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15/02/2016 | FRANCE | N°374458

France | France, Conseil d'État, 8ème / 3ème ssr, 15 février 2016, 374458


Vu la procédure suivante :

La société Richardet et Associés, venant aux droits de la société ITTC, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par la société ITTC au titre de la période du 1er janvier au 30 juin 2004. Par un jugement n° 0901460 du 5 avril 2012, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12VE02038 du 7 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la société Richardet et Associés.
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Vu la procédure suivante :

La société Richardet et Associés, venant aux droits de la société ITTC, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par la société ITTC au titre de la période du 1er janvier au 30 juin 2004. Par un jugement n° 0901460 du 5 avril 2012, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12VE02038 du 7 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la société Richardet et Associés.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 janvier et 7 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Richardet et Associés demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Herondart, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la société Richardet et associés ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration a remis en cause la déduction par la société Bra Conseil de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à des prestations facturées par la société ITTC ; que la société Richardet et Associés, venant aux droits de la société ITTC, se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 7 novembre 2013 rejetant son appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 5 avril 2012 rejetant sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée au titre des prestations facturées à la société Bra Conseil ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération / (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est (...) : / a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) " ; qu'aux termes de l'article 272 du même code : " (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu " ; qu'aux termes de l'article 283 du même code : " (...) 4. Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée " ;

3. Considérant qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts C-342/87 du 13 décembre 1989, C-454/98 du 19 septembre 2000 et C-566/07 du 18 juin 2009, le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique qu'une taxe indûment facturée puisse être régularisée, dès lors que l'émetteur de la facture démontre sa bonne foi ou qu'il a, en temps utile, éliminé complètement le risque de perte de recettes fiscales ; que, dans un tel cas, la régularisation ne doit pas dépendre du pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration fiscale ; que les Etats membres ont toutefois la faculté d'adopter des mesures afin d'assurer l'exacte perception de la taxe et d'éviter la fraude sans que ces mesures ne puissent aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs ; que les dispositions de l'article 283 du code général des impôts ne sont pas incompatibles avec ces exigences, dès lors qu'elles n'excluent pas la possibilité de régulariser une facture mentionnant une taxe y figurant à tort ; que si la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt C-138/12 du 11 avril 2013, que le fournisseur d'une prestation exonérée doit pouvoir régulariser la taxe sur la valeur ajoutée sans condition de délai lorsque l'administration a définitivement refusé le droit de déduction au client, il n'en résulte pas que l'émetteur d'une facture fictive doit pouvoir obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur cette facture au seul motif que l'administration fiscale a remis en cause la déduction par le destinataire de cette dernière de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture ; qu'il lui appartient en effet, conformément à ce qu'a jugé la Cour dans son arrêt C-459/98, de régulariser la facture litigieuse en temps utile pour éliminer tout risque de perte de recettes fiscales ;

4. Considérant que la cour administrative d'appel de Versailles a relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que la société ITTC avait facturé à la société Bra Conseil un montant de 11 648 euros de taxe sur la valeur ajoutée portant sur des prestations de sous-traitance dont la réalisation n'était pas établie, ainsi qu'elle l'a jugé dans un arrêt rendu le même jour ; qu'en jugeant que la société ITTC ne pouvait obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée au seul motif que l'administration fiscale avait remis en cause la déduction par le bénéficiaire de factures fictives de la taxe sur la valeur ajoutée qui y était mentionnée, alors que la société ITTC n'avait pas procédé à la régularisation des factures pour éliminer tout risque de perte de recettes fiscales, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Richardet et Associés n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Richardet et Associés est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Richardet et Associés et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème / 3ème ssr
Numéro d'arrêt : 374458
Date de la décision : 15/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-06 CONTRIBUTIONS ET TAXES. TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES. TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. LIQUIDATION DE LA TAXE. DÉDUCTIONS. REMBOURSEMENTS DE TVA. - POSSIBILITÉ POUR L'ÉMETTEUR D'UNE FACTURE FICTIVE D'OBTENIR LE REMBOURSEMENT DE LA TVA FIGURANT SUR CETTE FACTURE AU MOTIF QUE LA DÉDUCTION DE CETTE TVA PAR LE DESTINATAIRE DE LA FACTURE A ÉTÉ REMISE EN CAUSE - ABSENCE, FAUTE DE RÉGULARISATION EN TEMPS UTILE DE LA FACTURE.

19-06-02-08-03-06 Ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) dans ses arrêts C-342/87 du 13 décembre 1989, C-454/98 du 19 septembre 2000 et C-566/07 du 18 juin 2009, le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) implique qu'une taxe indûment facturée puisse être régularisée, dès lors que l'émetteur de la facture démontre sa bonne foi ou qu'il a, en temps utile, éliminé complètement le risque de perte de recettes fiscales. Dans un tel cas, la régularisation ne doit pas dépendre du pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration fiscale. Les Etats membres ont toutefois la faculté d'adopter des mesures afin d'assurer l'exacte perception de la taxe et d'éviter la fraude sans que ces mesures ne puissent aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs. Les dispositions de l'article 283 du code général des impôts (CGI), qui prévoient que la taxe est due par l'émetteur de la facture en cas de facture fictive, ne sont pas incompatibles avec ces exigences, dès lors qu'elles n'excluent pas la possibilité de régulariser une facture mentionnant une taxe y figurant à tort.,,,Si la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé, dans son arrêt C-138/12 du 11 avril 2013, que le fournisseur d'une prestation exonérée doit pouvoir régulariser la taxe sur la valeur ajoutée sans condition de délai lorsque l'administration a définitivement refusé le droit de déduction au client, il n'en résulte pas que l'émetteur d'une facture fictive doit pouvoir obtenir le remboursement de la TVA figurant sur cette facture au seul motif que l'administration fiscale a remis en cause la déduction par le destinataire de cette dernière de la TVA mentionnée sur la facture. Il lui appartient en effet, conformément à ce qu'a jugé la Cour dans son arrêt C-454/98, de régulariser la facture litigieuse en temps utile pour éliminer tout risque de pertes de recettes fiscales.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 2016, n° 374458
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mathieu Herondart
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:374458.20160215
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