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24/02/2016 | FRANCE | N°376574

France | France, Conseil d'État, 1ère / 6ème ssr, 24 février 2016, 376574


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 21 mars, 15 septembre, 28 novembre 2014 et 9 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Les Laboratoires Grimberg SA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 octobre 2013 par laquelle le comité économique des produits de santé (CEPS) a refusé l'augmentation du prix des spécialités Moxydar (comprimés pour suspension buvable et suspension buvable en sachets doses de 20 millilitres) à

hauteur de 5 euros la boîte, ainsi que les décisions des 17 décembre 2013 et 16...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 21 mars, 15 septembre, 28 novembre 2014 et 9 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Les Laboratoires Grimberg SA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 octobre 2013 par laquelle le comité économique des produits de santé (CEPS) a refusé l'augmentation du prix des spécialités Moxydar (comprimés pour suspension buvable et suspension buvable en sachets doses de 20 millilitres) à hauteur de 5 euros la boîte, ainsi que les décisions des 17 décembre 2013 et 16 janvier 2014 rejetant ses recours gracieux des 10 et 23 décembre 2013 ;

2°) d'enjoindre au CEPS d'accepter cette augmentation de prix et de signer l'avenant à la convention de prix correspondant ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yannick Faure, auditeur,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 février 2016, présentée par la société Les Laboratoires Grimberg SA ;

1. Considérant que les Laboratoires Grimberg ont sollicité auprès du comité économique des produits de santé la modification du prix des spécialités Moxydar (comprimés pour suspension buvable et suspension buvable en sachets doses de 20 millilitres), inscrites sur la liste des spécialités remboursables, qu'elle exploite, indiquées dans le traitement symptomatique des douleurs liées aux affections oeso-gastro-duodénales et du reflux gastro-oesophagien ; que le comité économique des produits de santé a rejeté sa demande ainsi que ses recours gracieux par des décisions des 3 octobre 2013, 17 décembre 2013 et 16 janvier 2014, dont la société demande l'annulation pour excès de pouvoir ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale : " Le prix de vente au public de chacun des médicaments mentionnés au premier alinéa de l'article L. 162-17 est fixé par convention entre l'entreprise exploitant le médicament et le Comité économique des produits de santé conformément à l'article L. 162-17-4 ou, à défaut, par décision du comité, sauf opposition conjointe des ministres concernés qui arrêtent dans ce cas le prix dans un délai de quinze jours après la décision du comité. La fixation de ce prix tient compte principalement de l'amélioration du service médical rendu apportée par le médicament, le cas échéant des résultats de l'évaluation médico-économique, des prix des médicaments à même visée thérapeutique, des volumes de vente prévus ou constatés ainsi que des conditions prévisibles et réelles d'utilisation du médicament (...) / Ce prix comprend les marges prévues par la décision mentionnée à l'article L. 162-38 ainsi que les taxes en vigueur (...) " ; qu'aux termes du I de l'article R. 163-11 du même code : " Le prix d'un médicament inscrit sur la liste prévue au premier alinéa de l'article L. 162-17 peut être modifié par convention conclue entre l'entreprise qui l'exploite et le comité économique des produits de santé ou, à défaut, par décision du comité " ;

3. Considérant que, sous réserve des cas dans lesquels l'évolution du prix de vente au public de la spécialité remboursable a été prévue par convention avec l'entreprise exploitant le médicament, il appartient au comité économique des produits de santé, saisi d'une demande en ce sens de l'entreprise, d'apprécier s'il y a lieu de procéder à la modification de prix sollicitée au regard notamment des critères indiqués à l'article L. 162-16-4 ; qu'à cette fin, il lui incombe notamment de déterminer dans chaque cas, sur la base de critères objectifs et vérifiables, la méthode de comparaison des prix des médicaments à même visée thérapeutique la plus adaptée aux caractéristiques des spécialités en cause, en tenant compte des conditions réelles et prévisibles d'utilisation de celles-ci ; qu'en particulier, lorsqu'il compare le coût de traitement journalier ou le coût de cure de spécialités déjà commercialisées, il lui revient d'apprécier les posologies à prendre en considération dans cette comparaison au vu non seulement des mentions de leurs autorisations de mise sur le marché mais également de leurs conditions réelles d'utilisation ; qu'enfin, eu égard à la lettre même de l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale et à l'objectif poursuivi par ces dispositions, de maîtrise du coût des spécialités remboursées par l'assurance maladie, la comparaison doit porter, en principe, sur le prix de vente au public ;

4. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des recommandations de bonnes pratiques de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé de 2007, que les antiacides, au nombre desquels figurent les spécialités Moxydar, ont une place dans la stratégie thérapeutique du reflux gastro-oesophagien différente de celle des inhibiteurs de la pompe à protons, les premiers étant recommandés, soit de façon ponctuelle en cas de symptômes espacés, soit en cas de grossesse, soit pendant les premiers jours d'un traitement par inhibiteurs de la pompe à protons, ces derniers étant à l'inverse recommandés en cas de symptômes rapprochés ; que, d'autre part, les inhibiteurs de la pompe à protons ont d'autres indications, tels la prévention et le traitement des lésions gastro-duodénales dues aux anti-inflammatoires non stéroïdiens chez les patients à risque et le traitement des ulcères gastro-duodénaux ; que, par suite, le comité économique des produits de santé a pu légalement estimer qu'à la différence d'une comparaison des prix des spécialités Moxydar avec ceux des autres antiacides, une comparaison avec ceux des inhibiteurs de la pompe à protons n'était pas pertinente ;

