Vu la procédure suivante :
Par une décision n° 5101 du 30 juin 2014, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins, statuant sur une plainte du médecin-conseil, chef du service médical de la Réunion et après dessaisissement de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France de l'ordre des médecins, en application de l'article R. 145-19 du code de la sécurité sociale, a interdit à Mme B...A...de donner des soins aux assurés sociaux pendant dix-huit mois, dont neuf mois avec sursis, à compter du 1er octobre 2014 et l'a condamnée à reverser à la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion la somme de 41 017,71 euros.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 1er septembre 2014, 1er octobre 2014, 15 avril 2015 et 8 septembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la plainte du médecin-conseil, chef du service médical de la Réunion ;
3°) de mettre à la charge du médecin-conseil, chef du service médical de la Réunion une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2013 547 du 26 juin 2013 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de MmeA..., à la SCP Foussard, Froger, avocat du médecin-conseil, chef du service médical de la Réunion et à la SCP Barthélémy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le médecin-conseil, chef du service médical de la Réunion a porté plainte devant la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France de l'ordre des médecins contre MmeA..., infirmière, par une plainte sommaire, enregistrée le 27 décembre 2012, et un mémoire accompagné du dossier complet, enregistré le 31 janvier 2013 ; qu'il a ensuite, le 13 janvier 2014, saisi la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins, au motif que la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance n'avait pas encore, à cette date, statué sur sa plainte ; que par une décision du 30 juin 2014, la section des assurances sociales du conseil national a prononcé contre Mme A...l'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pendant dix-huit mois, dont neuf mois avec sursis, à compter du 1er octobre 2014, au motif qu'elle avait facturé des soins surcotés ou non réalisés et l'a condamnée à rembourser à la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion la somme de 41 017,71 euros ; que Mme A...se pourvoit en cassation contre cette décision ;
Sur la saisine en premier et dernier ressort de la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 145-19 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, issue des dispositions de l'article 3 du décret du 26 juin 2013 relatif à l'organisation et au fonctionnement des juridictions du contentieux du contrôle technique des professions de santé : " Si la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre intéressé (...) ne s'est pas prononcée dans un délai d'un an à compter de la réception de la plainte, la section des assurances sociales du conseil national compétent peut, à l'expiration de ce délai, être saisie par les requérants. La juridiction de première instance est alors dessaisie à la date d'enregistrement de la requête au conseil national. / Le délai d'un an prévu à l'alinéa précédent court à compter de la date de réception par la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance ou du conseil régional ou central de l'ordre des pharmaciens du dossier complet de la plainte " ;
3. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient Mme A..., ces dispositions ne méconnaissent pas le principe d'égalité des citoyens dès lors que la procédure de dessaisissement ainsi organisée, qui a pour but de garantir aux intéressés que leur cause sera entendue dans un délai raisonnable, leur permet d'exposer leurs moyens devant la section des assurances sociales du Conseil national, appelée à statuer en droit et en fait, et dont la décision est soumise au contrôle du juge de cassation ; que Mme A...n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les dispositions en vertu desquelles la section des assurances sociales du conseil national a statué en premier et dernier ressort sont entachées d'illégalité ;
4. Considérant, en second lieu, que les dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 145-19 du code de la sécurité sociale cité ci-dessus, qui précisent que le point de départ du délai d'un an au terme duquel les requérants peuvent saisir directement la section des assurances sociales du conseil national est la date de réception du dossier complet de la plainte par la juridiction de première instance, ont été introduites par le décret du 26 juin 2013 déjà mentionné, soit postérieurement à l'enregistrement de la plainte litigieuse devant la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France ; que, cependant, s'agissant de dispositions de procédure, elles étaient immédiatement applicables aux instances en cours ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la saisine, le 13 janvier 2014, de la section des assurances sociales du conseil national, est intervenue moins d'un an après la réception, le 31 janvier 2013, du dossier complet de la plainte par la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance ; que si cette saisine ne pouvait, dès lors, à la date à laquelle elle a été effectuée, avoir pour effet de dessaisir la juridiction de première instance faute que le délai d'un an prévu par l'article R. 145-39 du code de la sécurité sociale soit expiré, la seule circonstance qu'elle a été enregistrée avant l'expiration de ce délai ne faisait pas obstacle à ce que, une fois ce délai expiré sans que la juridiction de première instance ait statué, la section des assurances sociales du conseil national puisse être regardée comme régulièrement saisie de la plainte, en lieu et place de la juridiction de première instance ; que, le délai étant expiré le 31 janvier 2014, la section des assurances sociales du conseil national, qui a examiné cette plainte au cours de sa séance du 13 mai 2014 et rendu sa décision le 30 juin 2014 n'a, par suite, pas entaché cette décision d'irrégularité ;
Sur les autres moyens tirés de l'irrégularité de la décision attaquée :
6. Considérant, en premier lieu, que si Mme A...soutient qu'en application des nouvelles dispositions du IV de l'article R. 145-7 du code de la sécurité sociale issues du décret du 26 juin 2013 relatif à l'organisation et au fonctionnement des juridictions du contentieux du contrôle technique des professions de santé, la section des assurances sociales du conseil national aurait dû comprendre deux assesseurs désignés par le Conseil national de l'ordre des infirmiers, il résulte de l'article 6 de ce même décret que les dispositions invoquées par la requérante n'étaient pas applicables, en tant qu'elles concernent l'ordre des infirmiers, avant le 1er janvier 2015 ; que le moyen doit donc être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions du I de l'article R. 145-7 du code de la sécurité sociale et de celles de l'article R. 145-8 du même code, dans leur version applicable au litige, que, lorsqu'elle se prononçait, avant la constitution des sections des assurances sociales propres aux infirmiers, sur une plainte intéressant un infirmier, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins devait comprendre un assesseur médecin et un assesseur infirmier ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la formation de jugement qui a rendu la décision attaquée aurait dû comprendre deux assesseurs médecins ;
Sur le bien-fondé de la décision attaquée :
8. Considérant qu'il résulte des termes de la décision attaquée que la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins a retenu à l'encontre de Mme A...plus de huit cents facturations d'actes surcotés ou non réalisés et a relevé que celle-ci ne contestait pas la réalité de ces manquements ; que si Mme A...faisait valoir que ces erreurs étaient imputables à sa secrétaire ou pouvait être le fait de collaborateurs, la section des assurances sociales du conseil national a pu, sans erreur de droit et sans dénaturer les faits qui lui étaient soumis, juger que ces circonstances n'étaient ni établies ni, en tout état de cause, de nature à l'exonérer de sa responsabilité ; que compte tenu de ces faits et de la circonstance que l'intéressée avait déjà fait l'objet d'une condamnation le 10 mai 2007 par la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France de l'ordre des médecins pour des faits identiques, l'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pendant dix-huit mois prononcée par la décision attaquée n'est pas hors de proportion avec les fautes commises par Mme A...et a pu, dès lors, être légalement prise par la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme A... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme A...une somme de 2 000 euros à verser au médecin-conseil, chef du service médical de la Réunion au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de Mme A...est rejeté.
Article 2 : Mme A...versera au médecin-conseil, chef du service médical de la Réunion une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au médecin-conseil, chef du service médical de la Réunion.
Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des médecins.