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04/09/2015 | FRANCE | N°392942

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 04 septembre 2015, 392942


Vu la procédure suivante :

Mme F... D...E..., agissant au nom de son enfant mineur B...D..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer le passeport de son enfant sans délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance à venir. Par une ordonnance n° 1503741 du 10 août 2015, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25

et 31 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... E...de...

Vu la procédure suivante :

Mme F... D...E..., agissant au nom de son enfant mineur B...D..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer le passeport de son enfant sans délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance à venir. Par une ordonnance n° 1503741 du 10 août 2015, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 et 31 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... E...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ou, à défaut, d'enjoindre au préfet du Finistère de réexaminer sa demande de passeport dans un délai de huit jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que, d'une part, la durée d'instruction d'un an de sa demande de passeport est excessive et crée par elle-même une situation d'urgence et que, d'autre part, l'absence de délivrance d'un passeport à son fils l'empêche de réaliser un voyage d'études au Congo indispensable à l'aboutissement de sa thèse universitaire ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir ainsi qu'à celle de son fils dès lors qu'il ne peut se rendre au Congo avec elle et que l'élevant seule, elle se trouve contrainte de demeurer en France ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au respect de sa vie privée et familiale dans la mesure où l'absence de suite donnée à la demande de passeport l'oblige à se séparer de son enfant pendant trois mois si elle décide d'entreprendre un voyage au Congo ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à l'intérêt supérieur de l'enfant dans la mesure où l'absence de suite donnée à sa demande de passeport empêche son fils de voyager à l'étranger avec elle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme D... E...en sa qualité de représentante légale de M. D...et, d'autre part, le ministre de l'intérieur ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 31 août 2015 à 14 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Frogier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, avocat de M. D... ;

- Mme D...E... ;

- la représentante du ministre de l'intérieur ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme D... E...en sa qualité de représentante légale de M. D...et, d'autre part, le ministre de l'intérieur ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au 3 septembre 2015 à 12 heures ;

Vu le mémoire et les pièces, enregistrés les 2 et 3 septembre 2015, produits par MmeD... ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 septembre 2015, présenté par le ministre de ministre de l'intérieur ;

Vu :

- le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 ;

- le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction ainsi que des éléments recueillis au cours de l'audience publique, que Mme D...E..., ressortissante congolaise, titulaire d'une carte de séjour en qualité d'étudiant, a sollicité, en septembre 2014, la délivrance d'une carte nationale d'identité et d'un passeport français pour son fils B...D..., né le 23 août 2014, qui a été l'objet d'une reconnaissance de paternité faite par M. A...M'C..., de nationalité française ; que, le 2 décembre 2014, une carte nationale d'identité a été délivrée, sur le fondement de cette reconnaissance, au jeuneB... ; qu'en l'absence de suite donnée à sa demande de passeport, Mme D...E...a saisi, à deux reprises, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Finistère de délivrer le passeport de son enfant sans délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; que le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande, après avoir relevé l'absence de situation d'urgence, une première fois, par une ordonnance du 4 août 2015 puis, une seconde fois, par une ordonnance du 10 août 2015, dont Mme D... E...relève appel ;

3. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fixe, à peine d'illégalité de l'éventuelle décision implicite de rejet, de délai pour la délivrance ou le renouvellement d'une carte nationale d'identité ou d'un passeport ; que, toutefois, l'administration saisie d'une telle demande doit se prononcer dans un délai raisonnable, qu'il appartient le cas échéant au juge d'apprécier en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des doutes existant sur l'identité ou la nationalité du demandeur ;

4. Considérant que, contrairement à ce qu'a relevé le premier juge dans l'ordonnance attaquée, il résulte de l'instruction, d'une part, que la validation de l'inscription de Mme D...E..., doctorante en troisième année à l'Université de Bretagne Occidentale, en quatrième année est subordonnée à la réalisation, à bref délai, d'un voyage d'études au Congo d'une durée de trois mois lui permettant de prolonger les recherches théoriques qu'elle a effectuées sur les " nouveaux montages en microfinance et perspectives de développement agricole au Congo Brazaville " et, d'autre part, qu'élevant seule son fils d'un an, elle ne peut entreprendre ce voyage qu'à la condition que ce dernier l'accompagne au Congo ; qu'il suit de là que Mme D...E...est fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés a relevé, par les motifs qu'il a retenus, l'absence d'une situation d'urgence ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que si Mme D...E..., qui était informée de la nécessité d'organiser un voyage de trois mois au Congo depuis la rentrée universitaire 2014, a déposé une demande de passeport français au nom de son fils dès le mois de septembre 2014, elle a été avisée, le 11 février 2015, à l'occasion de son audition par les services de police, de ce que la préfecture du Finistère suspectait une fraude à l'état-civil ; que, par courrier en date du 8 juillet 2015, le préfet du Finistère a confirmé à l'intéressée que sa demande de passeport faisait l'objet, pour ce motif, d'une instruction approfondie ; qu'alors même que son fils, qui possède également la nationalité congolaise, pouvait l'accompagner au Congo sous couvert d'un document de voyage délivré par les autorités congolaises, qu'il s'agisse d'un passeport ou d'un laissez-passer consulaire, Mme D...E...n'a formellement déposé de demande de passeport pour son fils auprès de l'ambassade du Congo en France que le 24 août 2015 ; que, dans ces conditions et dès lors que la possibilité de se rendre au Congo en compagnie de son fils n'est pas nécessairement subordonnée à l'obtention d'un passeport français, les faits litigieux ne sont pas constitutifs d'une situation d'urgence caractérisée de nature à justifier l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...E...n'est pas fondée à se plaindre de ce que le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a, par l'ordonnance attaquée, rejeté la demande qu'elle lui avait présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que doivent, par voie de conséquence, être rejetées ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme D...E...est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme F...D...E...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 392942
Date de la décision : 04/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 04 sep. 2015, n° 392942
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:392942.20150904
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