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22/10/2015 | FRANCE | N°394041

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 22 octobre 2015, 394041


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution des arrêtés du 10 août 2015 par lesquels le ministre de l'intérieur a abrogé la mesure d'assignation à résidence prise à son encontre le 10 mars 2000 et a fixé l'Algérie comme pays à destination duquel il sera expulsé, en deuxième lieu, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de produire l'avis du médecin de l'agence régionale de santé Prov

ence-Alpes-Côte-d'Azur du 30 janvier 2015 et, en troisième lieu, d'enjoindre...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution des arrêtés du 10 août 2015 par lesquels le ministre de l'intérieur a abrogé la mesure d'assignation à résidence prise à son encontre le 10 mars 2000 et a fixé l'Algérie comme pays à destination duquel il sera expulsé, en deuxième lieu, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de produire l'avis du médecin de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte-d'Azur du 30 janvier 2015 et, en troisième lieu, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de l'assigner à résidence dans le département du Var pour une durée de six mois jusqu'à ce que son état de santé lui permette de déférer à la mesure d'expulsion, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1515714/9 du 29 septembre 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de suspendre les arrêtés litigieux ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de l'assigner à résidence dans le département du Var pour une durée de six mois et, en toute hypothèse, jusqu'au moment où son état de santé lui permettra de déférer à la mesure d'expulsion, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie ;

- les décisions ont été prises au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'eu égard aux circonstances particulières de sa situation personnelle, médicale et familiale, elles auraient dû être prises après l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé ;

- elles méconnaissent l'article L. 523-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale, que son défaut entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- elles portent une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A... et, d'autre part, le ministre de l'intérieur ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 20 octobre 2015 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Froger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, avocat de M. A... ;

- M.A... ;

- le représentant de M.A... ;

- les représentants du ministre de l'intérieur ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au 21 octobre 2015 à 12 heures ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 20 octobre 2015, par lequel le ministre de l'intérieur conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 21 octobre 2015, par lequel M. A... conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant que M.A..., de nationalité algérienne a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion le 16 juillet 1998 pour nécessité impérieuse pour la sécurité publique puis d'un arrêté d'assignation à résidence le 24 mars 2000 en raison de son état de santé ; que par deux arrêtés du 10 août 2015, le ministre de l'intérieur a, d'une part, abrogé l'arrêté du 24 mars 2000, d'autre part, fixé l'Algérie comme pays à destination duquel M. A...sera expulsé ; que M. A...a demandé au juge des référés du tribunal de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de ces arrêtés et à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de l'assigner à résidence dans le département du Var pour une durée de six mois et, en toute hypothèse, jusqu'à ce son état de santé soit compatible avec l'exécution de la mesure d'expulsion ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

3. Considérant, d'une part, que, si M. A...a fait l'objet d'un arrêté préfectoral d'assignation à résidence le 16 septembre 2015 en vue de permettre la préparation de son départ du territoire, l'expulsion de l'intéressé est susceptible d'intervenir à très bref délai et, au plus tard, le 1er novembre 2015 ; qu'eu égard aux effets de la mesure d'expulsion sur la situation de l'intéressé, notamment son état de santé et sa vie privée et familiale, la condition d'urgence particulière prévue à l'article L. 521-2 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que M. A...est atteint du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) à un stade avancé et du virus de l'hépatite C ; qu'il bénéficie d'un traitement particulier eu égard à son état de santé ; qu'il n'est pas établi que les traitements médicaux nécessaires pour éviter une dégradation de cet état, récemment stabilisé, et la mise en danger de la vie de l'intéressé soient, pour l'instant, disponibles en Algérie ; que M. A...vit en France depuis l'âge de deux ans et y a désormais une situation professionnelle stable ; que son épouse, de nationalité algérienne, vient de se voir accorder un titre de séjour d'un an sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de la gravité de son état de santé et ne peut donc pas retourner en Algérie ; que ses quatre enfants, dont trois sont mineurs et dont le dernier est âgé de trois ans, ainsi que tous ses parents et frères et soeurs, dont plusieurs ont la nationalité française, vivent sur le territoire français ; que, dans ces conditions, l'arrêté litigieux, qui abroge, pour des motifs tirés de l'état de santé de l'intéressé, un arrêté pris en mars 2000 et rend possible une expulsion décidée en 1998, porte, en dépit de la gravité et du caractère répété des infractions, en particulier des actes de violence dont s'est rendu coupable l'intéressé entre 1988 et 2012, une atteinte grave et manifestement illégale au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a seulement lieu de suspendre l'exécution des arrêtés litigieux et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer les conditions d'assignation à résidence de l'intéressé dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte ; qu'il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du 29 septembre 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : Les arrêtés du 10 août 2015 par lesquels le ministre de l'intérieur a abrogé la mesure d'assignation à résidence prise à l'encontre de M. A...le 10 mars 2000 et a fixé l'Algérie comme pays à destination duquel il sera expulsé sont suspendus.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer les conditions d'assignation à résidence de M. A...dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 4 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 394041
Date de la décision : 22/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2015, n° 394041
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:394041.20151022
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