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21/01/2016 | FRANCE | N°389732

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème ssr, 21 janvier 2016, 389732


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

1° La société en nom collectif (SNC) Foncière Otello a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010 à raison de locaux situés 20, rue Jean Rey à Paris (15ème). Par un jugement n° 1121191 du 28 février 2013, le tribunal administratif a jugé que les impositions en litige seraient déterminées

par référence à la valeur locative cadastrale du Grand Hôtel Intercontinental situé 12,...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

1° La société en nom collectif (SNC) Foncière Otello a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010 à raison de locaux situés 20, rue Jean Rey à Paris (15ème). Par un jugement n° 1121191 du 28 février 2013, le tribunal administratif a jugé que les impositions en litige seraient déterminées par référence à la valeur locative cadastrale du Grand Hôtel Intercontinental situé 12, boulevard des Capucines à Paris (9ème) et déchargé la SNC Foncière Otello de la différence entre les impositions auxquelles elle a été assujettie et celles résultant de la base d'imposition ainsi réduite.

Par une décision n° 367886 du 28 avril 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire au tribunal administratif.

2° La SNC Foncière Otello a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 à raison de locaux à usage hôtelier situés 20, rue Jean Rey à Paris (15ème).

Après jonction, par un jugement n°s 1121191, 1403283 du 16 février 2015, le tribunal administratif de Paris, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat en ce qui concerne les impositions au titre des années 2008, 2009 et 2010, a jugé que les cotisations en litige seraient déterminées par référence à la valeur locative cadastrale du Grand Hôtel Intercontinental situé 12, boulevard des Capucines à Paris (9ème) et déchargé la SNC Foncière Otello de la différence entre les impositions auxquelles elle a été assujettie et celles résultant de la base d'imposition ainsi réduite.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

Par un pourvoi, enregistré le 23 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er à 3 de ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les demandes de la SNC Foncière Otello.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la SNC Foncière Otello ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la SNC Foncière Otello a demandé vainement à l'administration fiscale la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2011 à raison de locaux à usage hôtelier exploités sous l'enseigne Mercure Paris Tour Eiffel Suffren et situés rue Jean Rey à Paris (15ème) ; que, par un jugement du 16 février 2015, le tribunal administratif de Paris, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat pour ce qui concerne les impositions relatives aux années 2008 à 2010, a jugé que les impositions en litige seraient déterminées par référence à la valeur locative cadastrale du Grand Hôtel Intercontinental situé 12, boulevard des Capucines à Paris (9ème), a déchargé en conséquence la SNC Foncière Otello de la différence entre les impositions auxquelles elle a été assujettie et celles résultant de la base d'imposition ainsi réduite et rejeté le surplus de ses demandes ; que le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre les articles 1er à 3 de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1494 du code général des impôts : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties (...) est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte " ; qu'aux termes de l'article 1498 du même code : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : (...) / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / - soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date ; /- soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe " ; qu'en vertu des dispositions de l'article 324 AA de l'annexe III à ce code : " La valeur locative cadastrale des biens loués à des conditions anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un titre autre que celui de locataire, vacants ou concédés à titre gratuit est obtenue en appliquant aux données relatives à leur consistance - telles que superficie réelle, nombre d'éléments - les valeurs unitaires arrêtées pour le type de la catégorie correspondante (...) " ; qu'en vertu des dispositions de l'article 324 Z de la même annexe : " I. L'évaluation par comparaison consiste à attribuer à un immeuble ou à un local donné une valeur locative proportionnelle à celle qui a été adoptée pour d'autres biens de même nature pris comme types. / II. Les types dont il s'agit doivent correspondre aux catégories dans lesquelles peuvent être rangés les biens de la commune visés aux articles 324 Y à 324 AC, au regard de l'affectation, de la situation, de la nature de la construction, de son importance, de son état d'entretien et de son aménagement. / Ils sont inscrits au procès-verbal des opérations de la révision " ;

3. Considérant qu'en vertu de l'article R. 122-2 du code de la construction et de l'habitation : " Constitue un immeuble de grande hauteur, pour l'application du présent chapitre, tout corps de bâtiment dont le plancher bas du dernier niveau est situé, par rapport au niveau du sol le plus haut utilisable pour les engins des services publics de secours et de lutte contre l'incendie : / - à plus de 50 mètres pour les immeubles à usage d'habitation, tels qu'ils sont définis par l'article R. 111-1 ; / - à plus de 28 mètres pour tous les autres immeubles (...) " ;

4. Considérant que le ministre soutient que, pour l'application de la méthode d'évaluation de la valeur locative des locaux commerciaux et biens divers prévue au 2° de l'article 1498 du code général des impôts, les immeubles de grande hauteur répondant aux prescriptions de l'article R. 122-2 du code de la construction et de l'habitation ne peuvent qu'être comparés à d'autres immeubles de grande hauteur répondant aux mêmes prescriptions et qu'en conséquence, le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que l'hôtel Mercure Paris Tour Eiffel Suffren, qui est un immeuble de grande hauteur au sens du code de la construction et de l'habitation, pouvait être comparé avec le Grand Hôtel Intercontinental, qui n'est pas un immeuble de grande hauteur au sens de ce code ;

5. Considérant que, pour l'application de la méthode d'évaluation de la valeur locative des locaux commerciaux et biens divers prévue au 2° de l'article 1498 du code général des impôts, les immeubles de grande hauteur, eu égard à leurs spécificités, ne peuvent être évalués que par comparaison avec d'autres immeubles de grande hauteur ou, à défaut, par voie d'appréciation directe en application du 3° du même article ; qu'à la date du 1er janvier 1970 retenue pour l'évaluation des valeurs locatives cadastrales servant de base à la taxe foncière sur les propriétés bâties, les seuls immeubles que leur hauteur exceptionnelle rendait spécifiques en France, pour l'évaluation de leur valeur locative, se situaient dans le quartier de La Défense en banlieue parisienne et avaient une hauteur de 100 mètres ; qu'en conséquence, doit être regardé comme un immeuble de grande hauteur, pour l'application de la règle mentionnée ci-dessus, un immeuble dont la hauteur est proche de cette hauteur ou lui est supérieure ; qu'il n'y a, en revanche, pas lieu de se référer à la catégorie des immeubles de grande hauteur définie par le code de la construction et de l'habitation, notamment par son article R. 122-2 cité au point 3, qui inclut des immeubles qui ne présentent pas, par la nature de leur construction, de spécificité telle, au regard de la loi fiscale, qu'elle empêche la comparaison avec un immeuble n'appartenant pas à cette catégorie ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que la seule circonstance qu'un immeuble appartienne à la catégorie des immeubles de grande hauteur définie par le code de la construction et de l'habitation ne faisait pas obstacle à ce que sa valeur locative puisse être évaluée par comparaison avec un immeuble n'appartenant pas à la même catégorie, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit ; que le pourvoi du ministre des finances et des comptes publics doit, par suite, être rejeté ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SNC Foncière Otello de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SNC Foncière Otello la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à la société en nom collectif Foncière Otello.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème ssr
Numéro d'arrêt : 389732
Date de la décision : 21/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jan. 2016, n° 389732
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Karin Ciavaldini
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:389732.20160121
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