Vu la procédure suivante :
Par un mémoire, enregistré le 9 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société Laisser Passer demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 13PA04034 du 4 février 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande de décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui est réclamé pour la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2010, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du b quater de l'article 279 du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts, notamment son article 279 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mathieu Herondart, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Laisser Passer ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 279 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne : (...) b quater : -les transports de voyageurs " ;
3. Considérant que la société Laisser Passer soutient que ces dispositions, telles qu'interprétées par la jurisprudence du Conseil d'Etat, méconnaissent le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en soumettant les entreprises de taxis au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée tout en excluant les entreprises de voiture de transport avec chauffeur du bénéfice de cet avantage fiscal ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi ... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse " ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
5. Considérant, d'une part, que les dispositions du b quater de l'article 279 du code général des impôts ne créent pas de différence de traitement entre les entreprises de taxis et les entreprises de voiture de transport avec chauffeur qui effectuent des prestations de transport de voyageurs ; que le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée s'applique, en effet, aussi bien aux prestations de transport de voyageurs réalisées par des entreprises de taxis qu'à celles qui sont réalisées par des entreprises de voiture de transport avec chauffeur dans le cadre de contrats qui peuvent être qualifiés de contrats de transport, compte tenu notamment de leurs stipulations relatives à l'assurance et à la responsabilité du propriétaire ainsi qu'aux conditions concrètes d'exploitation de l'activité, en particulier des stipulations relatives à la tarification et à la maîtrise du déplacement par le propriétaire du véhicule ; que, d'autre part, les entreprises qui mettent à disposition des véhicules avec chauffeur dans le cadre de contrats qui ne peuvent être regardés comme des contrats de transport, faute que les trajets à effectuer aient été définis conjointement par le client et le prestataire, se trouvent, en ce qui concerne ces prestations, dans une situation différente des entreprises qui effectuent des prestations de transport de voyageurs ; que tel est notamment le cas lorsque la mise à disposition du véhicule avec chauffeur est facturée à l'heure, lorsque la prestation est assortie d'un kilométrage illimité ou lorsque ses tarifs sont calculés exclusivement en fonction de la tranche horaire et de la durée de la prestation ; que la différence de traitement tenant à l'application à ces prestations du taux normal de taxe sur la valeur ajoutée et non du taux réduit prévu en faveur des prestations de transport de voyageurs correspond à une différence de situation ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le b quater de l'article 279 du code général des impôts porterait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, qui ne soulève pas une question nouvelle, ne soulève pas non plus une question sérieuse ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Laisser Passer.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Laisser Passer, au Premier ministre et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.