Vu la procédure suivante :
Par une requête, trois mémoires en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 31 janvier 2014, 21 juillet 2014, 11 décembre 2014 et 16 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Nordic Pharma et la société Exelgyn demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, du 20 janvier 2014 modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l'usage des collectivités et divers services publics, en tant qu'il inscrit sur cette liste les spécialités pharmaceutiques Miffee 200 mg (mifépristone), comprimé, comprimé sous plaquette thermoformée (PVC/PVDC/aluminium) (B/1) (laboratoires Linepharma) et Miffee 200 mg (mifépristone), comprimé, comprimés sous plaquettes thermoformées (PVC/PVDC/aluminium) (B/30) (laboratoires Linepharma).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yannick Faure, auditeur,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Ricard, avocat de la société Nordic Pharma et de la société Exelgyn ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 5123-2 du code de la santé publique : " L'achat, la fourniture, la prise en charge et l'utilisation par les collectivités publiques des médicaments définis aux articles L. 5121-8, L. 5121-9-1, L. 5121-12, L. 5121-13 et L. 5121-14-1 (...) sont limités, dans les conditions propres à ces médicaments fixées par le décret mentionné à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, aux produits agréés dont la liste est établie par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale (...) " ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 5123-3 du même code et L. 161-37 du code de la sécurité sociale que l'inscription sur cette liste est prononcée après avis de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé ; que, sur le fondement de ces dispositions, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ont, par un arrêté du 20 janvier 2014, dont la société Nordic Pharma et la société Exelgyn demandent l'annulation pour excès de pouvoir dans cette mesure, inscrit sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités et divers services publics, après avis de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé, les spécialités pharmaceutiques Miffee 200 mg ;
Sur l'intervention de la société Linepharma France :
2. Considérant que la société Linepharma France justifie d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
3. Considérant que la circonstance que l'avis de la commission de la transparence relatif à la spécialité Miffee 200 mg adopté lors de sa séance du 16 octobre 2013 a fait l'objet, avant sa communication à l'entreprise qui exploite le médicament conformément aux dispositions du III de l'article R. 163-16 du code de la sécurité sociale, d'une rectification mineure, destinée à assurer sa parfaite conformité avec l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité et n'affectant ni son sens ni sa portée, en particulier en ce qui concerne les appréciations portées sur le service médical rendu et l'amélioration du service médical rendu par cette spécialité, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure au terme de laquelle l'arrêté attaqué a été pris ;
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :
4. Considérant, en premier lieu, que, pour contester la légalité interne de l'arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale du 20 janvier 2014, les sociétés Nordic Pharma et Exelgyn soutiennent que l'avis de la commission de la transparence du 16 octobre 2013, d'une part, serait contraire aux recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de santé relatives à l'interruption volontaire de grossesse par méthode médicamenteuse et, d'autre part, reposerait sur des faits erronés ; que, toutefois, cet avis ne liait pas les ministres, auteurs de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi de telles circonstances, à les supposer établies, sont par elles-mêmes sans incidence sur le bien-fondé de l'arrêté pris au vu de cet avis ; que les moyens soulevés ne peuvent, dès lors, qu'être écartés ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions des articles R. 163-3 et R. 163-18 du code de la sécurité sociale que les médicaments sont inscrits sur la liste mentionnée au point 1 au vu de l'appréciation du service médical rendu qu'ils apportent indication par indication, que cette appréciation prend en compte l'efficacité et les effets indésirables du médicament, sa place dans la stratégie thérapeutique, notamment au regard des autres thérapies disponibles, la gravité de l'affection à laquelle il est destiné, le caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement médicamenteux et son intérêt pour la santé publique et que les médicaments dont le service médical rendu est insuffisant au regard des autres médicaments ou thérapies disponibles ne sont pas inscrits sur la liste ;
6. Considérant qu'il est constant que la spécialité inscrite par l'arrêté attaqué sur la liste mentionnée au point 1 a fait l'objet, antérieurement à la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché, d'une modification de sa dénomination destinée à la distinguer de la spécialité Mifégyne, dont elle ne constitue pas une spécialité générique bien qu'elle en partage le même principe actif ; qu'en outre, les résumés des caractéristiques du produit relatifs aux deux spécialités, tout en mentionnant l'indication commune à Miffee et à Mifégyne, font état des indications thérapeutiques, des posologies et des modes d'administration propres à chacune d'entre elles et, en particulier, de l'association exclusive de la spécialité Miffee au géméprost ; que, dans ces conditions, si les sociétés requérantes soutiennent que l'arrêté attaqué a pour effet de créer un risque de confusion entre les deux spécialités, il ne ressort pas des pièces du dossier que les ministres auteurs de l'arrêté attaqué auraient, en tout état de cause et alors même que des publications ou lettres professionnelles opèreraient une telle confusion, commis une erreur manifeste d'appréciation en procédant à l'inscription litigieuse ;
7. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que la société titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité Miffee aurait, antérieurement à l'intervention de l'arrêté attaqué, soumissionné à des appels d'offres en vue de l'approvisionnement de centres hospitaliers est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de cet arrêté ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de la société Nordic Pharma et de la société Exelgyn doit être rejetée ;
Sur les conclusions présentées par la société Linepharma France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que la société Linepharma France, intervenante en défense, est titulaire de l'autorisation de mise sur le marché des spécialités pharmaceutiques inscrites par l'arrêté attaqué sur la liste mentionnée au point 1 ; qu'elle aurait eu, par suite, qualité pour former tierce opposition à la présente décision si celle-ci avait fait droit à la requête et si elle n'avait pas été présente à l'instance ; qu'elle doit donc être regardée comme une partie pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Nordic Pharma et de la société Exelgyn une somme de 1 500 euros chacune à son profit sur le fondement des dispositions de cet article ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de la société Linepharma France est admise.
Article 2 : La requête de la société Nordic Pharma et de la société Exelgyn est rejetée.
Article 3 : La société Nordic Pharma et la société Exelgyn verseront chacune à la société Linepharma France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Nordic Pharma, à la société Exelgyn, à la société Linepharma France, au ministre des finances et des comptes publics et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Copie en sera adressée à la Haute Autorité de santé.