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16/03/2016 | FRANCE | N°379626

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème ssr, 16 mars 2016, 379626


Vu la procédure suivante :

La société Europinvestissement a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en premier lieu, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et 2003 de la société Plaza, qu'elle a absorbée en 2004, en deuxième lieu, de la retenue à la source mise à sa charge au titre de ces exercices, en troisième lieu, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour le

compte de la société Plaza au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31...

Vu la procédure suivante :

La société Europinvestissement a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en premier lieu, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et 2003 de la société Plaza, qu'elle a absorbée en 2004, en deuxième lieu, de la retenue à la source mise à sa charge au titre de ces exercices, en troisième lieu, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour le compte de la société Plaza au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, et enfin des pénalités correspondant à ces impositions. Par un jugement n° 0703213 du 1er juin 2011, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement, intervenu en cours d'instance, des majorations appliquées en matière de retenue à la source, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Par un arrêt n° 11VE03276 du 30 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Europinvestissement contre ce jugement en tant qu'il avait rejeté le surplus de sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 mai et 24 juillet 2014 ainsi que le 18 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Europinvestissement demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Europinvestissement ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL Plaza, qui avait son siège en France, a été dissoute le 22 août 2004 sans liquidation par transmission universelle de son patrimoine à son associée unique, la société Europinvestissement, établie au Portugal ; que, postérieurement à cette absorption, l'administration a engagé une vérification de la comptabilité de la société Plaza au titre des exercices clos en 2002 et 2003, au terme de laquelle elle a dressé un procès-verbal pour opposition à contrôle fiscal et évalué d'office les résultats en application des dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ; que la société Europinvestissement se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 décembre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 1er juin 2011 en tant qu'après avoir prononcé un non-lieu partiel à statuer à hauteur d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge, en premier lieu, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et 2003 de la société Plaza, en deuxième lieu, de la retenue à la source mise à sa charge au titre de ces mêmes exercices, en troisième lieu, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour le compte de la société Plaza au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 et, enfin, des pénalités correspondant à ces impositions supplémentaires ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / (...) " ; que ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit, en principe, se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, en présence de personnes habilitées à la représenter, sauf dans le cas où l'administration, à la demande du contribuable, procède à cette vérification dans un lieu extérieur à l'entreprise ; qu'en particulier, dans l'hypothèse où l'entreprise vérifiée ne dispose plus de locaux en France, il appartient à ses représentants de proposer au vérificateur le lieu, en principe situé en France, où, d'un commun accord avec l'administration, la vérification de la comptabilité pourra se dérouler et de désigner la personne habilitée à la représenter lors des opérations de contrôle, qui sera tenue, comme le prévoit l'article 54 du code général des impôts, " de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration " ; que, dès lors, en jugeant que la vérification de comptabilité de la société Plaza n'avait pas à se dérouler au siège de la société Europinvestissement, situé au Portugal, comme cette dernière l'avait proposé, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 23 D de l'annexe IV au code général des impôts : " Les sociétés qui, sans avoir leur siège social en France, y exercent une activité les rendant passibles de l'impôt sur les sociétés doivent indiquer (...) dans la déclaration prévue à l'article 23 A, le lieu de leur principal établissement en France ainsi que les nom, prénoms et adresse de leur représentant en France. / (...) " ; qu'en vertu de l'article 223 quinquies A du même code dans sa rédaction alors applicable, les personnes morales exerçant des activités en France ou y possédant des biens, sans y avoir leur siège social, " peuvent être invitées, par le service des impôts, à désigner dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la réception de cette demande, un représentant en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt " ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la cour, dont l'arrêt est suffisamment motivé sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'alors même que ces dispositions n'étaient pas applicables à la société Europinvestissement, qui n'exerçait pas d'activité en France et n'y détenait pas de biens, il appartenait à cette dernière de proposer à l'administration le lieu situé en France, où pourrait se dérouler la vérification de la comptabilité, ainsi que la personne habilitée à la représenter lors de ces opérations de contrôle ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que le conseil de la société Europinvestissement avait, dans un premier temps, indiqué au vérificateur que les opérations de contrôle se dérouleraient à son cabinet, situé en France, avant de demander le report de sa première intervention sur place afin de " s'assurer que la législation en vigueur permettait à l'administration fiscale d'effectuer ce contrôle " ; que le vérificateur ayant rappelé l'obligation de tenir les documents comptables à sa disposition, le conseil de la société avait saisi la direction de la législation fiscale, qui avait confirmé la position du vérificateur et l'avait invité à prendre contact avec ce dernier sous huitaine pour convenir d'un premier entretien, en appelant son attention sur les dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales relatives à l'opposition à contrôle fiscal ; que le conseil avait indiqué à l'administration que les opérations devaient, selon lui, se dérouler au siège de la société absorbante, situé au Portugal ; que l'administration avait adressé à la société ainsi qu'à son conseil une lettre de mise en garde rappelant les conséquences de la procédure prévue à l'article L. 74 de ce livre et les avait invités à convenir d'une nouvelle date de première intervention ; que le conseil s'était borné, pour toute réponse, à indiquer que la société ne s'opposait pas à ce que la vérification de la comptabilité de la société Plaza ait lieu au Portugal ; qu'en se fondant sur ces éléments pour juger que la société requérante, qui n'avait pas proposé de lieu situé en France pour le déroulement de cette vérification et ne justifiait pas être dans l'impossibilité de le faire, s'était opposée au contrôle fiscal et que l'article L. 74 du livre des procédures fiscales lui était, dès lors, applicable, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas donné aux faits qu'elle a souverainement appréciés une qualification juridique erronée ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable jusqu'au 31 décembre 2005, ne prévoyait une obligation de visa du document comportant la motivation des pénalités par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire que s'agissant des majorations pour mauvaise foi et pour manoeuvres frauduleuses prévues à l'article 1729 du code général des impôts ; que l'article 28 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités a étendu cette obligation de visa, qui doit dorénavant être apposé par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret, à la majoration prévue par l'article 1732 du code pour mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ; qu'aux termes du II de l'article 28 de cette ordonnance, ces dispositions " sont applicables aux documents comportant la motivation des pénalités mentionnés par l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales notifiés à compter du 1er janvier 2006 " ; que, dès lors, c'est sans erreur de droit que la cour a jugé que cette obligation procédurale nouvelle n'était pas applicable à la proposition de rectification du 6 décembre 2005 comportant la motivation de la majoration pour opposition à contrôle fiscal litigieuse, alors même que cette majoration a été maintenue, par une motivation adaptée pour répondre aux observations de la société, par des documents adressés à cette dernière après le 1er janvier 2006 ;