5. Considérant, en second lieu, qu'eu égard à la nature des affections traitées et au caractère symptomatique du traitement, le comité économique des produits de santé n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale en se fondant, pour comparer le prix des spécialités Moxydar avec ceux des autres antiacides, sur leur coût moyen de traitement journalier et non, ainsi que le demandait la société requérante, sur le coût moyen de traitement par prescription, tenant compte de la durée moyenne de prescription ; qu'il ressort des pièces du dossier que les coûts moyens de traitement journalier des spécialités Gaviscon, antiacide le plus consommé, et Moxydar, calculés en fonction des prix de vente au public et des posologies journalières moyennes constatées au troisième trimestre de 2013 - selon la source de données utilisée par la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé -, sont équivalents ; que la circonstance que le comité économique des produits de santé a également pris en considération le coût moyen de traitement journalier de la spécialité Gastropulgite, dont la commercialisation est en voie d'abandon, est, dans ces conditions, dépourvue d'incidence ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en rejetant la demande d'augmentation de prix présentée par les Laboratoires Grimberg au vu du coût de traitement journalier des spécialités Moxydar comparé à ceux des autres antiacides, le comité économique des produits de santé ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; que la société requérante n'est pas plus fondée à soutenir qu'il aurait, en se fondant sur une comparaison erronée, méconnu les principes d'égalité et de libre concurrence ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Les Laboratoires Grimberg n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction et les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Les laboratoires Grimberg est rejetée.

Article 2: La présente décision sera notifiée à la société Les laboratoires Grimberg et au comité économique des produits de santé.

Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère / 6ème ssr
Numéro d'arrêt : 376574
Date de la décision : 24/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

SANTÉ PUBLIQUE - PHARMACIE - PRODUITS PHARMACEUTIQUES - MODIFICATION DU PRIX DE VENTE AU PUBLIC DES MÉDICAMENTS REMBOURSABLES - MÉTHODE [RJ1].

61-04-01-022 Modification du prix de vente au public des spécialités pharmaceutiques remboursables fixé par le comité économique des produits de santé.... ,,Sous réserve des cas dans lesquels l'évolution du prix de vente au public de la spécialité remboursable a été prévue par convention avec l'entreprise exploitant le médicament, il appartient au comité économique des produits de santé, saisi d'une demande en ce sens de l'entreprise, d'apprécier s'il y a lieu de procéder à la modification de prix sollicitée au regard notamment des critères indiqués à l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale. A cette fin, il lui incombe notamment de déterminer dans chaque cas, sur la base de critères objectifs et vérifiables, la méthode de comparaison des prix des médicaments à même visée thérapeutique la plus adaptée aux caractéristiques des spécialités en cause, en tenant compte des conditions réelles et prévisibles d'utilisation de celles-ci. En particulier, lorsqu'il compare le coût de traitement journalier ou le coût de cure de spécialités déjà commercialisées, il lui revient d'apprécier les posologies à prendre en considération dans cette comparaison au vu non seulement des mentions de leurs autorisations de mise sur le marché mais également de leurs conditions réelles d'utilisation. Enfin, eu égard à la lettre même de l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale et à l'objectif poursuivi par ces dispositions, de maîtrise du coût des spécialités remboursées par l'assurance maladie, la comparaison doit porter, en principe, sur le prix de vente au public.

SÉCURITÉ SOCIALE - PRESTATIONS - PRESTATIONS D'ASSURANCE MALADIE - MODIFICATION DU PRIX DE VENTE AU PUBLIC DES MÉDICAMENTS REMBOURSABLES - MÉTHODE [RJ1].

62-04-01 Modification du prix de vente au public des spécialités pharmaceutiques remboursables fixé par le comité économique des produits de santé.... ,,Sous réserve des cas dans lesquels l'évolution du prix de vente au public de la spécialité remboursable a été prévue par convention avec l'entreprise exploitant le médicament, il appartient au comité économique des produits de santé, saisi d'une demande en ce sens de l'entreprise, d'apprécier s'il y a lieu de procéder à la modification de prix sollicitée au regard notamment des critères indiqués à l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale. A cette fin, il lui incombe notamment de déterminer dans chaque cas, sur la base de critères objectifs et vérifiables, la méthode de comparaison des prix des médicaments à même visée thérapeutique la plus adaptée aux caractéristiques des spécialités en cause, en tenant compte des conditions réelles et prévisibles d'utilisation de celles-ci. En particulier, lorsqu'il compare le coût de traitement journalier ou le coût de cure de spécialités déjà commercialisées, il lui revient d'apprécier les posologies à prendre en considération dans cette comparaison au vu non seulement des mentions de leurs autorisations de mise sur le marché mais également de leurs conditions réelles d'utilisation. Enfin, eu égard à la lettre même de l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale et à l'objectif poursuivi par ces dispositions, de maîtrise du coût des spécialités remboursées par l'assurance maladie, la comparaison doit porter, en principe, sur le prix de vente au public.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 26 février 2001, SA Janssen-Cilag, n° 213047, p. 87 ;

CE, 24 septembre 2010, Société Teofarma, n° 334125, aux Tables sur un autre point.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 fév. 2016, n° 376574
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yannick Faure
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:376574.20160224
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