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15/12/2015 | FRANCE | N°379389

France | France, Conseil d'État, 1ère / 6ème ssr, 15 décembre 2015, 379389


Vu la procédure suivante :

La société Janssen-Cilag a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision implicite par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a rejeté sa demande du 14 décembre 2009 de modification de cinq autorisations de mise sur le marché relatives à la spécialité Durogésic qu'elle exploite et, d'autre part, la décision du 27 juillet 2010 par laquelle le même directeur a expressément rejeté sa demande. Par un jugement nos 1004124,

1007662 du 16 mai 2012, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté...

Vu la procédure suivante :

La société Janssen-Cilag a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision implicite par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a rejeté sa demande du 14 décembre 2009 de modification de cinq autorisations de mise sur le marché relatives à la spécialité Durogésic qu'elle exploite et, d'autre part, la décision du 27 juillet 2010 par laquelle le même directeur a expressément rejeté sa demande. Par un jugement nos 1004124, 1007662 du 16 mai 2012, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 12VE02540 du 4 mars 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Janssen-Cilag contre le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 mai 2014, 5 août 2014 et 31 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Janssen-Cilag demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 ;

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 6 mai 2008 pris pour l'application de l'article R. 5121-21 du code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 2 décembre 2015, présentée par la société Janssen-Cilag ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Janssen-Cilag, et à la SCP Delvolvé, avocat de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Janssen-Cilag a demandé à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé la modification de cinq autorisations de mise sur le marché relatives à la spécialité Durogésic qu'elle exploite, consistant en l'insertion, dans le " résumé des caractéristiques du produit ", de mentions portant sur les risques qu'est susceptible de présenter la substitution à sa spécialité de spécialités génériques, indications qui ont par ailleurs été mentionnées dans le répertoire des groupes génériques ; que, par une décision implicite, confirmée par une décision expresse du 27 juillet 2010, le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a rejeté cette demande ; que, par un arrêt du 4 mars 2014, contre lequel la société Janssen-Cilag se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel que cette société avait formé contre le jugement du 16 mai 2012 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant ses demandes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions ;

2. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article R. 5121-21 du code de la santé publique, la demande d'autorisation de mise sur le marché est " accompagnée du projet de résumé des caractéristiques du produit dont la présentation et le contenu sont fixés conformément à l'article 11 de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 par arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur proposition du directeur général de l'agence " ; qu'aux termes de l'article 11 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, dans sa rédaction issue de la directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 la modifiant : " Le résumé des caractéristiques du produit comporte, dans cet ordre, les renseignements suivants:/ (...) 4. Informations cliniques:/ (...) 4.4. Mises en garde spéciales et précautions particulières d'emploi et, pour les médicaments immunologiques, précautions particulières devant être prises par les personnes qui manipulent le médicament immunologique et qui l'administrent aux patients, et précautions devant éventuellement être prises par le patient " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 6 mai 2008 pris pour l'application de l'article R. 5121-21 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Le résumé des caractéristiques du produit prévu à l'article R. 5121-21 du code de la santé publique comporte, dans l'ordre, les renseignements suivants : / (...) 4.4. Les mises en garde spéciales et précautions particulières d'emploi qui doivent être prises par les personnes qui manipulent un médicament et qui l'administrent aux patients, ainsi que les précautions qui doivent éventuellement être prises par le patient (...) " ;

3. Considérant que le résumé des caractéristiques du produit, dont le projet est obligatoirement joint à la demande d'autorisation de mise sur le marché, a pour objet de recenser les informations spécifiques à une spécialité, telles que son nom, sa composition, sa forme pharmaceutique ou encore ses données cliniques et pharmaceutiques, à destination des professionnels de santé ; qu'il comporte notamment, en vertu du point 4.4. de l'article 1er de l'arrêté du 6 mai 2008 cité au point 2, tel qu'interprété à la lumière de l'article 11 de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001, d'une part, les mises en garde spéciales, qui ont vocation à s'adresser à l'ensemble des personnels de santé, et, d'autre part, les précautions particulières d'emploi qui doivent être spécifiquement prises par les personnes qui manipulent un médicament et qui l'administrent aux patients ; qu'il suit de là qu'en jugeant que des mises en garde spéciales ne pouvaient être inscrites au résumé des caractéristiques du produit que dans la mesure où elles visaient à l'information des personnes qui manipulent un médicament et qui l'administrent aux patients, pour en déduire que, dès lors que la demande de la société ne visait pas à l'information de ces seuls personnels, sans davantage se rapporter aux précautions particulières devant être prises par le patient lui-même, le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé avait pu à bon droit refuser la modification sollicitée des autorisations de mise sur le marché, la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son arrêt d'une erreur de droit dans l'application de l'arrêté du 6 mai 2008 ;

