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23/10/2015 | FRANCE | N°384805

France | France, Conseil d'État, 8ème ssjs, 23 octobre 2015, 384805


Vu la procédure suivante :

Le grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire a demandé au tribunal administratif de Nantes de le décharger de cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties mises à sa charge au titre des années 2009 à 2012 dans les rôles des communes de Nantes et de Montoir-en-Bretagne. Par les articles 2 à 4 du jugement n°s 1201484, 1201487, 1306011, 1306013 du 30 juillet 2014, le tribunal administratif a fait droit à ces demandes et mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.r>
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Vu la procédure suivante :

Le grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire a demandé au tribunal administratif de Nantes de le décharger de cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties mises à sa charge au titre des années 2009 à 2012 dans les rôles des communes de Nantes et de Montoir-en-Bretagne. Par les articles 2 à 4 du jugement n°s 1201484, 1201487, 1306011, 1306013 du 30 juillet 2014, le tribunal administratif a fait droit à ces demandes et mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés les 25 septembre 2014 et 17 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2 à 4 de ce jugement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des ports maritimes ;

- le code des transports ;

- la loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 ;

- le décret n° 2008-1035 du 9 octobre 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat du grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le port autonome de Nantes-Saint-Nazaire a bénéficié d'une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties conformément à l'interprétation formelle de la loi fiscale prévue par une décision ministérielle du 11 août 1942, reprise par une réponse ministérielle publiée au journal officiel de l'Assemblée nationale du 23 février 1981 et par la documentation administrative ; qu'il a été transformé en un grand port maritime par décret du 9 octobre 2008 et a pris le nom de grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire ; que l'administration fiscale a refusé de lui accorder l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficiait le port autonome auquel il a succédé à raison de locaux dont il est le propriétaire ; que le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre les articles 2 à 4 du jugement du 30 juillet 2014 par lesquels le tribunal administratif de Nantes a déchargé ce grand port maritime de cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2012 dans les rôles des communes de Nantes et de Montoir-de-Bretagne et a mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant qu'une décision ministérielle du 11 août 1942, publiée au bulletin officiel des contributions directes de la même année, indique qu'un arrêté du 31 janvier 1942 a prévu que les ports autonomes seraient passibles à compter du 1er janvier 1942 de tous les impôts et taxes dus par les entreprises privées similaires mais reporte " à titre exceptionnel, au 1er janvier de l'année suivant celle de la cessation des hostilités l'application de l'arrêté du 31 janvier 1942 en tant qu'il est susceptible de modifier le régime des impôts directs applicables aux chambres de commerce maritimes et aux ports autonomes " ; que la réponse du ministre du budget à M. A..., député, publiée au journal officiel de l'Assemblée nationale du 23 février 1981, rappelle que, si " les terrains affectés à l'exploitation portuaire, de même que les constructions et installations appartenant aux ports autonomes sont, en principe, imposables à la taxe foncière sur les propriétés bâties (...) des décisions ministérielles prises après 1945, et maintenant une solution arrêtée pendant la seconde guerre mondiale, ont suspendu l'application de ces règles aux installations portuaires " ; qu'enfin, selon la documentation administrative de base référencée 6 C-121 du 15 décembre 1988, relative aux exonérations de taxe foncière sur les propriétés publiques, applicable aux impositions en litige : " en vertu de décisions ministérielles des 11 août 1942 et 27 avril 1943, le régime d'exonération des propriétés publiques antérieur au régime actuel qui résulte de l'article 4 de la loi du 28 juin 1941, continue de s'appliquer aux immeubles et installations dépendant des ports gérés par des ports autonomes ou des chambres de commerce " ; qu'il résulte de ce qui précède que l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties prévue par la décision ministérielle du 11 août 1942, reprise par la réponse ministérielle à M. A... et par la documentation administrative, bénéficie aux immeubles des ports autonomes ;

