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18/11/2015 | FRANCE | N°383189

France | France, Conseil d'État, 10ème / 9ème ssr, 18 novembre 2015, 383189


Vu la procédure suivante :

La section française de l'Observatoire international des prisons a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner au chef du centre pénitentiaire de Majicavo (Mayotte) de lui communiquer plusieurs informations et documents susceptibles d'attester la conformité des bâtiments et des installations avec les normes et les exigences de la sécurité incendie. Par une ordonnance n° 1400094 du 11 juillet 2014, le juge des référés a rejeté cette demand

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Par un pourvoi enregistré le 28 juillet 2014 au secrétariat du c...

Vu la procédure suivante :

La section française de l'Observatoire international des prisons a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner au chef du centre pénitentiaire de Majicavo (Mayotte) de lui communiquer plusieurs informations et documents susceptibles d'attester la conformité des bâtiments et des installations avec les normes et les exigences de la sécurité incendie. Par une ordonnance n° 1400094 du 11 juillet 2014, le juge des référés a rejeté cette demande.

Par un pourvoi enregistré le 28 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la section française de l'Observatoire international des prisons demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- le décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Timothée Paris, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la section française de l'Observatoire international des prisons ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 octobre 2015, présentée par la section française de l'Observatoire international des prisons ;

1. Considérant que, par un courrier du 4 février 2014, la section française de l'Observatoire international des prisons a sollicité du chef de la maison d'arrêt de Majicavo (Mayotte), sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public, la communication de plusieurs documents et d'informations susceptibles d'attester la conformité des bâtiments et des installations de cet établissement pénitentiaire avec les normes et exigences de la sécurité incendie ; que, par l'ordonnance attaquée du 11 juillet 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à ce que la communication de ces documents et informations soit ordonnée sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence " et qu'aux termes de son article L. 522-1 : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale ... " ; que ces dispositions font obligation au juge des référés, sauf dans le cas où il est fait application des dispositions de l'article L. 522-3 du même code, de communiquer aux parties avant la clôture de l'instruction, par tous moyens, notamment en les mettant à même d'en prendre connaissance à l'audience publique, les pièces et mémoires soumis au débat contradictoire qui servent de fondement à sa décision et qui comportent des éléments de fait ou de droit dont il n'a pas été antérieurement fait état au cours de la procédure ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure que le mémoire en défense produit par la garde des sceaux, ministre de la justice, enregistré au greffe du tribunal le 26 juin 2014, qui concluait au rejet de la demande au motif, retenu par le juge des référés, tiré de ce que la mise en oeuvre des pouvoirs qui résulte de l'article L. 521-3 était susceptible de faire obstacle à l'exécution de la décision refusant la communication des documents administratifs, a été communiqué à la section française de l'Observatoire international des prisons le 27 juin 2014 ; que, dans ces conditions, le juge des référés n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, méconnu le caractère contradictoire de la procédure ;

4. Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés peut ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative, même de rejet, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; que l'article L. 521-2 du même code permet à ce juge d'ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale ; qu'aux termes de son article L. 521-3 : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative " ;

5. Considérant que si le juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, peut prescrire en cas d'urgence, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures, autres que celles régies par les articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code, notamment sous forme d'injonctions adressées tant à des personnes privées que, le cas échéant, à l'administration, c'est à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse, et sous réserve qu'elles ne fassent pas obstacle à l'exécution d'une décision administrative ; que s'il peut en particulier ordonner, lorsque les conditions posées par l'article L. 521-3 sont réunies, la communication de documents administratifs, sans qu'il soit besoin que le requérant ait au préalable saisi la commission d'accès aux documents administratifs, les pouvoirs qu'il tient de ces dispositions ne peuvent le conduire à faire obstacle à l'exécution de la décision, explicite ou implicite, par laquelle l'autorité administrative a rejeté la demande de communication de documents qui lui a été présentée ; qu'il en résulte qu'il appartient au juge des référés de rejeter la demande dont il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 dès lors qu'une telle décision est intervenue, que ce soit antérieurement à l'enregistrement de la demande ou en cours d'instance ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la décision née, en application de l'article 17 du décret du 30 décembre 2005, du silence gardé par l'autorité administrative pendant plus d'un mois, et rejetant implicitement la demande de communication de documents administratifs présentée par la section française de l'Observatoire international des prisons, est intervenue antérieurement à l'enregistrement de la requête au greffe du tribunal ; que, tenu de ne pas faire obstacle à l'exécution de cette décision, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit en rejetant la demande dont il était saisi ; qu'eu égard à l'existence d'autres voies de recours utiles, en particulier celles prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, le rejet de la demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-3 de ce code n'a pas porté atteinte, quel que soit le délai mis par le juge pour rendre son ordonnance, au droit à un recours effectif garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, aux droits garantis par les articles 2 et 3 de cette convention ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la section française de l'Observatoire international des prisons n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la section française de l'Observatoire international des prisons est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la section française de l'Observatoire international des prisons et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 10ème / 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 383189
Date de la décision : 18/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 2015, n° 383189
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Timothée Paris
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:383189.20151118
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