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17/12/2015 | FRANCE | N°394820

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 17 décembre 2015, 394820


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association La Cimade, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, l'association Groupe accueil et solidarité, l'association Dom'Asile et le Groupe d'information et soutien des immigrés demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2015-1329 du 21 octobre 2015 rela

tif à l'allocation pour demandeur d'asile ;

2°) de mettre à la charge de l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association La Cimade, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, l'association Groupe accueil et solidarité, l'association Dom'Asile et le Groupe d'information et soutien des immigrés demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2015-1329 du 21 octobre 2015 relatif à l'allocation pour demandeur d'asile ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la condition d'urgence est remplie, eu égard à la diminution notable du montant journalier de l'allocation que l'exécution du décret du 21 octobre 2015 entraîne, pour certaines catégories de demandeurs d'asile ;

- la substitution de l'allocation pour demandeur d'asile, versée à terme échu, à l'allocation mensuelle de subsistance, qui était versée à terme à échoir, a entraîné pour ceux des demandeurs d'asile qui percevaient cette allocation le report au 1er décembre 2015 du versement de l'allocation allouée au titre du mois de novembre alors qu'ils avaient perçu le 1er octobre celle allouée au titre d'octobre ;

- la mise en oeuvre du décret litigieux suscite, pour leurs équipes, un surcroît d'activité ;

- il existe, compte tenu de la méconnaissance, par le décret litigieux, de la directive du 26 juin 2013, un intérêt public qui commande que soient prises les mesures provisoires nécessaires pour faire cesser immédiatement l'atteinte aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union Européenne ;

- il existe plusieurs doutes sérieux quant à la légalité du décret contesté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas de nature à susciter un doute sérieux quant à la légalité du décret litigieux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association La Cimade, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, de l'association Groupe accueil et solidarité, de l'association Dom'Asile et du Groupe d'information et soutien des immigrés et, d'autre part, le Premier ministre et le ministre de l'intérieur ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 14 décembre 2015 à 9 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'association La Cimade, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, de l'association Groupe accueil et solidarité, de l'association Dom'Asile et du Groupe d'information et soutien des immigrés ;

- le représentant de l'association La Cimade ;

- les représentants de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale ;

- le représentant de l'association Groupe accueil et solidarité ;

- la représentante de l'association Dom'Asile ;

- les représentants du ministre de l'intérieur ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant que les associations requérantes demandent la suspension de l'exécution du décret du 21 octobre 2015 relatif à l'allocation pour demandeur d'asile ;

3. Considérant que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;

4. Considérant, en premier lieu, que, pour caractériser l'existence d'une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, les associations requérantes font valoir la diminution notable du montant journalier de l'allocation que l'exécution du décret du 21 octobre 2015 entraîne, pour certaines catégories de demandeurs d'asile ; qu'il ressort des pièces du dossier ainsi que des éléments échangés au cours de l'audience publique que si le barème de l'allocation pour demandeur d'asile entraîne en effet, pour certaines catégories de demandeurs d'asile, notamment les couples sans enfants non hébergés, une diminution importante du montant de l'allocation journalière à laquelle elles peuvent légalement prétendre, la mise en oeuvre du régime institué par le décret litigieux, qui tient compte du nombre de personnes effectivement concernées par la demande d'asile, se traduit, pour un nombre plus élevé de catégories de demandeurs d'asile, par une augmentation sensible du montant journalier de l'allocation versée ; que, dans ces conditions et eu égard au caractère indivisible du dispositif mis en place par le décret litigieux, les éléments avancés par les associations requérantes ne suffisent pas à caractériser l'existence d'une atteinte grave et immédiate aux intérêts qu'elles défendent ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si les requérants soutiennent que la substitution, en vertu du décret litigieux, de l'allocation pour demandeur d'asile, versée à terme échu, à l'allocation mensuelle de subsistance, qui était versée à terme à échoir, a entraîné, pour ceux des demandeurs d'asile qui percevaient cette allocation, le report au 1er décembre 2015 du versement de l'allocation allouée au titre du mois de novembre alors qu'ils avaient perçu le 1er octobre celle allouée au titre d'octobre, ce décalage d'un mois n'est, en tout état de cause, plus de nature à caractériser, à la date de la présente ordonnance, une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si les associations requérantes soutiennent que la mise en oeuvre du décret litigieux suscite, pour leurs équipes, un surcroît d'activité, cette seule circonstance n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une atteinte grave et immédiate à leurs propres intérêts ;

7. Considérant, en dernier lieu, que l'intérêt public qui commanderait que soient prises les mesures provisoires nécessaires pour faire cesser immédiatement l'atteinte aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne ne serait, en tout état de cause, pas de nature à caractériser à lui seul une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la condition d'urgence, requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative pour justifier la suspension de l'exécution du décret du 21 octobre 2015, n'est pas caractérisée ; que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées, la requête de l'association La Cimade et autres doit donc être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l'association La Cimade, de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, de l'association Groupe accueil et solidarité, de l'association Dom'Asile et du Groupe d'information et soutien des immigrés est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association La Cimade, premier requérant dénommé, et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

Les autres requérants seront informés de la présente ordonnance par Me A...Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 394820
Date de la décision : 17/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 déc. 2015, n° 394820
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:394820.20151217
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