Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 septembre 2014 et 29 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...D...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du Président de la République du 14 avril 2014 nommant M. C...A...directeur du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux formé, le 13 juin 2014, contre cette nomination.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-155 du 5 mars 1987 ;
- le décret n° 2005-1311 du 21 octobre 2005 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 janvier 2016, présentée par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeD..., candidate au début de l'année 2014 aux fonctions de directeur du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS), demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du président de la République du 14 avril 2014 par lequel M. A...a été nommé à ces fonctions, ainsi que celle de la décision implicite rejetant son recours gracieux formé contre cette nomination ;
Sur l'intervention du syndicat SGEN- CFDT :
2. Considérant que le syndicat SGEN-CFDT de l'administration centrale des ministères chargés de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, de la jeunesse et des sports justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation du décret attaqué ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur le décret et la décision attaqués :
3. Considérant, d'une part, que l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que, sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat et de ses établissements publics administratifs sont occupés par des fonctionnaires ; que, selon l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984, cette règle ne s'applique toutefois ni aux " emplois supérieurs dont la nomination est laissée à la décision du gouvernement " ni aux emplois de certains établissements publics figurant, en raison du caractère particulier de leurs missions, sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat, après avis du conseil supérieur de la fonction publique ; qu'aux termes, enfin, de l'article 25 de la loi du 11 janvier 1984 : " Un décret en Conseil d'Etat détermine, pour chaque administration et service, les emplois supérieurs pour lesquels les nominations sont laissées à la décision du Gouvernement. / L'accès de non-fonctionnaires à ces emplois n'entraîne pas leur titularisation dans un corps de l'administration ou du service. / Les nominations aux emplois mentionnés à l'alinéa premier du présent article sont essentiellement révocables, qu'elles concernent des fonctionnaires ou des non-fonctionnaires " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 21 octobre 2005 relatif aux conditions de nomination dans les emplois de directeur général et de directeur de certains établissements publics nationaux à caractère administratif : " Sont régis par le présent décret les emplois suivants : / 1. Directeur général du Réseau Canopé ; / 2. Directeur de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) ; / 3. Directeur du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) ; / 4. Directeur du Centre international d'études pédagogiques (CIEP) ; 5. Directeur de l'Institut national de recherche pédagogique (INRP) ; 6. Directeur du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) " ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : " La nomination à ces emplois est prononcée par décret pris sur proposition : / (...) 5. Du ministre chargé de l'enseignement supérieur pour le CNOUS " ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret : " Peuvent être nommés dans ces emplois les fonctionnaires des corps recrutés par la voie de l'Ecole nationale d'administration et les fonctionnaires nommés dans un emploi ou appartenant à un corps ou cadre d'emplois dont l'échelonnement indiciaire culmine au moins à la hors-échelle B (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 du même décret : " La nomination dans l'emploi de directeur général ou de directeur est prononcée pour une période maximale de trois ans renouvelable une fois. / Tout fonctionnaire nommé à l'un de ces emplois peut se voir retirer cet emploi dans l'intérêt du service " ;
5. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 822-2 du code de l'éducation : " Le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires est un établissement public, doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière / (...) Le conseil d'administration du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires est chargé : / 1° De définir la politique générale du centre national et des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires ; / 2° D'assurer la répartition des crédits budgétaires ordinaires et extraordinaires affectés aux centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires ; / 3° De recueillir et de répartir tous dons, legs, subventions et aides diverses susceptibles de favoriser l'établissement, le fonctionnement ou le développement de ces oeuvres " ; que l'article R. 822-5 de ce code précise que " le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires " et que l'article R. 822-7 dispose que " le directeur du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires est chargé de préparer et d'exécuter les délibérations du conseil d'administration et d'assurer le fonctionnement des services " ;
6. Considérant que le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires est un établissement public administratif ; qu'au regard tant des conditions de sa nomination que de la nature des missions qui lui sont confiées par le code de l'éducation, le directeur de cet établissement ne peut être regardé comme occupant un emploi supérieur à la décision du gouvernement ; que, dès lors, seuls les fonctionnaires qui remplissent les conditions prévues par l'article 4 du décret du 21 octobre 2005 peuvent être nommés à cet emploi ; que, par suite, en nommant M. A...directeur du CNOUS alors que ce dernier n'était pas fonctionnaire, l'autorité investie du pouvoir de nomination a excédé ses pouvoirs ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen soulevé par le syndicat SGEN-CFDT, que la requérante est fondée à demander l'annulation du décret et de la décision attaqués ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention du syndicat SGEN-CFDT de l'administration centrale des ministères chargés de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, de la jeunesse et des sports est admise.
Article 2 : Le décret du président de la République du 14 avril 2014 et la décision implicite rejetant le recours gracieux formé par Mme D...contre sa décision nommant M. A... directeur du CNOUS sont annulés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B...D..., au Premier ministre, à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à M. C...A...et au syndicat SGEN-CFDT de l'administration centrale des ministères chargés de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, de la jeunesse et des sports.
Copie en sera adressée au Centre national des oeuvres universitaires et scolaires.