qu'elles attaquent ; que les conclusions qu'elles présentent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la Fédération des employeurs du spectacle vivant public et privé et de la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des employeurs du spectacle vivant public et privé, à la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma, au Premier ministre et à la ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 1ère / 6ème ssr
Numéro d'arrêt : 385154
Date de la décision : 30/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

15-05-01-04 COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE. RÈGLES APPLICABLES. LIBERTÉS DE CIRCULATION. LIBRE PRESTATION DE SERVICES. - INTERDICTION DE SUBORDONNER L'ACCÈS À UNE ACTIVITÉ DE SERVICES OU SON EXERCICE À L'INTERVENTION DIRECTE OU INDIRECTE D'OPÉRATEURS CONCURRENTS (ART. 14 DE LA DIRECTIVE 2006/123/CE DU 12 DÉCEMBRE 2006) - CONSÉQUENCE - OBLIGATION DE MODIFIER LES DISPOSITIONS PRÉVOYANT LA PRÉSENCE DE REPRÉSENTANTS DES ENTREPRENEURS DE SPECTACLES AU SEIN DES COMMISSIONS CONSULTATIVES RÉGIONALES MENTIONNÉES AUX ART. R. 7122-18 S. DU CODE DU TRAVAIL - CHOIX D'EXCLURE TOUTE PARTICIPATION DE CES REPRÉSENTANTS DANS CES COMMISSIONS - ABSENCE D'ERREUR DE DROIT ET D'ERREUR MANIFESTE D'APPRÉCIATION.

15-05-01-04 Les commissions consultatives régionales mentionnées aux articles R. 7122-18 et suivants du code du travail sont appelées à donner aux préfets de région un avis motivé sur la délivrance, le renouvellement et le retrait de la licence d'entrepreneur de spectacles.... ,,Ainsi, la participation au sein de ces commissions de représentants des entrepreneurs de spectacles était de nature à favoriser une intervention indirecte d'opérateurs concurrents dans l'octroi d'autorisations individuelles auxquelles l'accès à une activité de services est subordonné, au sens des dispositions du 6) de l'article 14 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, sans qu'y fassent obstacle ni la circonstance que les entrepreneurs de spectacles ne représentaient qu'un quart des membres de ces commissions, ni la circonstance qu'ils étaient nommés par le préfet de région sur proposition de leurs organisations professionnelles représentatives, ni celle, enfin, que le principe d'impartialité leur imposait, en tout état de cause, de s'abstenir de siéger s'ils avaient un intérêt personnel sur le dossier soumis à leur avis. Le pouvoir réglementaire était donc tenu, pour respecter les objectifs de la directive du 12 décembre 2006, de modifier les dispositions de l'article R. 7122-18 du code du travail prévoyant la présence de représentants des entrepreneurs de spectacles au sein des commissions consultatives régionales qu'elles mentionnent.... ,,En excluant toute participation des représentants des entrepreneurs de spectacle à ces commissions, il n'a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 mar. 2016, n° 385154
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:385154.20160330
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