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10/02/2016 | FRANCE | N°388192

France | France, Conseil d'État, 4ème / 5ème ssr, 10 février 2016, 388192


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D...C..., agissant en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (chambre sociale n° 12-19118) du 15 janvier 2014, demande au Conseil d'Etat :

1°) de déclarer illégales les dispositions de l'article R. 242-65 du code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction résultant du décret n° 2003-967 du 9 octobre 2003 portant code de déontologie vétérinaire et modifiant le code rural ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la som

me de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice a...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D...C..., agissant en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (chambre sociale n° 12-19118) du 15 janvier 2014, demande au Conseil d'Etat :

1°) de déclarer illégales les dispositions de l'article R. 242-65 du code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction résultant du décret n° 2003-967 du 9 octobre 2003 portant code de déontologie vétérinaire et modifiant le code rural ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2003-967 du 9 octobre 2003 ;

- le décret n° 2015-289 du 13 mars 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François de Montgolfier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires ;

1. Considérant que MmeC..., vétérinaire, qui a engagé devant la juridiction judiciaire un litige en vue d'obtenir l'annulation d'une clause de non-concurrence qui figurait dans le contrat qu'elle avait conclu depuis 2004 avec un vétérinaire qui l'employait comme salariée, demande au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 15 janvier 2014, de déclarer illégales les dispositions de l'article R. 242-65 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction issue du décret du 9 octobre 2003 portant code de déontologie vétérinaire et modifiant le code rural ;

Sur l'intervention du Conseil national de l'ordre des vétérinaires :

2. Considérant que le Conseil national de l'ordre des vétérinaires a un intérêt suffisant à ce que l'article R. 242-65 du code rural et de la pêche maritime soit déclaré légal ; que son intervention doit être admise ;

Sur les fins de non-recevoir :

3. Considérant, en premier lieu, que si, par sa décision n° 323489 du 27 mars 2009, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a refusé d'admettre le pourvoi en cassation de Mme C...contre la décision du 22 octobre 2008 par laquelle la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires lui a infligé la sanction de suspension temporaire d'exercer la profession de vétérinaire sur le territoire des régions Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Corse, l'autorité de la chose jugée par cette décision ne fait pas obstacle à ce que Mme C...demande, à l'occasion d'un autre litige, l'appréciation de la légalité de l'article R. 242-65 du code rural et de la pêche maritime ;

4. Considérant, en second lieu, que, par son arrêt du 15 janvier 2014, la Cour de cassation a jugé que l'examen d'un moyen relatif à la licéité d'une clause de non-concurrence dont elle était saisie exigeait que soit posée la question de l'appréciation de la légalité de l'article R. 242-65 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction résultant du décret du 9 octobre 2003 portant code de déontologie vétérinaire et modifiant le code rural ; que la circonstance que le décret du 13 mars 2015 modifiant le code de déontologie vétérinaire et différentes dispositions liées à l'exercice professionnel vétérinaire a donné une nouvelle rédaction à cet article ne saurait priver de son objet la question ainsi posée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir soulevées par Mme B...doivent être écartées ;

Sur la légalité des dispositions litigieuses :

6. Considérant que, dans sa rédaction issue du décret du 9 octobre 2003 mentionné ci-dessus, l'article R. 242-65 du code rural disposait : " Clause de non-concurrence. / Sauf convention contraire entre les intéressés, tout vétérinaire ayant exercé en qualité de salarié ou de collaborateur dans un cabinet vétérinaire, une clinique vétérinaire ou un centre hospitalier vétérinaire ne peut fixer son domicile professionnel d'exercice ni exercer en tant que vétérinaire à domicile à moins de vingt-cinq kilomètres du lieu où il a exercé sa profession pendant au moins trente jours, consécutifs ou non, au cours des deux années qui précèdent. Les distances se comptent par le chemin carrossable le plus court. / La période d'interdiction, d'une durée de deux ans, court du lendemain du jour où cet exercice a pris fin. / La distance minimale est réduite à 3 kilomètres si le lieu d'exercice quitté se trouve dans une agglomération de plus de 100 000 habitants. / Ces dispositions restent applicables au bénéfice des cessionnaires ou ayants droit " ;

7. Considérant que les dispositions précitées n'ont pas pour objet ou pour effet d'imposer ou d'autoriser la présence de certaines clauses dans les contrats conclus entre un vétérinaire et un de ses salariés, mais seulement de prévoir que, dans le silence du contrat, les règles qu'elles prévoient doivent être respectées à titre d'obligations déontologiques entre membres d'une même profession réglementée ;

8. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 242-3 du code rural et de la pêche maritime habilite le pouvoir réglementaire à édicter, par décret en Conseil d'Etat, après avis du Conseil national de l'ordre des vétérinaires et consultation des organisations syndicales de vétérinaires, un code de déontologie ; qu'en outre, il est loisible à l'autorité investie du pouvoir réglementaire de fixer, en vertu des pouvoirs qu'elle tient de l'article 37 de la Constitution, des prescriptions applicables aux membres d'une profession réglementée, complémentaires de celles qui résultent de la loi ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions réglementaires litigieuses seraient entachées d'incompétence doit être écarté ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions litigieuses, qui présentent un caractère purement supplétif, poursuivent notamment l'objectif, dans l'intérêt général de la profession réglementée de vétérinaire, de prévenir les litiges entre les vétérinaires qui ont entretenu des relations de salariat ou de collaboration ; que l'atteinte qu'elles portent à la liberté d'entreprendre n'est pas disproportionnée au regard de cet objectif, alors même qu'elles ne prévoient pas de compensation financière aux obligations qu'elles imposent ; qu'ainsi le moyen tiré de ce qu'elles seraient, pour ce motif, illégales doit être écarté ;

10. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que le pouvoir réglementaire n'aurait pas imposé à d'autres professions des sujétions comparables à celles que les dispositions litigieuses imposent aux vétérinaires est sans incidence sur la légalité de celles-ci, le principe d'égalité entre des professions différentes ne pouvant être utilement invoqué ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à demander que le Conseil d'Etat déclare illégales les dispositions de l'article R. 242-65 du code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction issue du décret du 9 octobre 2003 ;

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de MmeC..., au même titre, le versement à Mme B...de la somme de 3 500 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention du Conseil national de l'ordre des vétérinaires est admise.

Article 2 : Il est déclaré que l'exception d'illégalité des dispositions de l'article R. 242-65 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction issue du décret n° 2003-967 du 9 octobre 2003 portant code de déontologie vétérinaire et modifiant le code rural, n'est pas fondée.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Mme C...versera à Mme B...la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme D...C..., à Mme A...B..., au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et au Conseil national de l'ordre des vétérinaires.


Synthèse
Formation : 4ème / 5ème ssr
Numéro d'arrêt : 388192
Date de la décision : 10/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - PRINCIPES GARANTISSANT L'EXERCICE DE LIBERTÉS INDIVIDUELLES OU COLLECTIVES - LIBERTÉ DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE - VIOLATION - ABSENCE - INTERDICTION - SAUF CONVENTION CONTRAIRE - FAITE AUX VÉTÉRINAIRES D'EXERCER À PROXIMITÉ DU LIEU OÙ ILS EXERÇAIENT PRÉCÉDEMMENT EN QUALITÉ DE SALARIÉ OU COLLABORATEUR.

01-04-03-04-03 L'article R. 242-65 du code rural, dans sa rédaction applicable, interdit, sauf convention contraire entre les intéressés, à un vétérinaire d'exercer, pendant une durée déterminée, à proximité du lieu où il a précédemment exercé en qualité de salarié ou de collaborateur d'un cabinet, d'une clinique ou d'un centre hospitalier vétérinaire.,,,Ces dispositions, qui présentent un caractère purement supplétif, poursuivent notamment l'objectif, dans l'intérêt général de la profession réglementée de vétérinaire, de prévenir les litiges entre les vétérinaires qui ont entretenu des relations de salariat ou de collaboration. L'atteinte qu'elles portent à la liberté d'entreprendre n'est pas disproportionnée au regard de cet objectif, alors même qu'elles ne prévoient pas de compensation financière aux obligations qu'elles imposent.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - VÉTÉRINAIRES - INTERDICTION - SAUF CONVENTION CONTRAIRE - FAITE AUX VÉTÉRINAIRES D'EXERCER À PROXIMITÉ DU LIEU OÙ ILS EXERÇAIENT PRÉCÉDEMMENT EN QUALITÉ DE SALARIÉ OU COLLABORATEUR - MÉCONNAISSANCE DE LA LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE - ABSENCE.

55-03-042 L'article R. 242-65 du code rural, dans sa rédaction applicable, interdit, sauf convention contraire entre les intéréssés, à un vétérinaire d'exercer, pendant une durée déterminée, à proximité du lieu où il a précédemment exercé en qualité de salarié ou de collaborateur d'un cabinet, d'une clinique ou d'un centre hospitalier vétérinaire.,,,Ces dispositions, qui présentent un caractère purement supplétif, poursuivent notamment l'objectif, dans l'intérêt général de la profession réglementée de vétérinaire, de prévenir les litiges entre les vétérinaires qui ont entretenu des relations de salariat ou de collaboration. L'atteinte qu'elles portent à la liberté d'entreprendre n'est pas disproportionnée au regard de cet objectif, alors même qu'elles ne prévoient pas de compensation financière aux obligations qu'elles imposent.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 fév. 2016, n° 388192
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-François de Montgolfier
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:388192.20160210
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