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11/12/2015 | FRANCE | N°378622

France | France, Conseil d'État, 3ème / 8ème ssr, 11 décembre 2015, 378622


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 avril 2014, 25 juillet 2014 et 18 novembre 2015, la Polynésie française demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 1er du décret n° 2014-54 du 26 janvier 2014 définissant les infractions graves aux règles de la politique commune de la pêche et au système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée et établissant un système de points de pénalité pour les capitaine

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Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 avril 2014, 25 juillet 2014 et 18 novembre 2015, la Polynésie française demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 1er du décret n° 2014-54 du 26 janvier 2014 définissant les infractions graves aux règles de la politique commune de la pêche et au système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée et établissant un système de points de pénalité pour les capitaines des navires de pêche en tant qu'il prévoit que ce décret s'applique aux eaux sous souveraineté ou juridiction française s'étendant au large de la Polynésie française dans les matières relevant de la compétence de l'Etat.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 ;

- le règlement (CE) n° 1224/2009 du Conseil du 20 novembre 2009 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 404/2011 de la Commission du 8 avril 2011 ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 novembre 2015, présentée par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Célia Verot, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Blondel, avocat de la Polynésie Française ;

1. Considérant que la Polynésie française conteste l'article 1er du décret n° 2014-54 du 26 janvier 2014 définissant les infractions graves aux règles de la politique commune de la pêche et au système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée et établissant un système de points de pénalité pour les capitaines des navires de pêche, en tant qu'il prévoit que ce décret s'applique aux eaux sous souveraineté ou juridiction française s'étendant au large de la Polynésie française dans les matières relevant de la compétence de l'Etat ;

2. Considérant que le droit de l'Union n'est applicable dans les pays et territoires d'outre-mer, qui font l'objet d'un régime spécial d'association défini dans la quatrième partie du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de manière analogue aux Etats membres que lorsqu'une telle assimilation de ces pays et territoires est expressément prévue ;

3. Considérant que le règlement (CE) n° 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 établit un système communautaire destiné à prévenir, décourager et éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, applicable, en vertu de son article 1.3, à toutes les activités de pêche et connexes menées sur le territoire des Etats membres, dans les eaux communautaires, dans les eaux maritimes relevant de la juridiction de pays tiers ou en haute mer, les activités de pêche dans les territoires et pays d'outre-mer visés à l'annexe II du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, au nombre desquels figure la Polynésie française, étant regardées comme des activités menées dans les eaux maritimes de pays tiers ; qu'en vertu de l'article 42, constituent des infractions graves les activités de pêche illicite, non déclarée et non réglementée, la réalisation d'opérations économiques relatives à une telle pêche ainsi que la falsification de documents visés par le règlement ; que l'article 41 précise que ces dispositions s'appliquent aux infractions graves commises ou détectées sur le territoire des Etats membres ou dans les eaux maritimes relevant de leur souveraineté ou de leur juridiction, à l'exception des eaux adjacentes aux pays et territoires d'outre-mer, et aux infractions graves commises par des navires de pêche communautaires ou par des ressortissants d'Etats membres ;

