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26/02/2016 | FRANCE | N°390081

France | France, Conseil d'État, 6ème ssjs, 26 février 2016, 390081


Vu la procédure suivante :

L'association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) a notamment demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité de l'arrêté du 16 juin 2008 fixant la liste des animaux classés nuisibles pour la saison 2008-2009 dans le département des Côtes d'Armor. Par un jugement n° 1204280 du 6 mars 2015, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à verser à l'ASPAS la somme de 1 000 euros en réparatio

n du préjudice subi.

Par un pourvoi enregistré le 11 mai 2015 au secr...

Vu la procédure suivante :

L'association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) a notamment demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité de l'arrêté du 16 juin 2008 fixant la liste des animaux classés nuisibles pour la saison 2008-2009 dans le département des Côtes d'Armor. Par un jugement n° 1204280 du 6 mars 2015, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à verser à l'ASPAS la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un pourvoi enregistré le 11 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de l'ASPAS.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Ricard, avocat de l'association pour la protection des animaux sauvages ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 janvier 2016, présentée par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 16 juin 2008, le préfet des Côtes d'Armor a fixé la liste et les modalités de destruction des animaux classés nuisibles dans ce département au titre de la saison 2008/2009 en tant qu'il classe les renards, les fouines, les corneilles noires, les étourneaux sansonnets, les pigeons ramiers et les pies bavardes dans la catégorie des animaux nuisibles ; que, par un jugement du 21 juin 2011, devenu définitif, le tribunal administratif de Rennes a annulé pour excès de pouvoir cet arrêté ; que, par un jugement du 6 mars 2015 contre lequel le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Rennes a fait partiellement droit à la demande indemnitaire de cette association en condamnant l'Etat à lui verser une indemnité de 1 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'exécution de cet arrêté ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement : " Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. / Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 justifie d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec son objet et ses activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de son agrément " ; qu'aux termes de l'article 2 de ses statuts, l'ASPAS, association agréée pour la protection de l'environnement en vertu de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, a pour objet " d'agir pour la protection de la faune, de la flore, la réhabilitation des animaux sauvages et la conservation du patrimoine naturel en général " ; que ces dispositions ne dispensent pas l'association qui sollicite la réparation d'un préjudice, notamment moral, causé par les conséquences dommageables d'une illégalité fautive, d'établir le caractère direct et certain de ce préjudice résultant, pour elle, de la faute commise par l'Etat ; que, par suite, en jugeant que l'association établissait, par la circonstance qu'un certain nombre de mammifères et d'étourneaux sansonnets auraient été détruits sur le fondement des arrêtés préfectoraux annulés, l'existence d'un préjudice moral résultant de l'atteinte portée aux intérêts qu'elle s'est donnée pour mission de défendre et pour la promotion desquels elle met en oeuvre différentes actions, sans rechercher si elle démontrait le caractère personnel d'un tel préjudice, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant que l'ASPAS peut prétendre à la réparation par l'Etat des conséquences dommageables de l'illégalité fautive entachant les arrêtés préfectoraux cités au point 1, sous réserve de démontrer l'existence d'un préjudice direct et certain en résultant pour elle ;

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, la reconnaissance du préjudice moral qu'aurait subi l'association suppose qu'elle démontre son caractère personnel ; que celle-ci s'en prévaut sans assortir ses prétentions d'éléments permettant d'en apprécier le bien fondé ; que la circonstance que des animaux ont été détruits en application des arrêtés annulés ne saurait suffire à l'établir ; que, dès lors, l'association n'est pas fondée à demander la réparation d'un préjudice moral ; que le préjudice écologique dont l'association se prévaut également en sa qualité d'association agréée doit être regardé comme se rattachant, dans les circonstances de l'espèce, au préjudice moral précédemment écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASPAS n'est pas fondée à demander que l'Etat soit condamné à lui verser une somme en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 mars 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'association pour la protection des animaux sauvages devant le tribunal administratif de Rennes ainsi que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat et à l'association pour la protection des animaux sauvages.


Synthèse
Formation : 6ème ssjs
Numéro d'arrêt : 390081
Date de la décision : 26/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 fév. 2016, n° 390081
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste de Froment
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:390081.20160226
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