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18/12/2015 | FRANCE | N°361183

France | France, Conseil d'État, 8ème ssjs, 18 décembre 2015, 361183


Vu la procédure suivante :

La société Fibelpar a demandé au tribunal administratif de Paris la restitution de la somme de 122 214,90 euros correspondant aux retenues à la source prélevées sur les dividendes qu'elle a reçus de sociétés françaises au titre des années 2004 et 2005. Par un jugement n° 0807760 du 14 octobre 2010, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 10PA05939 du 21 mars 2012, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Fibelpar contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mém

oire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 juillet et 12 octobr...

Vu la procédure suivante :

La société Fibelpar a demandé au tribunal administratif de Paris la restitution de la somme de 122 214,90 euros correspondant aux retenues à la source prélevées sur les dividendes qu'elle a reçus de sociétés françaises au titre des années 2004 et 2005. Par un jugement n° 0807760 du 14 octobre 2010, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 10PA05939 du 21 mars 2012, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Fibelpar contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 juillet et 12 octobre 2012 et le 26 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Fibelpar demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- l'arrêt C-379/05 du 8 novembre 2007 de la Cour de justice des communautés européennes, Amurta ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Esther de Moustier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ortscheidt, avocat de la société Fibelpar ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de droit belge Fibelpar a perçu au cours des années 2004 et 2005 des dividendes de sociétés françaises qui ont fait l'objet d'une retenue à la source en application du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts ; qu'elle demande l'annulation de l'arrêt du 21 mars 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle a interjeté du jugement du 14 octobre 2010 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la restitution de la retenue à la source ainsi prélevée ;

2. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / (...) c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. / Toutefois, dans les cas suivants, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : (...) b) Au cours de laquelle les retenues à la source et les prélèvements ont été opérés s'il s'agit de contestations relatives à l'application de ces retenues (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'absence de mention sur un avis d'imposition adressé par l'administration au contribuable du caractère obligatoire de la réclamation préalable, ainsi que des délais dans lesquels le contribuable doit exercer cette réclamation, fait obstacle à ce que les délais de réclamation lui soient opposables ; qu'en revanche, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le contribuable demande la restitution d'impositions versées par lui ou acquittées par un tiers sans qu'un titre d'imposition ait été émis ;

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que la société Fibelpar, qui conteste une retenue à la source qui n'a pas donné pas lieu à l'émission d'un avis d'imposition, ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article R. 421-5 précité du code de justice administrative, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit ;

4. Considérant, d'autre part, que l'impôt sur les dividendes est acquitté spontanément par les sociétés non-résidentes et les sociétés résidentes, sans émission préalable d'un titre d'imposition, qu'il s'agisse de l'impôt sur les sociétés pour les sociétés résidentes ou de la retenue à la source pour les sociétés non-résidentes ; que le moyen de la société requérante tiré de ce que la cour aurait méconnu les principes d'équivalence des garanties procédurales entre résidents et non résidents dans l'exercice de la libre circulation des capitaux garantie par l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne peut dès lors qu'être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux impositions litigieuses : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / (...) / Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle ou un avis rendu au contentieux, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu. / Pour l'application du quatrième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux (...) les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle. "

6. Considérant que, s'agissant des décisions juridictionnelles ou avis rendus au contentieux, seuls ceux qui révèlent directement l'incompatibilité avec une règle de droit supérieure de la règle de droit dont il a été fait application pour fonder l'imposition en litige sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ainsi que de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ; qu'en principe, tel n'est pas le cas d'arrêts de la Cour de justice concernant la législation d'un autre État membre, sous réserve, notamment, de l'hypothèse dans laquelle une telle décision révèlerait, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que la société requérante ne pouvait se prévaloir, pour soutenir que sa réclamation n'était pas tardive, de l'arrêt Amurta C-379/05 du 8 novembre 2007 de la Cour de justice des Communautés européennes qui, statuant sur une question préjudicielle des autorités néerlandaises, ne pouvait constituer un événement révélant la non conformité de la règle de droit national à une règle de droit supérieure susceptible de rouvrir le délai de réclamation, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Fibelpar doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Fibelpar est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Fibelpar et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème ssjs
Numéro d'arrêt : 361183
Date de la décision : 18/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2015, n° 361183
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Esther de Moustier
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP ORTSCHEIDT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:361183.20151218
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