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30/12/2015 | FRANCE | N°385176

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 30 décembre 2015, 385176


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 70841 du 18 septembre 2014, la Cour des comptes a notamment déchargé MM. C...B...et A...D..., comptables du centre culturel de Lagos au Nigéria, de leur gestion au titre de l'exercice 1999, jusqu'au 31 août, s'agissant de M. B...et au titre des exercices 1999, à compter 1er septembre, et des exercices 2000 à 2002, s'agissant de M.D....

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 octobre 2014 et 12 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le procureur général près la Cour des comptes

demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, dans cette mesure, cet arrêt ;...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 70841 du 18 septembre 2014, la Cour des comptes a notamment déchargé MM. C...B...et A...D..., comptables du centre culturel de Lagos au Nigéria, de leur gestion au titre de l'exercice 1999, jusqu'au 31 août, s'agissant de M. B...et au titre des exercices 1999, à compter 1er septembre, et des exercices 2000 à 2002, s'agissant de M.D....

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 octobre 2014 et 12 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le procureur général près la Cour des comptes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, dans cette mesure, cet arrêt ;

2°) de renvoyer l'affaire à la Cour des comptes.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des juridictions financières ;

- la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

1. Considérant que les écritures de M.B..., qui ont été présentées sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, bien que l'intéressé ait été informé de l'obligation de recourir à ce ministère, doivent être écartées des débats ;

2. Considérant, d'une part, qu'en vertu du I de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 de finances pour 1963, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d'un comptable public, du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent ; qu'ils sont également personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine, dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes ; qu'en vertu du III du même article, la responsabilité pécuniaire des comptables publics s'étend à toutes les opérations du poste comptable qu'ils dirigent depuis la date de leur installation jusqu'à la date de cessation des fonctions ; qu'aux termes du I de l'article L. 111-1 du code des juridictions financières : " La Cour des comptes juge les comptes des comptables publics (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 131-1 du même code : " Les comptables publics qui relèvent de la juridiction de la Cour des comptes sont tenus de lui produire leurs comptes dans les délais fixés par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes du IV de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 : " Le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité ne peut plus intervenir au-delà du 31 décembre de la cinquième année suivant celle au cours de laquelle le comptable a produit ses comptes au juge des comptes ou, lorsqu'il n'est pas tenu à cette obligation, celle au cours de laquelle il a produit les justifications de ses opérations. / Dès lors qu'aucune charge n'a été notifiée dans ce délai à son encontre, le comptable est déchargé de sa gestion au titre de l'exercice concerné. Dans le cas où le comptable est sorti de fonction au cours de cet exercice et si aucune charge n'existe ou ne subsiste à son encontre pour l'ensemble de sa gestion, il est quitte de cette gestion " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code des juridictions financières, relatif aux activités juridictionnelles de la Cour des comptes : " I. - Les rapports d'examen des comptes à fin de jugement ou ceux contenant des faits soit susceptibles de conduire à une condamnation à l'amende, soit présomptifs de gestion de fait sont communiqués au représentant du ministère public près la Cour des comptes. / II. - Lorsque le ministère public ne relève aucune charge à l'égard d'un comptable public, il transmet ses conclusions au président de la formation de jugement ou à son délégué. Celui-ci peut demander un rapport complémentaire. Lorsque le ministère public ne relève aucune charge après communication de ce dernier, le président de la formation de jugement ou son délégué rend une ordonnance déchargeant le comptable de sa gestion. / Si aucune charge ne subsiste à l'encontre du comptable public au titre de ses gestions successives et s'il a cessé ses fonctions, quitus lui est donné dans les mêmes conditions. / III. - Lorsque le ministère public relève, dans les rapports mentionnés au I ou au vu des autres informations dont il dispose, un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, ou présomptif de gestion de fait, il saisit la formation de jugement (...) " ;

4. Considérant que ces dispositions instituent, dans l'intérêt de l'ordre public financier, un régime légal de responsabilité pécuniaire et personnelle des comptables publics distinct de la responsabilité de droit commun ; que l'examen des comptes à fin de jugement constitue un préalable nécessaire à l'ouverture, à l'initiative du ministère public, à qui le législateur a confié le monopole des poursuites, d'une instance contentieuse susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire d'un comptable public ; que, dans le cas où le délai de cinq ans prévu au IV de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 cité au point 2 est expiré, le ministère public ne peut plus saisir la formation de jugement d'un réquisitoire concluant à l'existence d'un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ; que dans le cadre de la phase contentieuse de la procédure de jugement des comptes ouverte par le réquisitoire du ministère public, le juge des comptes ne peut davantage, eu égard à la nature particulière de la responsabilité pesant sur le comptable, engager la responsabilité personnelle et pécuniaire d'un comptable alors que le délai prévu au IV de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 serait expiré ; que le moyen tiré de ce que ce que le jugement des comptes est prescrit en application de ces dispositions est d'ordre public et doit être relevé d'office par le juge des comptes ;

5. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir relevé que MM. B...etD..., comptables du centre culturel de Lagos au Nigéria mis en cause dans le cadre des charges n° 1 à 5, ne s'étaient pas prévalus de ce que l'action du parquet général avait été engagée postérieurement à l'expiration du délai mentionné au point précédent, la Cour des comptes les a cependant déchargés de leur gestion sur le fondement des dispositions du IV de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en relevant d'office la prescription de la mise en jeu de leur responsabilité, la Cour des comptes n'a pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant, par suite, que le parquet général près la Cour des comptes n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que son pourvoi doit être rejeté ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du parquet général près la Cour des comptes est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au parquet général près la Cour des comptes, à M. C... B..., à M. A...D...et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 6ème / 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 385176
Date de la décision : 30/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET - RÉGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - JUGEMENT DES COMPTES - DÉLAI DE PRESCRIPTION DE CINQ ANNÉES CIVILES (IV DE L'ARTICLE 60 DE LA LOI DU 23 FÉVRIER 1963) - 1) PORTÉE - 2) MOYEN D'ORDRE PUBLIC - EXISTENCE.

18-01-04 1) L'examen des comptes à fin de jugement constitue un préalable nécessaire à l'ouverture, à l'initiative du ministère public, à qui le législateur a confié le monopole des poursuites, d'une instance contentieuse susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire d'un comptable public. Dans le cas où le délai de cinq ans prévu au IV de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 est expiré, le ministère public ne peut plus saisir la formation de jugement d'un réquisitoire concluant à l'existence d'un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable. Dans le cadre de la phase contentieuse de la procédure de jugement des comptes ouverte par le réquisitoire du ministère public, le juge des comptes ne peut davantage, eu égard à la nature particulière de la responsabilité pesant sur le comptable, engager la responsabilité personnelle et pécuniaire d'un comptable alors que le délai prévu au IV de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 serait expiré.... ,,2) Le moyen tiré de ce que ce que le jugement des comptes est prescrit en application de ces dispositions est d'ordre public et doit être relevé d'office par le juge des comptes.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - MOYENS - MOYENS D'ORDRE PUBLIC À SOULEVER D'OFFICE - EXISTENCE - JUGEMENT DES COMPTES - DÉLAI DE PRESCRIPTION (IV DE L'ARTICLE 60 DE LA LOI DU 23 FÉVRIER 1963) - MOYEN D'ORDRE PUBLIC - EXISTENCE.

54-07-01-04-01-02 Le moyen tiré de ce que ce que le jugement des comptes est prescrit en application du IV de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, est d'ordre public et doit être relevé d'office par le juge des comptes.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2015, n° 385176
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:385176.20151230
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