4. Considérant toutefois qu'ainsi qu'il a été dit, le résumé des caractéristiques du produit a pour objet de recenser, à destination des professionnels de santé, les informations spécifiques à une spécialité donnée ; qu'il n'a pas vocation à concerner ni à mentionner d'autres spécialités pharmaceutiques sauf, le cas échéant, aux fins de mise en garde des personnels de santé et des patients contre les risques d'interactions médicamenteuses ; qu'il n'a notamment pas à contenir des mises en garde concernant les hypothèses de substitution d'une autre spécialité à celle à laquelle il se rapporte ; qu'il se distingue d'ailleurs du répertoire des groupes génériques, mentionné à l'article L. 5121-10 du code de la santé publique, qui a seul pour objet de recenser l'ensemble des spécialités génériques et peut, le cas échéant, préciser à l'attention des médecins prescripteurs et des pharmaciens que la substitution d'un médicament générique à la spécialité de référence est susceptible d'entraîner un risque particulier pour la santé de certains patients dans certaines conditions d'utilisation ; qu'il en résulte que le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, saisi d'une demande tendant à la modification d'une autorisation de mise sur le marché d'une spécialité pharmaceutique visant à l'insertion, dans le résumé des caractéristiques du produit, de mentions relatives aux hypothèses de substitution à cette spécialité de spécialités génériques, a pu légalement la rejeter pour ce motif, alors même que celui-ci n'est pas au nombre de ceux que l'article L. 5121-9 du code de la santé publique mentionne comme susceptibles de justifier un refus d'autorisation ; que ce motif, qui répond à un moyen invoqué en défense par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé devant les juges du fond et dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif, erroné en droit, retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Janssen-Cilag n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Janssen-Cilag la somme de 3 000 euros à verser à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Janssen-Cilag est rejetée.

Article 2 : La société Janssen-Cilag versera à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Janssen-Cilag et à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.


Synthèse
Formation : 1ère / 6ème ssr
Numéro d'arrêt : 379389
Date de la décision : 15/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-04-01-01 SANTÉ PUBLIQUE. PHARMACIE. PRODUITS PHARMACEUTIQUES. AUTORISATIONS DE MISE SUR LE MARCHÉ. - RÉSUMÉ DES CARACTÉRISTIQUES DU PRODUIT JOINT À LA DEMANDE D'AMM - CONTENU - DISTINCTION ENTRE MISES EN GARDES SPÉCIALES ET PRÉCAUTIONS PARTICULIÈRES D'EMPLOI - PORTÉE.

61-04-01-01 Le résumé des caractéristiques du produit, dont le projet est obligatoirement joint à la demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM), a pour objet de recenser les informations spécifiques à une spécialité, telles que son nom, sa composition, sa forme pharmaceutique ou encore ses données cliniques et pharmaceutiques, à destination des professionnels de santé. Il comporte notamment, en vertu du point 4.4. de l'article 1er de l'arrêté du 6 mai 2008 pris pour l'application de l'article R. 5121-21 du code de la santé publique, tel qu'interprété à la lumière de l'article 11 de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001, d'une part, les mises en garde spéciales, qui ont vocation à s'adresser à l'ensemble des personnels de santé, et, d'autre part, les précautions particulières d'emploi qui doivent être spécifiquement prises par les personnes qui manipulent un médicament et qui l'administrent aux patients.... ,,Erreur de droit à juger que des mises en garde spéciales ne peuvent être inscrites au résumé des caractéristiques du produit que dans la mesure où elles visent à l'information des personnes qui manipulent un médicament et qui l'administrent aux patients, pour en déduire que le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) avait pu à bon droit refuser la modification sollicitée des autorisations de mise sur le marché au motif que la demande ne visait pas à l'information de ces seuls personnels et ne se rapportait pas davantage aux précautions particulières devant être prises par le patient lui-même.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 déc. 2015, n° 379389
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:379389.20151215
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