6. Considérant, enfin, que le principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prévoit des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée, s'il est applicable aux sanctions administratives, ne saurait, en revanche, avoir pour effet d'imposer l'application rétroactive des règles relatives à la procédure d'établissement de ces sanctions ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le principe d'application de la loi pénale nouvelle plus douce ne s'appliquait pas à l'exigence de visa des majorations par un agent de catégorie A, posée par l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 7 décembre 2005 ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Europinvestissement n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Europinvestissement est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Europinvestissement et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème ssr
Numéro d'arrêt : 379626
Date de la décision : 16/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. CONTRÔLE FISCAL. VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ. PROCÉDURE. - LIEU DE LA VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ - 1) LOCAUX DE L'ENTREPRISE SAUF SI L'ADMINISTRATION ET L'ENTREPRISE EN CONVIENNENT AUTREMENT - 2) CAS D'UNE ENTREPRISE NE DISPOSANT PLUS DE LOCAUX EN FRANCE - OBLIGATION DE L'ENTREPRISE DE PROPOSER UN LIEU, EN PRINCIPE EN FRANCE, POUR LA VÉRIFICATION [RJ1].

19-01-03-01-02-04 1) L'article L. 13 du livre des procédures fiscales a pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit, en principe, se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, en présence de personnes habilitées à la représenter, sauf dans le cas où l'administration, à la demande du contribuable, procède à cette vérification dans un lieu extérieur à l'entreprise.... ,,2) Dans l'hypothèse où l'entreprise vérifiée ne dispose plus de locaux en France, il appartient à ses représentants de proposer au vérificateur le lieu, en principe situé en France, où, d'un commun accord avec l'administration, la vérification de la comptabilité pourra se dérouler et de désigner la personne habilitée à la représenter lors des opérations de contrôle, qui sera tenue, comme le prévoit l'article 54 du code général des impôts, de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 26 février 2003, M. et Mme,, n°s 232841 232842, p. 64 ;

CE, 16 juin 2010, Min. c/ M. et Mme,, n° 311752, T. p. 709.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 mar. 2016, n° 379626
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bastien Lignereux
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:379626.20160316
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