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09/10/2015 | FRANCE | N°372219

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème ssr, 09 octobre 2015, 372219


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a refusé de lui communiquer les informations le concernant figurant dans le traitement automatisé de données de la direction centrale du renseignement intérieur et, d'autre part, de lui enjoindre de lui communiquer les informations sollicitées dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par

un jugement n° 1020470 du 16 novembre 2011, le tribunal administratif de Pari...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a refusé de lui communiquer les informations le concernant figurant dans le traitement automatisé de données de la direction centrale du renseignement intérieur et, d'autre part, de lui enjoindre de lui communiquer les informations sollicitées dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1020470 du 16 novembre 2011, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a refusé de communiquer à M. B...les informations le concernant figurant dans le traitement automatisé de données de la direction centrale du renseignement intérieur et, d'autre part, lui a enjoint de communiquer à M. B...les informations sollicitées dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l'exception toutefois, le cas échéant, de celles d'entre elles dont le contenu mentionnerait de façon précise les missions confiées aux services du renseignement dans le cadre desquelles ces données ont été recueillies, et qui seraient comme telles classifiées en application de l'arrêté du 27 juin 2008.

Par un arrêt n° 12PA00395 du 4 juillet 2013, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales contre ce jugement.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi, enregistré le 16 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt n° 12PA00395 du 4 juillet 2013 de la cour administrative d'appel de Paris ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques Reiller, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 : " Par dérogation aux articles 39 et 40, lorsqu'un traitement intéresse la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, le droit d'accès s'exerce dans les conditions prévues par le présent article pour l'ensemble des informations qu'il contient. / La demande est adressée à la commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d'un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications. /Lorsque la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données peuvent être communiquées au requérant. / Lorsque le traitement est susceptible de comprendre des informations dont la communication ne mettrait pas en cause les fins qui lui sont assignées, l'acte réglementaire portant création du fichier peut prévoir que ces informations peuvent être communiquées au requérant par le gestionnaire du fichier directement saisi. " ; qu'aux termes de l'article 88 du décret du 20 octobre 2005 pris pour l'application de cette loi : " Aux termes de ses investigations, la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, celles des informations susceptibles d'être communiquées au demandeur dès lors que leur communication ne met pas en cause les finalités du traitement, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique. Elle transmet au demandeur ces informations (réservés à l'exception de ceux sur lesquels il est statué par la présente décision, au ministre de l'intérieur et dans les conditions susdites, de communiquer au Conseil d'Etat les éléments mentionnés dans les motifs de la présente décision) Lorsque le responsable du traitement s'oppose à la communication au demandeur de tout ou partie des informations le concernant, la commission l'informe qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / La commission peut constater en accord avec le responsable du traitement, que les informations concernant le demandeur doivent être rectifiées ou supprimées et qu'il y a lieu de l'en informer. En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. Lorsque le traitement ne contient aucune information concernant le demandeur, la commission informe celui-ci, avec l'accord du responsable du traitement. / En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / La réponse de la commission mentionne les voies et délais de recours ouverts au demandeur " ;

2. Considérant que, par jugement avant dire droit du 17 mars 2011, le tribunal administratif de Paris, saisi des conclusions de M. B...tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur lui refusant la communication des informations figurant au sein du traitement automatisé de données à caractère personnel de la direction centrale du renseignement intérieur, dont l'existence avait été confirmée au requérant dans le courrier par lequel la Commission nationale de l'informatique et des libertés l'avait informé qu'elle avait procédé aux vérifications demandées en application de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978, a ordonné au ministre de l'intérieur de lui communiquer - pour versement au dossier de l'instruction écrite contradictoire - tous éléments utiles à la solution du litige et relatifs aux informations concernant l'inscription de M. B... dans le fichier de la direction centrale du renseignement intérieur ; qu'il a indiqué que, dans l'hypothèse où le ministre estimerait que la communication de ces informations mettrait en cause les fins assignées à ce fichier, et où il estimerait en conséquence devoir refuser leur communication, il lui appartiendrait néanmoins de verser au dossier de l'instruction écrite contradictoire tous éléments d'information appropriés sur la nature des pièces écartées et les raisons de leur exclusion, de façon à permettre au tribunal de se prononcer en connaissance de cause sans porter, directement ou indirectement, atteinte aux secrets imposés par des considérations tenant à la sûreté de l'Etat, à la défense et à la sécurité publique ; qu'enfin, dans le cas où un refus, exprès ou implicite, serait opposé à une demande d'information formulée par lui, il appartiendrait au tribunal, conformément aux règles générales d'établissement des faits devant le juge administratif, de joindre, en vue du jugement à rendre, cet élément de décision à l'ensemble des données fournies par le dossier ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le ministre de l'intérieur a répondu que la direction centrale du renseignement intérieur, responsable du traitement, considérait que les éléments relatifs à M. B...contenus dans son traitement automatisé n'étaient pas communicables à ce dernier ; que, par un jugement du 16 novembre 2011, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision du ministre refusant de communiquer à M. B...les informations le concernant figurant dans le traitement automatisé de la direction centrale du renseignement intérieur et, d'autre part, lui a enjoint de communiquer au requérant les informations sollicitées dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l'exception, le cas échéant, de celles d'entre elles dont le contenu mentionnerait de façon précise les missions confiées aux services du renseignement dans le cadre desquelles ces données ont été recueillies ; que, pour rejeter l'appel du ministre contre ce jugement, la cour administrative d'appel de Paris a jugé qu'en réponse au jugement avant dire droit du 17 mars 2011, le ministre de l'intérieur n'avait produit devant les premiers juges aucun élément relatif aux informations concernant l'inscription de M. B...dans le traitement automatisé de données à caractère personnel de la direction centrale du renseignement intérieur ou concernant la nature des pièces écartées de la communication et les raisons de leur exclusion et que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Paris avait jugé qu'en refusant de faire droit à la demande de M.B..., le ministre de l'intérieur avait méconnu les dispositions précitées de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 ;

