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21/09/2015 | FRANCE | N°375016

France | France, Conseil d'État, 4ème / 5ème ssr, 21 septembre 2015, 375016


Vu la procédure suivante :

Le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime a porté plainte devant la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins de Haute-Normandie contre Mme B...A.... Par une décision n° 15/2011 du 6 avril 2012, la chambre disciplinaire a infligé à Mme A...la peine de l'interdiction d'exercer la médecine pendant trois ans.

Par une décision n° 11636 du 6 décembre 2013, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a rejeté l'appel formé par Mme A...contre cette décision et décidé que la

sanction serait exécutée entre le 1er mars 2014 et le 28 février 2017.

Par un...

Vu la procédure suivante :

Le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime a porté plainte devant la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins de Haute-Normandie contre Mme B...A.... Par une décision n° 15/2011 du 6 avril 2012, la chambre disciplinaire a infligé à Mme A...la peine de l'interdiction d'exercer la médecine pendant trois ans.

Par une décision n° 11636 du 6 décembre 2013, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a rejeté l'appel formé par Mme A...contre cette décision et décidé que la sanction serait exécutée entre le 1er mars 2014 et le 28 février 2017.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 29 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benjamin de Maillard, auditeur,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de Mme A...et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime et du Conseil national de l'ordre des médecins ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeA..., médecin ophtalmologiste, a fait l'objet d'une plainte disciplinaire par le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime pour des faits qui se sont déroulés au cours de l'année 1982, antérieurement à son inscription au tableau de l'ordre des médecins ; qu'elle se pourvoit en cassation contre la décision du 6 décembre 2013 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a rejeté son appel dirigé contre la décision de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins de Haute-Normandie du 6 avril 2012 lui infligeant la sanction d'interdiction d'exercer la médecine pendant trois ans ;

2. Considérant que la circonstance que des faits reprochés à un médecin sont antérieurs à son inscription à un tableau de l'ordre ne fait pas obstacle à ce que les juridictions disciplinaires de l'ordre puissent apprécier si ceux de ces faits qui n'étaient pas connus lors de l'inscription de l'intéressé sont, par leur nature, incompatibles avec son maintien dans l'ordre et prononcer, si tel est le cas, la radiation du tableau de l'ordre ; que les juridictions disciplinaires n'ont toutefois pas compétence, dans ce cas, pour prononcer une sanction autre que la radiation ;

3. Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les faits à raison desquels Mme A...a fait l'objet d'une poursuite disciplinaire ont été commis par l'intéressée antérieurement à son inscription au tableau de l'ordre des médecins ; qu'il en résulte que la chambre disciplinaire de première instance n'avait pas compétence pour prononcer à son encontre d'autre sanction que celle de la radiation du tableau, entraînant une interdiction définitive d'exercer ; qu'ainsi, en ne retenant pas le moyen tiré de l'incompétence de cette juridiction pour prononcer une sanction d'interdiction d'exercice de trois ans, la chambre disciplinaire nationale a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, sa décision doit être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins de Haute-Normandie n'avait pas compétence pour prononcer à l'encontre de Mme A...une autre sanction que celle de la radiation du tableau ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, sa décision doit être annulée ;

6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la plainte présentée par le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime ;

7. Considérant que si le juge disciplinaire n'a, en l'espèce, pas compétence pour prononcer d'autre sanction que celle de la radiation définitive du tableau, il résulte des principes généraux du droit disciplinaire qu'une sanction infligée en première instance par une juridiction disciplinaire ne peut être aggravée par le juge d'appel saisi du seul recours de la personne frappée par la sanction ; que cette règle s'applique y compris dans le cas où le juge d'appel, après avoir annulé la décision de première instance, se prononce par voie d'évocation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, la décision de la chambre disciplinaire de première instance n'ayant en l'espèce fait l'objet que de l'appel de Mme A..., la sanction de radiation ne saurait être prononcée sans méconnaître le principe rappelé au point 7 ; que, par suite, la plainte du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime ne peut qu'être rejetée ;

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 6 décembre 2013 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins et la décision du 6 avril 2012 de la chambre disciplinaire de première instance de Haute-Normandie sont annulées.

Article 2 : La plainte du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A...est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A..., au Conseil national de l'ordre des médecins et au conseil départemental de l'ordre des médecins de la Seine-Maritime.


Synthèse
Formation : 4ème / 5ème ssr
Numéro d'arrêt : 375016
Date de la décision : 21/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - POUVOIRS DU JUGE DISCIPLINAIRE - INTERDICTION DE LA REFORMATIO IN PEJUS [RJ1] - CAS OÙ LA PEINE PRONONCÉE EN PREMIÈRE INSTANCE N'EXISTE PAS - CONSÉQUENCE - OBLIGATION POUR LE JUGE D'APPEL - APRÈS ANNULATION DU JUGEMENT - DE REJETER LA PLAINTE.

54-07-06 Cas où un juge disciplinaire, se prononçant sur des faits antérieurs à l'inscription au tableau [RJ2], ne peut prononcer que la sanction de la radiation du tableau de l'ordre professionnel et où le juge disciplinaire de première instance a prononcé incompétemment une autre sanction. Saisi du seul appel de la personne sanctionnée, le juge d'appel annule cette décision et, par voie d'évocation, ne peut que rejeter la plainte dès lors qu'il résulte des principes généraux du droit disciplinaire qu'une sanction infligée en première instance par une juridiction disciplinaire ne peut être aggravée par le juge d'appel saisi du seul recours de la personne sanctionnée, y compris lorsqu'il se prononce par voie d'évocation.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS ORDINALES - POUVOIRS DU JUGE DISCIPLINAIRE - INTERDICTION DE LA REFORMATIO IN PEJUS [RJ1] - CAS OÙ LA PEINE PRONONCÉE EN PREMIÈRE INSTANCE N'EXISTE PAS - CONSÉQUENCE - OBLIGATION POUR LE JUGE D'APPEL DE REJETER LA PLAINTE.

55-04-01-03 Cas où un juge disciplinaire, se prononçant sur des faits antérieurs à l'inscription au tableau [RJ2], ne peut prononcer que la sanction de la radiation du tableau de l'ordre professionnel et où le juge disciplinaire de première instance a prononcé incompétemment une autre sanction. Saisi du seul appel de la personne sanctionnée, le juge d'appel annule cette décision et, par voie d'évocation, ne peut que rejeter la plainte dès lors qu'il résulte des principes généraux du droit disciplinaire qu'une sanction infligée en première instance par une juridiction disciplinaire ne peut être aggravée par le juge d'appel saisi du seul recours de la personne sanctionnée, y compris lorsqu'il se prononce par voie d'évocation.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 17 juillet 2013, M.,, n° 362481, p. 223. Comp. CE, 14 septembre 2015, M.,, n°385534, à mentionner aux Tables.,,

[RJ2]

Cf. CE, 23 mars 1990, M.,, n° 90095, p. 75.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 sep. 2015, n° 375016
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Benjamin de Maillard
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:375016.20150921
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