3. Considérant que la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire a ajouté aux catégories des ports maritimes et de pêche, notamment à celle des ports autonomes, la catégorie des grands ports maritimes ; que les dispositions de cette loi interdisent aux grands ports maritimes d'exploiter les outillages utilisés pour les opérations de chargement, de déchargement, de manutention et de stockage liées aux navires à l'issue d'un délai qui ne peut excéder deux ans à compter de l'adoption de leur projet stratégique et prévoient la cession à des opérateurs de terminaux de la propriété de ces outillages ou, le cas échéant, des droits réels qui leur sont attachés ; que la loi prévoit également la conclusion, avec l'Etat et, le cas échéant, les collectivités territoriales intéressées ou leurs groupements, de contrats pluriannuels aux fins de préciser les modalités de mise en oeuvre du projet stratégique des grands ports maritimes, ainsi que leur politique de versement de dividendes à l'Etat ; qu'ainsi, eu égard aux différences substantielles entre les grands ports maritimes créés par la loi et les ports autonomes, l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties prévue pour les seconds par la décision ministérielle du 11 août 1942, reprise par la réponse ministérielle à M. A... et par la documentation administrative mentionnées au point 2, ne saurait être regardée comme applicable aux premiers ;

4. Considérant que le tribunal administratif a jugé que la loi du 4 juillet 2008 n'avait pas substantiellement modifié le statut juridique du port de Nantes-Saint-Nazaire et que, par suite, le grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire pouvait se prévaloir de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficiait ce port autonome ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il a ainsi commis une erreur de droit ; qu'il ne pouvait davantage se fonder, sans erreur de droit, sur les dispositions de l'article L. 5312-15 du code des transports, selon lesquelles " les règles applicables aux ports autonomes maritimes s'appliquent aux grands ports maritimes pour autant qu'il n'y est pas dérogé par des dispositions spéciales (...) ", qui n'ont en tout état de cause ni pour objet ni pour effet de rendre les interprétations administrative de la loi fiscale applicables aux grands ports maritimes ; qu'ainsi le ministre est fondé à demander l'annulation des articles 2 à 4 du jugement qu'il attaque ;

5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code " ; que l'article 1382 du même code dispose que : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : 1° les immeubles nationaux, les immeubles régionaux, les immeubles départementaux pour les taxes perçues par les communes et par le département auquel ils appartiennent et les immeubles communaux pour les taxes perçues par les départements et par la commune à laquelle ils appartiennent, lorsqu'ils sont affectés à un service public ou d'utilité générale et non productifs de revenus (...) cette exonération n'est pas applicable aux immeubles qui appartiennent à des établissements publics autres que les établissements publics de coopération intercommunale, les syndicats mixtes, les pôles métropolitains, les ententes interdépartementales, les établissements publics scientifiques, d'enseignement et d'assistance ainsi que les établissements visés aux articles 12 et 13 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ni aux organismes de l'Etat, des départements ou des communes ayant un caractère industriel ou commercial " ; qu'aux termes du 1° de l'article 165 de l'annexe IV au même code : " Nonobstant toutes dispositions contraires, les établissements publics ayant un caractère industriel ou commercial sont passibles de tous les impôts directs et taxes assimilées applicables aux entreprises privées similaires " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en application de la loi fiscale, les immeubles appartenant à un grand port maritime sont passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties ;

7. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut qu'un grand port maritime ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la tolérance administrative exonérant les ports autonomes de la taxe foncière sur les propriétés bâties ;

8. Considérant qu'il en résulte que la demande du grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties restant en litige auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2012 dans les rôles des communes de Nantes et de Montoir-en-Bretagne doit être rejetée ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement du 30 juillet 2014 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par le grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire devant le tribunal administratif de Nantes à raison des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties restant en litige auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2012 dans les rôles des communes de Nantes et de Montoir-en-Bretagne et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire est rétabli au rôle de la taxe foncière sur les propriétés bâties dans les rôles des communes de Nantes et de Montoir-en-Bretagne au titre des années 2009 à 2012 à concurrence des sommes restant en litige dont il a été déchargé par le tribunal administratif de Nantes.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et au grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire.


Synthèse
Formation : 8ème ssjs
Numéro d'arrêt : 384805
Date de la décision : 23/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2015, n° 384805
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:384805.20151023
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