4. Considérant que l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés dispose : " I. Sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et : / 1° Qui intéressent la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique ; (...) / L'avis de la commission est publié avec l'arrêté autorisant le traitement. / II. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 8 sont autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé et publié de la commission ; cet avis est publié avec le décret autorisant le traitement. / III. Certains traitements mentionnés au I et au II peuvent être dispensés, par décret en Conseil d'Etat, de la publication de l'acte réglementaire qui les autorise ; pour ces traitements, est publié, en même temps que le décret autorisant la dispense de publication de l'acte, le sens de l'avis émis par la commission (...) " ;

5. Considérant que si le caractère contradictoire de la procédure fait en principe obstacle à ce qu'une décision juridictionnelle puisse être rendue sur la base de pièces dont une des parties n'aurait pu prendre connaissance, il en va nécessairement autrement, afin d'assurer l'effectivité du droit au recours, lorsque l'acte litigieux n'est pas publié en application de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; que si une telle dispense de publication que justifie la préservation des finalités des fichiers intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique fait obstacle à la communication tant de l'acte réglementaire qui en a autorisé la création que des décisions prises pour leur mise en oeuvre aux parties autres que celle qui les détient, dès lors qu'une telle communication priverait d'effet la dispense de publication, elle ne peut, en revanche, empêcher leur communication au juge lorsque celle-ci est la seule voie lui permettant d'apprécier le bien-fondé d'un moyen ; qu'il suit de là que, quand, dans le cadre de l'instruction d'un recours dirigé contre le refus de communiquer des informations relatives à une personne mentionnée dans un fichier intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique dont l'acte de création a fait l'objet d'une dispense de publication, le ministre refuse la communication de ces informations au motif que celle-ci porterait atteinte aux finalités de ce fichier, il lui appartient néanmoins de verser au dossier de l'instruction écrite, à la demande du juge, ces informations ou tous éléments appropriés sur leur nature et les motifs fondant le refus de les communiquer de façon à lui permettre de se prononcer en connaissance de cause sur la légalité de ce dernier sans que ces éléments puissent être communiqués aux autres parties, auxquelles ils révèleraient les finalités du fichier qui ont fondé la non publication du décret l'autorisant ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en estimant que le refus du ministre de l'intérieur de communiquer tous éléments relatifs aux motifs de son refus de communiquer les informations demandées par M. B...rendaient ce refus illégal, alors qu'il lui incombait de prévoir que, dans l'hypothèse où l'exposé de ces éléments compromettrait les finalités du fichier non publié auxquelles elles se rapportent en fournissant aux autres parties des indications, en violation des exigences ayant justifié la dispense de publication de l'acte réglementaire qui a créé ce fichier, ces éléments ne seraient pas versés à l'instruction contradictoire, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit ;

7. Considérant qu'il y a lieu par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de statuer sur l'appel du ministre ;

8. Considérant que le ministre soutient que la communication d'éléments permettant d'apprécier le bien fondé du refus de communiquer les informations regardant M. B... que contiendrait le fichier de la direction centrale du renseignement intérieur serait susceptible, dès lors que ces éléments seraient versés au contradictoire, de porter atteinte aux finalités mêmes du fichier, motif qui avait fondé la décision de ne pas publier le décret en autorisant la création ; qu'afin de permettre au Conseil d'Etat d'apprécier les mérites de cette argumentation, il y a lieu, avant dire droit et tous droits et moyens des parties réservés, d'ordonner au ministre de communiquer sous un mois au Conseil d'Etat tous éléments d'information sur ce point, sans qu'ils soient versés au contradictoire ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt n° 12PA00395 du 4 juillet 2013 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : Est ordonné, avant dire droit, tous droits et moyens des parties demeurant.réservés à l'exception de ceux sur lesquels il est statué par la présente décision, au ministre de l'intérieur et dans les conditions susdites, de communiquer au Conseil d'Etat les éléments mentionnés dans les motifs de la présente décision

Article 3 : Ces éléments devront parvenir au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat dans un délai d'un mois à compter de la présente décision.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur, à la Commission nationale de l'informatique et des libertés et à M. A...B.réservés à l'exception de ceux sur lesquels il est statué par la présente décision, au ministre de l'intérieur et dans les conditions susdites, de communiquer au Conseil d'Etat les éléments mentionnés dans les motifs de la présente décision


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 372219
Date de la décision : 09/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 oct. 2015, n° 372219
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques Reiller
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:372219.20151009
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