4. Considérant que les articles 9, 10 et 12 du règlement (CE) n° 1224/2009 du Conseil du 20 novembre 2009 instituant un régime communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche créent un dispositif de surveillance par satellite en vue de permettre aux Etats membres de contrôler les activités de pêche exercées par les navires battant leur pavillon, où qu'ils soient, et les activités de pêche menées dans leurs eaux ; que l'article 90 énumère des infractions qui, outre celles de l'article 42 du règlement (CE) n° 1005/2008, doivent être regardées comme des infractions graves pour l'application du règlement ; que l'article 92 impose aux Etats membres d'instaurer un système d'attribution de points de pénalité pour les infractions graves commises par les titulaires d'une licence de pêche et les capitaines de navire ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime : " Indépendamment des sanctions pénales qui peuvent être prononcées et sous réserve de l'article L. 946-2, les manquements à la réglementation prévue par les dispositions du présent livre, les règlements de l'Union européenne pris au titre de la politique commune de la pêche et les textes pris pour leur application, y compris les manquements aux obligations déclaratives et de surveillance par satellite qu'ils prévoient, et par les engagements internationaux de la France peuvent donner lieu à l'application par l'autorité administrative d'une ou plusieurs des sanctions suivantes : / (...) / 3° L'attribution au titulaire de licence de pêche ou au capitaine du navire de points dans les conditions prévues à l'article 92 du règlement (CE) n° 1224 / 2009 du 20 novembre 2009 et l'inscription au registre national des infractions à la pêche maritime ; / (...) " ; que le premier alinéa de l'article L. 956-1 du même code dispose : " Sous réserve des dispositions des articles 711-3 et 711-4 du code pénal, les dispositions des articles L. 941-1 à L. 946-6 s'appliquent aux eaux sous souveraineté ou juridiction française s'étendant au large de la Polynésie française en tant qu'elles concernent les compétences de l'Etat. " ; qu'en vertu des dispositions de l'article L.913-1 du même code, les articles 9, 10, 12 et 92 du règlement (CE) n° 1224/2009 mentionné ci-dessus ont été étendus aux navires battant pavillon français non immatriculés dans l'Union européenne, ainsi que, à l'exclusion de l'article 92, aux navires battant pavillon étranger opérant dans les eaux françaises de la Polynésie française ;

6. Considérant, enfin, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 13 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat par l'article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements applicables en Polynésie française. " ; que l'article 14 de cette loi organique dispose : " Les autorités de l'Etat sont compétentes dans les seules matières suivantes : / (...) / 9° Police et sécurité de la circulation maritime ; surveillance de la pêche maritime ; sécurité de la navigation et coordination des moyens de secours en mer ; francisation des navires ; sécurité des navires de plus de 160 tonneaux de jauge brute et de tous les navires destinés au transport des passagers ; (...) " ; qu'aux termes du dernier alinéa de son article 47 : " La Polynésie française réglemente et exerce le droit d'exploration et le droit d'exploitation des ressources naturelles biologiques et non biologiques des eaux intérieures, en particulier les rades et les lagons, du sol, du sous-sol et des eaux sur-jacentes de la mer territoriale et de la zone économique exclusive dans le respect des engagements internationaux. " ;

7. Considérant que l'article 1er du décret attaqué prévoit son application, notamment en ce qui concerne les modalités d'application de l'article 92 règlement (CE) n° 1224/2009 imposant aux Etats membres d'instaurer un système d'attribution de points de pénalité pour les infractions graves commises par les titulaires d'une licence de pêche et les capitaines de navire, aux ressortissants français quel que soit le pavillon du bateau dont ils assurent le commandement, aux navires de pêche battant pavillon français qu'ils soient ou non immatriculés dans l'Union européenne, ainsi qu' " aux eaux sous souveraineté ou juridiction française s'étendant au large (...) de la Polynésie française (...) dans les matières relevant de la compétence de l'Etat (...) " ;

8. Considérant qu'en prévoyant l'application du décret dans les eaux s'étendant au large de la Polynésie française dans les matières relevant de la compétence de l'Etat, ces dispositions ont, eu égard à l'objet du décret, méconnu l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme ; qu'ainsi la Polynésie française est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à demander l'annulation de ces dispositions, qui sont divisibles du reste du décret ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 1er du décret n° 2014-54 du 26 janvier 2014 définissant les infractions graves aux règles de la politique commune de la pêche et au système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée et établissant un système de points de pénalité pour les capitaines des navires de pêche est annulé en tant qu'il prévoit que ce décret s'applique aux eaux sous souveraineté ou juridiction française s'étendant au large de la Polynésie française dans les matières relevant de la compétence de l'Etat.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Polynésie française et au Premier ministre. Copie en sera adressée pour information au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.


Synthèse
Formation : 3ème / 8ème ssr
Numéro d'arrêt : 378622
Date de la décision : 11/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 déc. 2015, n° 378622
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Célia Verot
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : BLONDEL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:378622.20151211
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