Vu la procédure suivante :
M. D...a porté plainte contre M. B...A...devant la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France de l'ordre des médecins. Par une décision du 3 mai 2013, la chambre disciplinaire a rejeté sa plainte.
Par une décision du 19 juin 2015, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a, sur appel de M.C..., infligé à M. A...la sanction d'interdiction d'exercer la médecine pendant un mois.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juillet et 11 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) de mettre à la charge de M. C...la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-François de Montgolfier, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. A...et à la SCP Barthélémy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., médecin qualifié spécialiste en psychiatrie, a été désigné en 1994 dans le cadre d'une information judiciaire pour réaliser l'expertise psychiatrique de M. C...et qu'il l'a rencontré en détention à cette fin ; que M. A...est par ailleurs l'auteur d'un article, publié le 29 mars 2012 dans le quotidien Le Figaro, dans lequel il évoque la " vacuité psychique " de plusieurs auteurs de faits criminels qu'il désigne, parmi lesquels M. C...; que M. A... se pourvoit en cassation contre la décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins qui lui a infligé une sanction disciplinaire au motif qu'il avait, par la publication de cet article, violé le secret médical ;
2. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 4124-2 du code de la santé publique dispose que : " Les médecins, les chirurgiens-dentistes ou les sages-femmes chargés d'un service public et inscrits au tableau de l'ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'Etat dans le département, le directeur général de l'agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit " ; que la publication dans un quotidien d'un article par lequel un médecin exprime son opinion sur la personnalité d'un patient ne constitue pas un acte accompli dans l'exercice de telles fonctions, alors même qu'elle prendrait appui sur des informations collectées à l'occasion de l'accomplissement, par ce médecin, d'actes de fonction publique ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins aurait dû rejeter comme irrecevable la plainte de M.C... ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 4127-4 du même code : " Le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. / Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris " ; que, d'une part, la restriction à la liberté d'expression qui résulte de cette protection du secret médical n'est pas incompatible avec les stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, d'autre part, en jugeant, par une décision qui n'est pas entachée d'insuffisance de motivation, que, dès lors qu'il avait rencontré M. C...dans le cadre d'un entretien mené, au titre d'une expertise psychiatrique, dans l'exercice de sa profession de médecin psychiatre, M. A...était tenu au secret médical à son égard et qu'il n'en était délié ni par le refus de l'intéressé de se soumettre à son examen ni par la circonstance que certains éléments de la personnalité de M. C...avaient déjà fait l'objet d'informations à la disposition du public, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins n'a pas dénaturé les faits ni entaché sa décision d'erreur de droit ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins du 19 juin 2015 ; que son pourvoi doit être rejeté, y compris, par voie de conséquences, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A....
Copie en sera adressée à M. D...et au Conseil national de l'ordre national des médecins.