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23/03/2016 | FRANCE | N°387722

France | France, Conseil d'État, 4ème - 5ème ssr, 23 mars 2016, 387722


Vu la procédure suivante :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 décembre 2012 par lequel le ministre de l'éducation nationale l'a mis à la retraite d'office à titre de sanction disciplinaire. Par un jugement n° 1300799 du 11 juillet 2013, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13PA03511 du 2 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M.A..., annulé ce jugement ainsi que cet arrêté.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés

les 5 février 2015 et 4 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l...

Vu la procédure suivante :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 décembre 2012 par lequel le ministre de l'éducation nationale l'a mis à la retraite d'office à titre de sanction disciplinaire. Par un jugement n° 1300799 du 11 juillet 2013, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13PA03511 du 2 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M.A..., annulé ce jugement ainsi que cet arrêté.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 février 2015 et 4 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M.A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François de Montgolfier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., professeur de chaire supérieure enseignant en classe préparatoire au Lycée Louis-le-Grand, a, le 27 janvier 2012, fait travailler ses élèves au cours d'une séance de travaux dirigés sur un exercice de chimie organique relatif à la réaction chimique dite " MBH " (Morita-Baylis-Hillman) ; que, le 17 avril 2012, le sujet de l'épreuve écrite de chimie du concours commun pour l'entrée à l'école Polytechnique, à l'école supérieure de physique et de chimie industrielles de la Ville de Paris et aux écoles normales supérieures a comporté un exercice relatif à cette même réaction ; que, lorsque cette circonstance a été découverte, l'épreuve en cause a été annulée afin de garantir l'égalité entre les candidats et une enquête administrative a été diligentée permettant d'établir que M. A...avait en sa possession, depuis 2008, l'énoncé d'un exercice de travaux dirigé consacré à la réaction chimique " MBH " que lui avait remis son épouse, MmeB..., auteure de cet exercice, et dont il s'était servi au cours des années 2009-2010 et 2010-2011 comme sujet d'interrogations orales d'élèves de classes préparatoires ; que, par ailleurs, dans le cadre de l'élaboration du sujet de l'épreuve commune de chimie pour les concours d'accès aux grandes écoles susmentionnées, Mme B...a proposé en 2010 un exercice, portant sur cette même réaction chimique, largement inspiré du sujet qu'elle avait antérieurement élaboré ; que cet exercice, d'abord retenu comme sujet " de secours " pour le concours de l'année 2011, a ensuite été choisi, en novembre 2011, comme sujet pour le concours pour l'année 2012, et a constitué, après adaptations opérées lors de sa validation en janvier 2012, le premier exercice du sujet de l'épreuve de chimie du concours 2012, qui a été organisée le 17 avril 2012 ; que le ministre de l'éducation nationale, estimant que le choix de M. A...de faire travailler ses élèves sur ce sujet, lors d'une séance de travaux dirigés qui s'est tenue le 27 janvier 2012, résultait d'une fraude et non d'un concours de circonstances, a, par une décision du 24 décembre 2012, prononcé la mise à la retraite d'office de M. A...à titre de sanction disciplinaire ; que, par un arrêt contre lequel le ministre de l'éducation nationale se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a annulé, d'une part, le jugement du tribunal administratif de Paris rejetant la demande de M. A...tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision et, d'autre part, la sanction disciplinaire litigieuse ;

2. Considérant que, pour retenir que les indices relevés par le ministre n'étaient pas suffisants, à eux seuls, pour établir l'existence d'une fraude justifiant la mise à la retraite d'office de M.A..., la cour administrative d'appel a notamment relevé qu'il n'était pas établi que l'énoncé du sujet donné lors de la séance de travaux dirigés du 27 janvier 2012, tel qu'il ressortait des notes prises par les élèves à l'occasion de cette séance, était plus proche de l'énoncé du sujet donné aux candidats lors du concours le 17 avril 2012 que de l'énoncé du sujet que M. A...soutenait avoir donné lors des travaux dirigés, tel qu'il résultait des documents produits lors de l'enquête administrative ; que, toutefois, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée du 24 décembre 2012 que cette décision est fondée sur ce que " tant l'originalité du contenu de ce TD que la façon de le traiter avec des questions similaires à celles de l'énoncé du sujet du concours ne rendent pas crédible l'hypothèse d'un concours de circonstances qui exclurait la connaissance d'une version du sujet identique ou très proche de celle sur laquelle les candidats ont composé " ; qu'ainsi, en se bornant à comparer le sujet ressortant des notes prises par les élèves lors de la séance de travaux dirigés du 27 janvier 2012 avec le sujet donné au concours le 17 avril 2012, alors qu'il lui appartenait d'examiner s'il était raisonnablement possible que, compte tenu des circonstances, M. A...ait pu choisir de faire travailler ses élèves sur un tel sujet sans avoir eu connaissance d'une version du sujet " identique ou très proche " de celle du sujet de concours, en particulier de la version " de secours " retenue pour le concours de l'année 2011, la cour a commis une erreur de droit ; qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public que les décisions qui infligent une sanction doivent être motivées ; que la décision attaquée mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles la mise à la retraite d'office de M. A...à titre de sanction disciplinaire est fondée ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit donc être écarté ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés " ; que le conseil de discipline réuni le 5 décembre 2012 pour examiner la situation de M. A...a rendu un avis motivé, dont la décision attaquée du 24 décembre 2012 rappelle d'ailleurs le sens ; que le moyen tiré de l'irrégularité de cet avis doit, par suite, être écarté ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

6. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, la sanction prononcée contre M. A...se fonde sur ce que, tant l'originalité du contenu de l'exercice de travaux dirigés qu'il a donné à ses élèves de classe préparatoire le 27 janvier 2012 que la façon de le traiter avec des questions similaires à celles de l'énoncé du sujet du concours, établissent qu'il n'a pu donner cet exercice qu'en ayant connaissance de ce qu'une version " identique ou très proche " de ce sujet avait été retenue parmi les sujets susceptibles de figurer à l'épreuve écrite de chimie du concours commun pour l'entrée à l'école Polytechnique, à l'école supérieure de physique et de chimie industrielles de la Ville de Paris et aux écoles normales supérieures ;

7. Considérant que si M. A...soutient, sans être contredit, que les notes prises par les élèves au cours de la séance du 27 janvier 2012 comportent plusieurs incohérences avec le sujet de l'épreuve du concours, il ressort des pièces du dossier que le sujet du concours a subi des modifications ponctuelles entre novembre 2011 et janvier 2012 et que les notes de correction des élèves ne sont pas incohérentes avec le sujet du concours dans l'état antérieur à ces modifications ;

8. Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier qu'il existe entre, d'une part, les notes prises par les élèves au cours de la séance du 27 janvier 2012 et, d'autre part, l'énoncé de l'exercice tel que M. A...soutient l'avoir posé lors de cette séance, des différences qui portent notamment sur l'ordre de traitement de deux questions, sur le choix d'un groupe fonctionnel d'un réactif chimique et sur les lettres par lesquelles certaines opérations sont désignées ; que ces différents éléments, dont la présence ne peut s'expliquer par une nécessité tenant à la logique scientifique de l'exercice correspondent, en revanche, précisément aux mentions figurant dans le sujet secret retenu pour le concours, dans sa version antérieure aux ultimes modifications qui y ont été apportées en janvier 2012 ;

9. Considérant qu'il ressort en outre des pièces du dossier que, le 27 janvier 2012, M. A...a consacré à la réaction dite " MBH " une séance de travaux dirigés qui était initialement prévue pour des exercices en lien avec son programme de cours portant sur un autre sujet ; que si M. A...soutient que ce changement impromptu dans son programme d'enseignement résultait d'un retard dans l'avancée de son cours, cette allégation n'est pas établie par les attestations qu'il produit et est, au contraire, contredite par les affirmations de deux élèves entendus au cours de l'enquête administrative ; qu'enfin, contrairement à sa pratique habituelle, M. A...n'a pas distribué d'énoncé polycopié de l'exercice de travaux dirigés même après que des élèves eurent formulé auprès de lui une demande en ce sens ;

10. Considérant qu'il ressort ainsi des pièces du dossier que, lorsqu'il a choisi de faire travailler ses élèves le 27 janvier 2012 sur la réaction dite " MBH ", M. A...avait connaissance de ce qu'un tel sujet, dans une version identique ou très proche, avait été retenu parmi ceux susceptibles de figurer à l'épreuve écrite de chimie du concours commun pour l'entrée à l'école Polytechnique, à l'école supérieure de physique et de chimie industrielles de la Ville de Paris et aux écoles normales supérieures ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la sanction contestée a été prononcée sur le fondement de faits matériellement inexacts ;

11. Considérant qu'en retenant que le comportement reproché à M. A...avait contrevenu " gravement aux obligations déontologiques attendues d'un enseignant " et constituait, par suite, une faute de nature à justifier une sanction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas inexactement qualifié les faits reprochés au requérant ; qu'est à cet égard sans incidence la circonstance que le comportement de M. A...ait été qualifié de " fraude " par la décision attaquée ;

12. Considérant, enfin, qu'eu égard à la nature de ces faits, à l'importance des concours en cause et aux conséquences de tels agissements sur leur organisation, ainsi qu'à la circonstance que M. A...était âgé de 60 ans à la date de décision attaquée, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée à la faute reprochée en décidant de mettre l'intéressé à la retraite d'office ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, lequel n'est entaché ni de contradiction de motifs ni d'insuffisance de motivation, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 2 décembre 2014 est annulé.

Article 2 : L'appel formé par M. A...contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 11 juillet 2013 est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à M. C...A....


Synthèse
Formation : 4ème - 5ème ssr
Numéro d'arrêt : 387722
Date de la décision : 23/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 mar. 2016, n° 387722
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-François de Montgolfier
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:387722.20160323
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