Vu les procédures suivantes :
Le syndicat CGT Mark IV Automotive, l'Union départementale Force ouvrière du Haut-Rhin, Mme A...D...et M. C...B...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 avril 2014 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Alsace a homologué le document unilatéral élaboré par la société Systèmes moteurs fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Par une ordonnance n° 1403250 du 26 juin 2014, le président de ce tribunal a, en application des dispositions de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis la demande au tribunal administratif de Versailles. Par un jugement n° 1404705 du 30 septembre 2014, le tribunal administratif a annulé la décision du 22 avril 2014.
Par un arrêt n° 14VE03261 du 17 février 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Systèmes moteurs contre ce jugement.
1° Sous le n° 389582, par un pourvoi sommaire un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 avril, 22 mai et 26 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Systèmes moteurs demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 389585, par un pourvoi enregistré le 17 avril 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le même arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de juger que la décision du 22 avril 2014 n'est pas entachée d'illégalité.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-François de Montgolfier, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la société Systèmes moteurs et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat du syndicat CGT Mark IV Automotive et autres ;
1. Considérant que les pourvois visés ci-dessus sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la recevabilité du pourvoi du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :
2. Considérant que la voie du recours en cassation n'est ouverte, en vertu des règles générales de procédure, qu'aux personnes qui ont eu la qualité de partie dans l'instance ayant donné lieu à la décision attaquée ; que, saisi d'une demande tendant à l'annulation d'une décision administrative homologuant un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, le tribunal doit, lorsqu'il instruit l'affaire, appeler dans l'instance l'auteur de la décision attaquée ainsi que l'employeur ; que, conformément aux dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, cette communication confère à ces personnes la qualité de parties en défense qui les rend recevables à faire appel du jugement annulant la décision, alors même qu'elles n'auraient produit aucune défense en première instance ; que, lorsque l'une d'elles fait seule régulièrement appel dans le délai, le juge d'appel peut communiquer pour observations cet appel aux autres parties au litige devant le tribunal, au nombre desquelles figure la personne défenderesse en première instance qui s'est abstenue de faire appel ; que cette communication ne confère toutefois pas à celle-ci la qualité de partie à l'instance d'appel et ne la rend, par suite, pas recevable à se pourvoir en cassation contre la décision rendue à l'issue de cette instance ;
3. Considérant que l'Etat avait qualité de partie en défense dans l'instance introduite devant le tribunal administratif de Versailles par le syndicat CGT Mark IV Automotive et autres contre la décision du 22 avril 2014 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Alsace homologuant le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Systèmes moteurs ; qu'il n'a pas fait appel du jugement du 30 septembre 2014 par lequel le tribunal a annulé cette décision ; que la circonstance qu'il a été appelé en cause par la cour administrative d'appel de Versailles pour produire des observations dans l'instance d'appel introduite par la société Systèmes moteurs contre ce même jugement n'a pas eu pour effet de lui conférer la qualité de partie à cette instance d'appel ; que, dès lors, il n'est pas recevable à demander par la voie du recours en cassation l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; que son pourvoi ne peut, par suite, qu'être rejeté ;
Sur le pourvoi de la société Systèmes moteurs :
4. Considérant, en premier lieu, que le quatrième alinéa de l'article L. 1235-7-1 du code du travail dispose qu'en cas de recours contre une décision de validation d'un accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 du même code ou d'homologation d'un document unilatéral mentionné à l'article L. 1233-24-4 : " Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois. Si, à l'issue de ce délai, il ne s'est pas prononcé ou en cas d'appel, le litige est porté devant la cour administrative d'appel, qui statue dans un délai de trois mois. Si, à l'issue de ce délai, elle ne s'est pas prononcée ou en cas de pourvoi en cassation, le litige est porté devant le Conseil d'Etat " ; que le délai de trois mois prévu par ces dispositions commence à courir à compter de la réception de la demande par la juridiction compétente ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le tribunal administratif de Strasbourg a été saisi le 20 juin 2014 de la demande d'annulation de la décision d'homologation litigieuse ; qu'en application de l'article R. 351-3 du code justice administrative, cette demande a été transmise au tribunal administratif de Versailles qui l'a enregistrée le 1er juillet 2014 ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Versailles a pu, sans erreur de droit, juger qu'en statuant sur cette demande le 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Versailles n'avait pas méconnu les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 1235-7-1 du code du travail ;
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-5 du code du travail, dans sa version applicable à la date de la décision contestée devant les juges du fond : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. / Ces critères prennent notamment en compte : / 1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; / 2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; / 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; / 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. / L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article " ; que, sauf accord collectif conclu au niveau de l'entreprise ou à un niveau plus élevé, les critères déterminant l'ordre des licenciements doivent être mis en oeuvre à l'égard de l'ensemble du personnel de l'entreprise ;
7. Considérant, il est vrai, qu'aux termes de l'article L. 1233-24-2 du code du travail : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur (...) / 2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 ", et qu'aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1°) à 5°) de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur " ; que toutefois, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative applicable à la date de la décision litigieuse ne permettait de déroger à la règle mentionnée au point 6 ci-dessus ; que, par suite, en l'absence d'accord collectif d'entreprise ou d'accord conclu à un niveau plus élevé, un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi élaboré par l'employeur ne pouvait, à cette date, prévoir la mise en oeuvre des critères déterminant l'ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui de l'entreprise ;
8. Considérant que, s'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'au cours de la négociation en vue de la conclusion d'un accord d'entreprise, les organisations syndicales ont indiqué qu'elles acceptaient que les critères d'ordre des licenciements soient appliqués au niveau des établissements de l'entreprise, la cour administrative d'appel de Versailles a pu, sans dénaturer les pièces du dossier ni entacher son arrêt d'erreur de droit, juger qu'aucun accord collectif de travail n'avait été valablement conclu sur ce point ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que la décision attaquée était illégale au motif que le document unilatéral dont elle prononçait l'homologation fixait un périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui de l'entreprise, la cour administrative d'appel de Versailles, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Systèmes moteur n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que son pourvoi doit être rejeté, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, au titre des mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'Etat, d'une part, et de la société Systèmes moteurs, d'autre part, la somme de 400 euros à verser, respectivement au syndicat CGT Mark IV Automotive, à l'Union départementale Force ouvrière du Haut-Rhin, à Mme D...et à M. B... ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les pourvois de la société Systèmes moteurs et du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sont rejetés.
Article 2 : La société Systèmes moteurs versera au syndicat CGT Mark IV Automotive, à l'Union départementale Force ouvrière du Haut-Rhin, à Mme D...et à M. B...la somme de 400 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : L'Etat versera au syndicat CGT Mark IV Automotive, à l'Union départementale Force ouvrière du Haut-Rhin, à Mme D...et à M. B...la somme de 400 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Systèmes moteurs, à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et au syndicat CGT Mark IV Automotive, premier défendeur dénommé. Les autres défendeurs seront informés par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation qui les représente devant le Conseil d'Etat.