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12/11/2015 | FRANCE | N°394064

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 12 novembre 2015, 394064


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 14 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre syndicale nationale des géomètres-topographes, M. E...A..., M. H... G..., M.B... C..., M. D... F..., la société BETF GEOMETRE et la société ACTIV'RESEAUX B.T.L.M. demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la note du 27 août 2015 du directeur général des finances publiques portant modification de

la doctrine BOFIP-Impôts, CAD-MAJ relative à la mise à jour du plan cadastra...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 14 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre syndicale nationale des géomètres-topographes, M. E...A..., M. H... G..., M.B... C..., M. D... F..., la société BETF GEOMETRE et la société ACTIV'RESEAUX B.T.L.M. demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la note du 27 août 2015 du directeur général des finances publiques portant modification de la doctrine BOFIP-Impôts, CAD-MAJ relative à la mise à jour du plan cadastral, ainsi que le complément apporté à cette note, non publié au BOFIP, révélé par un courriel du 15 septembre 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la note contestée et son complément, qui en diffère partiellement les effets dans le temps, revêtent un caractère impératif ;

- la condition d'urgence est remplie, dès lors que la note contestée, en tant qu'elle interdit aux services du cadastre d'enregistrer les documents modificatifs du parcellaire cadastral établis par un géomètre-topographe lorsque ces documents accompagnent ou sont destinés à accompagner un changement de limite de propriété, aboutit à priver de nombreux géomètres-topographes d'une part essentielle de leur chiffre d'affaires et met en péril leur survie économique ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la note contestée, dès lors que celle-ci, en prévoyant que relèvent de la seule compétence des géomètres-experts les documents d'arpentage portant changement de limite de propriété et accompagnant ou destinés à accompagner un acte notarié ou administratif, énonce une condition nouvelle, que son auteur n'avait pas compétence pour édicter, et étend le champ du monopole des géomètres-experts au-delà de la définition qui en est donnée par le 1° de l'article 1 de la loi du 7 mai 1946 modifiée, portant atteinte, de ce fait, aux principes de liberté de la concurrence, de la liberté d'entreprendre et de la liberté du commerce et de l'industrie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie, que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés et qu'en tant qu'elle vise le courriel du 15 septembre 2015, la requête est dirigée devant une juridiction incompétente pour en connaître et irrecevable.

L'ordre des géomètres-experts a présenté des observations enregistrées le 30 octobre 2015. Elles tendent au rejet de la requête, et à ce que la chambre syndicale nationale des géomètres-topographes, M. E...A..., M. H... G..., M. B...C..., M. D... F..., la société BETF GEOMETRE et la société ACTIV' RESEAUX B.T.L.M. lui versent une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la chambre syndicale nationale des géomètres-topographes, M. E...A..., M. H... G..., M. B... C..., M. D...F..., la société BETF GEOMETRE et la société ACTIV' RESEAUX B.T.L.M et, d'autre part, le ministre des finances et des comptes publics et l'ordre des géomètres-experts ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 6 novembre 2015 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Garreau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des requérants ;

- les représentants du ministre des finances et des comptes publics ;

- Me Le Bret-Desaché, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de l'ordre des géomètres-experts ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

L'instruction ayant été réouverte jusqu'au 10 novembre à 17 heures pour communiquer les pièces complémentaires produites, conformément à la demande du juge des référés lors de l'audience, par le ministre des finances et des comptes publics ;

Vu les pièces complémentaires et les nouvelles observations, enregistrées le 10 novembre 2015, produites par l'ordre des géomètres experts qui tendent aux mêmes fins que ses précédentes observations ;

Vu :

- la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 ;

- le décret n° 55-471 du 30 avril 1955 ;

- le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ; qu'il résulte de ces dispositions que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence ; que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 7 mai 1946 instituant l'ordre des géomètres-experts : " peuvent seuls effectuer les travaux prévus au 1° de l'article 1er les géomètres-experts inscrits à l'ordre conformément aux articles 3 et 26... " ; que le 1° de l'article 1er vise " les études et travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers " ; qu'il résulte de ces dispositions que le monopole des géomètres-experts concerne exclusivement les travaux ayant directement pour objet la délimitation des biens fonciers ;

3. Considérant que les requérants soutiennent que la note contestée, en indiquant que seuls les géomètres-experts ont compétence pour établir un document modificatif du parcellaire cadastral lorsque ce document accompagne ou est destiné à accompagner un changement de limite de propriété, et en interdisant aux services du cadastre d'enregistrer, dans ce cas, un document qui n'aurait pas été établi par un géomètre-expert, aboutit à exclure les géomètres-topographes de l'établissement de documents modificatifs du parcellaire cadastral y compris lorsque la modification ne porte que sur les limites parcellaires internes à une même propriété, et les prive ainsi d'une activité qui, pour de nombreux géomètres-topographes, constitue une part essentielle de leur chiffre d'affaires, dont la disparition compromettrait l'existence même de leur activité ;

4. Considérant qu'il résulte des pièces versées au dossier du juge des référés et des éléments indiqués au cours de l'audience que le propriétaire qui demande l'établissement d'un document modificatif du parcellaire cadastral afin de fixer une ligne de séparation interne aux parcelles existantes le fait, dans la quasi-totalité des cas, pour la réalisation d'une cession, d'un échange ou d'un partage portant sur une ou plusieurs des parcelles nouvellement créées ; que les opérations réalisées dans une telle configuration génèrent donc l'essentiel du chiffre d'affaires que les requérants estiment menacé à raison de la note contestée ; que, toutefois, les juridictions judiciaires, comme il ressort notamment des arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation n°10-83.917 du 8 février 2011 et n° Y 14-86.235 du 1er septembre 2015, jugent, pour l'application des dispositions précitées de la loi du 7 mai 1946, que dans une telle configuration, où le document fixant une ligne de séparation au sein des parcelles existantes est établi pour la réalisation d'une cession, d'un échange ou d'un partage, ce document a pour effet de fixer les nouvelles limites de biens fonciers et de créer des droits réels qui y seraient attachés, participant ainsi à la rédaction des actes translatifs ou déclaratifs de propriété, et qu'il ne peut, dès lors, être établi que par un géomètre-expert ; que, par conséquent, le fait de ne pouvoir en demander l'établissement à un géomètre-topographe et la perte de chiffre d'affaires qui en résulte pour ce dernier découlent directement de l'interprétation ainsi donnée de ces dispositions, et non de la présentation qui en est faite par la note contestée ; que, dans ces conditions, la condition d'urgence à laquelle est subordonnée l'intervention du juge des référés ne peut être regardée comme remplie ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir invoquée par le ministre des finances et des comptes publics et sur l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des actes contestés, que la requête présentée par la chambre syndicale nationale des géomètres-topographes, M. E...A..., M. H... G..., M. B...C..., M. D...F..., la société BETF GEOMETRE et la société ACTIV' RESEAUX B.T.L.M. doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions tendant à l'application de cet article présentées par l'ordre des géomètres-experts ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la chambre syndicale nationale des géomètres topographes, M. A..., M. G..., M.C..., M.F..., la société BETF GEOMETRE et la société ACTIV' RESEAUX B.T.L.M. est rejetée.

Article 2 : les conclusions de l'ordre des géomètres experts présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la chambre syndicale nationale des géomètres-topographes, au ministre des finances et des comptes publics et à l'ordre des géomètres-experts.

Les autres requérants seront informés de la présente ordonnance par Me Garreau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 394064
Date de la décision : 12/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 nov. 2015, n° 394064
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP LE BRET-DESACHE ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:394064.20151112
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