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27/11/2015 | FRANCE | N°390793

France | France, Conseil d'État, 5ème ssjs, 27 novembre 2015, 390793


Vu les procédures suivantes :

M. B... A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, en premier lieu, de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de l'affecter dans un emploi compatible avec l'interdiction prononcée par le juge d'instruction par ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 8 janvier 2015, en second lieu, d'enjoindre au ministre de l'affecter dans un emploi compatible avec une telle interdiction ou de le suspendre de ses fonctions, en troisième lieu, dans l'attente de la rég

ularisation de sa situation, de lui accorder une avance de 6 000 e...

Vu les procédures suivantes :

M. B... A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, en premier lieu, de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de l'affecter dans un emploi compatible avec l'interdiction prononcée par le juge d'instruction par ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 8 janvier 2015, en second lieu, d'enjoindre au ministre de l'affecter dans un emploi compatible avec une telle interdiction ou de le suspendre de ses fonctions, en troisième lieu, dans l'attente de la régularisation de sa situation, de lui accorder une avance de 6 000 euros sur son traitement et, enfin, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral lié à sa situation administrative depuis le 8 janvier 2015. Par une ordonnance n° 1506984/9 du 19 mai 2015, le juge des référés du tribunal administratif, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de la décision implicite du ministre de l'intérieur, enjoint au ministre d'affecter M. A...sur un emploi administratif du ministère dans un délai de quinze jours et rejeté le surplus des conclusions dont il était saisi.

1° Sous le n°390793, par un pourvoi, enregistré le 5 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant au titre de la procédure de référé, de rejeter la demande de M. A... ;

2° Sous le n°390794, par un recours, enregistré le 5 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat d'ordonner le sursis à exécution de l'ordonnance du 19 mai 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Paris.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Collet, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Paris que M.A..., major de police affecté au service de la protection du ministère de l'intérieur, a été mis en examen des chefs de viol et harcèlement sexuel par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ; que, par une ordonnance du 8 janvier 2015, le juge d'instruction l'a placé sous contrôle judiciaire en lui interdisant notamment d'exercer des fonctions au sein d'un service de police ; que, par un arrêté du 11 février 2015, le ministre de l'intérieur l'a privé de traitement à compter du 8 janvier 2015 pour absence de service fait ; que, par un courrier du 25 février 2015, M. A...a exposé les graves difficultés financières auxquelles il faisait face et a demandé à être affecté sur un emploi compatible avec l'interdiction prononcée par le juge d'instruction ; que le silence gardé par le ministre a fait naître une décision implicite de rejet ; que, par une ordonnance du 19 mai 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi par l'intéressé, a suspendu cette décision sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative et a ordonné que M. A...soit affecté dans un délai de quinze jours sur un emploi administratif du ministère de l'intérieur ; que, par un recours et un pourvoi qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat de surseoir à l'exécution de cette ordonnance et d'en prononcer l'annulation ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'en estimant que la condition d'urgence prévue par les dispositions précitées était remplie, après avoir relevé que cette décision privait M. A...de tout traitement et qu'en dépit de la nature et de la gravité des chefs de mise en examen l'intérêt public ne s'opposait pas à ce que son exécution soit suspendue, le juge des référés, dont l'ordonnance est suffisamment motivée sur ce point, a porté sur les circonstances de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation ;

4. Considérant, en second lieu, que le juge des référés, après avoir énoncé que, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade, a retenu comme étant de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise l'administration en estimant que les dispositions applicables lui interdisaient d'affecter M. A...sur un emploi en dehors de la police nationale ; qu'il n'a, ce faisant, eu égard à son office et alors même qu'une telle affectation n'aurait pu se faire que par la voie du détachement ou de la mise à disposition, pas commis d'erreur de droit ni entaché son ordonnance d'une contradiction de motifs ;

5. Considérant, enfin, qu'en enjoignant au ministre de l'intérieur d'affecter M. A... sur " un emploi administratif du ministère de l'intérieur ", le juge des référés a entendu, conformément aux conclusions dont il était saisi et aux obligations résultant de l'ordonnance du juge d'instruction, prescrire que l'intéressé soit affecté sur un emploi du ministère ne relevant pas des services de la police nationale ; que l'injonction qu'il a prononcée ne saurait s'entendre comme faisant obstacle à ce que le ministre décide de suspendre l'intéressé sur le fondement des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ; que le moyen tiré de ce que le juge des référés, en prononçant cette injonction, aurait statué au-delà des conclusions dont il était saisi doit être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi en cassation présenté par ministre de l'intérieur contre l'ordonnance du 19 mai 2015 doit être rejeté ; que le rejet de ce pourvoi prive d'objet le recours par lequel le ministre demande qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance ;

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de M. A...de la somme sollicitée au titre des dispositions des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi n° 390793 du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours n° 390794 du ministre de l'intérieur.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A...au titre des dispositions des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. B...A....


Synthèse
Formation : 5ème ssjs
Numéro d'arrêt : 390793
Date de la décision : 27/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 nov. 2015, n° 390793
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lionel Collet
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:390793.20151127
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