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04/03/2016 | FRANCE | N°397240

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 04 mars 2016, 397240


La SARL Le Nabucco a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de police des Bouches-du-Rhône du 19 janvier 2016 lui adressant un avertissement et décidant de la fermeture de l'établissement " le Maxi Club " qu'elle exploite à Marseille pour une durée de deux mois. Par une ordonnance n° 1601110 du 12 février 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un

e requête, enregistré le 23 février 2016 au secrétariat du contentieux d...

La SARL Le Nabucco a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de police des Bouches-du-Rhône du 19 janvier 2016 lui adressant un avertissement et décidant de la fermeture de l'établissement " le Maxi Club " qu'elle exploite à Marseille pour une durée de deux mois. Par une ordonnance n° 1601110 du 12 février 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistré le 23 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SARL Le Nabucco, représentée par son représentant légal, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) à titre principal, de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de l'arrêté en tant qu'elle s'applique du dimanche soir au jeudi soir inclus ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie, dès lors que la discothèque constitue son unique source de revenus et que la poursuite de l'exécution de l'arrêté litigieux risque de mettre sa situation en péril ;

- l'arrêté préfectoral du 19 janvier 2016 porte une atteinte grave et immédiate à la liberté du commerce et de l'industrie ;

- l'arrêté contesté est manifestement illégal dès lors qu'il est manifestement disproportionné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 février 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Le Nabucco ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de santé publique ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la SARL Le Nabucco, d'autre part, le ministre de l'intérieur ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 2 mars 2016 à 9 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Gaschignard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la SARL Le Nabucco ;

- les représentants du ministre de l'intérieur ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant que la SARL Le Nabucco a introduit, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 19 janvier 2016 par lequel le préfet de police des Bouches-du-Rhône a prononcé, d'une part, un avertissement à l'encontre de l'établissement " le Maxi Club " qu'elle exploite à Marseille, au regard des infractions aux lois et règlements de la police des débits de boisson, et, d'autre part, la fermeture administrative de cet établissement, pour une durée de deux mois, au regard des actes délictueux qui y ont été constatés le 27 septembre 2015 ; que, par l'ordonnance frappée d'appel, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de cet arrêté ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. (...) / 3. Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l'exception des infractions visées au 1, la fermeture peut être prononcée pour six mois. Dans ce cas, la fermeture entraîne l'annulation du permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1./ 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation. (...) ." ; que ces dispositions confèrent au représentant de l'Etat dans le département le pouvoir d'ordonner, au titre de ses pouvoirs de police, les mesures de fermeture d'un établissement qu'appelle la prévention de la continuation ou du retour de désordres liés à son fonctionnement ; que l'existence d'une atteinte à l'ordre public de nature à justifier la fermeture d'un établissement doit être appréciée objectivement ; que la condition, posée par les dispositions précitées, tenant à ce qu'une telle atteinte soit en relation avec la fréquentation de cet établissement peut être regardée comme remplie, indépendamment du comportement des responsables de cet établissement ;

4. Considérant que par son arrêté litigieux le préfet de police des Bouches-du-Rhône a prononcé un avertissement à l'encontre de l'établissement " Le Maxi Club " et a décidé de la fermeture administrative de cet établissement, pour une durée de deux mois au motif que, lors d'un contrôle commun réalisé par les services de police, de l'inspection du travail et de la délégation territoriale Sud du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) le 27 septembre 2015, des infractions aux lois et règlements de la police des débits de boissons avaient été constatées dans cet établissement, ainsi que des infractions au code du travail, dix personnes étant en situation de travail dissimulé, et au livre VI du code de la sécurité intérieure relatif aux activités privées de sécurité, trois personnes exerçant une mission d'agent de sécurité sans carte professionnelle ; que c'est au vu de l'ensemble de ces faits qu'il convient de déterminer si l'arrêté du 19 janvier 2016, qui contrairement à ce qu'il indique, est une mesure de police administrative et non pas une sanction présentant le caractère d'une punition, porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l'industrie qui, découlant de la liberté d'entreprendre, constitue une liberté fondamentale ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de l'audition administrative du gérant de la SARL Le Nabucco, effectuée le 11 décembre 2015, et des auditions administratives du gérant de la SARL Vegas Events, réalisées les 30 septembre et 7 décembre 2015, exploitant tous deux l'établissement " Le Maxi Club ", que les faits reprochés ne sont pas contestés ; que la mesure litigieuse a pour objet de prévenir la continuation ou le retour de désordres liés au fonctionnement de l'établissement, indépendamment de toute recherche de responsabilité de l'exploitant ; qu'alors même que la SARL Le Nabucco soutient qu'elle n'est pas responsable des agissements de la société " Vegas Events ", et que cette dernière aurait effectué des démarches tendant à se conformer aux dispositions du livre VI du code de la sécurité intérieure relative aux activités privées de sécurité, notamment par une demande de déclaration auprès du CNAPS, ce qu'elle n'établit pas, les faits précités, caractérisent, eu égard à leur nature et à leur gravité, une atteinte à l'ordre public en relation avec les conditions d'exploitation de cet établissement de nature à justifier sa fermeture pour une durée de deux mois ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une situation d'urgence, en édictant une fermeture administrative de la discothèque pour une durée deux mois, le préfet de police des Bouches-du-Rhône n'a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l'industrie ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la SARL Le Nabucco au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent en conséquence être rejetées ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la SARL Le Nabucco est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Le Nabucco et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 397240
Date de la décision : 04/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 04 mar. 2016, n° 397240
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:397240.20160304
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