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18/11/2015 | FRANCE | N°368820

France | France, Conseil d'État, 10ème / 9ème ssr, 18 novembre 2015, 368820


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai et 26 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL Mosaïques, dont le siège est Ile des Loisirs au Cap-d'Agde (34300) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09MA03885 du 22 mars 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0602078 du 24 juin 2009 du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations s

upplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sur l'impôt sur ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai et 26 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL Mosaïques, dont le siège est Ile des Loisirs au Cap-d'Agde (34300) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09MA03885 du 22 mars 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0602078 du 24 juin 2009 du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sur l'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2001, 2002 et 2003, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er octobre 2001 au 30 septembre 2003 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Timothée Paris, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la Sarl Mosaïques ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL Mosaïques, précédemment dénommée L'Amnésia, qui exploite durant l'été une discothèque en plein air au Cap-d'Agde, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er octobre 2000 au 30 septembre 2003, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification datée du 23 juillet 2004, puis à la suite des observations formulées par la société, lui a notifié des rectifications modifiées par lettres des 15 septembre et 5 octobre 2004 ; que par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé le jugement du tribunal administratif de Montpellier qui avait rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge à la suite de ces rectifications ;

Sur les moyens relatifs à la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant que, pour contester la régularité de la procédure d'imposition dont elle avait fait l'objet, la société a notamment soutenu devant les juges d'appel avoir été privée, dans les circonstances particulières de l'espèce, d'une part, de la possibilité d'exercer l'un des deux recours hiérarchiques prévus par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, d'autre part, des garanties d'impartialité attachées à la consultation de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales et les prescriptions de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dans sa version remise à la société Mosaïques, la cour administrative d'appel a relevé que cette dernière n'avait pas été privée de la possibilité de saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur du seul fait que celui-ci avait participé aux opérations de vérification et a ajouté, au surplus, qu'un contribuable qui n'a, à aucun moment de la procédure de vérification, manifesté son intention de demander à bénéficier de la garantie offerte par la charte ne saurait soutenir utilement devant le juge de l'impôt qu'il aurait été privé de cette garantie ; que, ce faisant la cour a suffisamment motivé son arrêt ;

4. Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, l'administration peut saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées ; que l'article 1651 dispose que cette commission est présidée par le président du tribunal administratif ou par un membre de ce tribunal désigné par lui ; qu'en vertu de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le différend opposant la société contribuable à l'administration fiscale a été soumis pour avis, à l'initiative de cette dernière, à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que l'avis émis par cette commission a été rendu au terme d'une séance tenue le 5 avril 2005 ; que, si le magistrat ayant présidé cette séance a, par ailleurs, présidé, lors d'une audience tenue le 14 avril 2005, la formation de jugement du tribunal administratif de Montpellier qui a statué, le 28 avril suivant, sur un autre litige opposant l'administration fiscale à la même société, ce second litige portait sur des exercices et périodes d'imposition différents de ceux ainsi soumis à l'appréciation de la commission départementale ; qu'en jugeant, dans ces circonstances, que l'exigence d'impartialité attachée à la consultation de cette commission n'avait pas été méconnue, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'elle n'a pas, non plus, entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant qu'à le supposer établi, un éventuel manquement à cette exigence n'aurait, en tout état de cause, pu légalement vicier la régularité de la procédure d'imposition mais seulement modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve, conformément aux dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;

Sur le moyen relatif à l'application de pénalités fiscales :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 117 du code général des impôts , dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1763 A " ; qu'aux termes de l'article 1763 A du même code, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article 1759 : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 % " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la proposition de rectification du 23 juillet 2004, par laquelle l'administration fiscale avait informé la société des résultats du contrôle opéré, indiquait notamment qu'il était fait application de l'article 117 du code général des impôts, dont elle reprenait intégralement les termes, invitait la société à désigner les bénéficiaires des revenus regardés comme distribués, faisait état de l'amende encourue à défaut d'une telle désignation et précisait que la demande s'appliquait aux rectifications notifiées au titre des rehaussements de recettes non déclarées ; que, dès lors, en jugeant que cette notification de redressement était suffisamment motivée, en tant qu'elle fondait l'application de la pénalité prévue à l'article 1763 A du code général des impôts, la cour n'a ni dénaturé les pièces du dossier, ni commis d'erreur de droit ; que, si la société requérante soutient que cette demande de désignation serait, en tout état de cause, irrégulière, dès lors qu'elle portait sur des sommes qui n'étaient plus celles qui ont été finalement retenues par l'administration fiscale à la suite de ses observations en réponse, un tel moyen, qui n'a pas été soulevé devant les juges du fond, ne saurait l'être pour la première fois devant le juge de cassation ;

Sur le moyen relatif à l'application, par les juges du fond, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que, contrairement à ce que soutient la SARL Mosaïques, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif n'aurait pu légalement mettre à la charge de la société requérante, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une quelconque somme à verser à l'Etat, faute pour l'administration fiscale d'avoir précisément fait état des frais qu'elle aurait exposés pour défendre à l'instance, n'est pas tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi ; que, n'étant pas d'ordre public, il n'avait donc pas à être soulevé d'office par la cour administrative d'appel ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Mosaïques n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SARL Mosaïques est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL Mosaïques et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 10ème / 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 368820
Date de la décision : 18/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - RECTIFICATION (OU REDRESSEMENT) - COMMISSION DÉPARTEMENTALE - COMPOSITION DE LA CDI - EXIGENCE D'IMPARTIALITÉ - MÉCONNAISSANCE - 1) ABSENCE - MAGISTRAT AYANT STATUÉ SUR UN AUTRE LITIGE OPPOSANT L'ADMINISTRATION FISCALE À LA MÊME SOCIÉTÉ - 2) CONSÉQUENCE - IRRÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE D'IMPOSITION - ABSENCE - MODIFICATION DE LA CHARGE DE LA PREUVE - EXISTENCE.

19-01-03-02-03 1) Si le magistrat ayant présidé la séance au terme de laquelle la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (CDI) a rendu son avis sur le différend opposant une société à l'administration fiscale a, par ailleurs, présidé la formation de jugement du tribunal administratif qui a statué sur un autre litige opposant l'administration fiscale à la même société, ce second litige portait sur des exercices et périodes d'imposition différents de ceux soumis à l'appréciation de la commission départementale. Dans ces circonstances, l'exigence d'impartialité attachée à la consultation de cette commission n'a pas été méconnue.,,,2) A le supposer établi, un éventuel manquement à cette exigence n'aurait, en tout état de cause, pu légalement vicier la régularité de la procédure d'imposition mais seulement modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve, conformément aux dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - QUESTIONS COMMUNES - DIVERS - COMPOSITION DE LA CDI - EXIGENCE D'IMPARTIALITÉ - MÉCONNAISSANCE - CONSÉQUENCE - IRRÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE D'IMPOSITION - ABSENCE - MODIFICATION DE LA CHARGE DE LA PREUVE - EXISTENCE.

19-02-01-04-01 Un manquement à l'exigence d'impartialité attachée à la consultation de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (CDI) ne peut légalement vicier la régularité de la procédure d'imposition mais seulement modifier la dévolution de la charge de la preuve, conformément aux dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 2015, n° 368820
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Timothée Paris
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:368820.20151118
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