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03/09/2015 | FRANCE | N°392691

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 03 septembre 2015, 392691


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 et 31 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale de l'enseignement privé (FNEP) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 16 juin 2015 de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supÃ

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Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 et 31 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale de l'enseignement privé (FNEP) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 16 juin 2015 de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche relatif à l'admission dans les instituts préparant au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir ;

- la condition d'urgence est remplie, dès lors que l'exécution de l'arrêté a des conséquences graves et immédiates sur la situation économique des établissements d'enseignement privé qui dispensent une préparation aux épreuves d'admission à la première année d'études préparatoires au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute et sur celle des instituts de formation en masso-kinésithérapie ;

- les ministres signataires de l'arrêté n'avaient pas compétence pour restreindre par voie réglementaire la liberté d'enseignement des établissements privés ;

- l'arrêté contesté méconnaît la liberté de l'enseignement privé, dès lors qu'il prive les établissements d'enseignement privé qui dispensent une préparation aux épreuves d'admission dans les instituts de formation en masso-kinésithérapie d'exercer leur activité et qu'il conditionne l'activité d'enseignement de ces instituts à la passation d'une convention avec les universités ;

- l'arrêté méconnaît la liberté d'entreprendre, en privant de nombreux établissements d'enseignement privé de leur unique activité et en plaçant les instituts de formation en masso-kinésithérapie sous la tutelle des universités avec lesquelles ils doivent conclure une convention fixant le nombre d'étudiants par promotion ;

- l'arrêté méconnaît le principe de sécurité juridique, dès lors qu'il ne règle pas la question des instituts de formation en cours de création, qu'il ne comporte aucune disposition transitoire pour l'année universitaire 2015-2016, que sa formulation est imprécise et qu'il n'énonce aucune obligation en matière de quotas réservés aux redoublants et aux étudiants atteints d'un handicap ;

- l'arrêté méconnaît le principe communautaire de libre concurrence, dès lors, d'une part, qu'il instaure un monopole des universités sur le marché de l'enseignement supérieur préparant à l'admission à la première année d'études préparatoires au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute et évince les établissements privés de ce marché et, d'autre part, qu'il instaure un contrôle de l'Etat sur les instituts de formation en masso-kinésithérapie en conditionnant leur activité d'enseignement à la passation d'une convention avec les universités ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il privilégie les étudiants résidant à proximité d'un pôle universitaire et porte une atteinte disproportionnée au principe d'égal accès au savoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2015, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2015, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui s'associe aux moyens développés par la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 23 décembre 1987 modifié relatif à l'admission dans les écoles préparant aux diplômes d'Etat d'ergothérapeute, de laborantin d'analyses médicales, de manipulateur d'électroradiologie médicale, de masseur-kinésithérapeute, de pédicure-podologue et de psychomotricien ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Fédération nationale de l'enseignement privé, d'autre part, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 31 août 2015 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Pinatel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération nationale de l'enseignement privé ;

- les représentants de la Fédération nationale de l'enseignement privé ;

- les représentants de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;

- le représentant de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;

3. Considérant que l'arrêté contesté réserve, à compter de l'année universitaire 2016-2017, l'admission en première année d'études préparatoires au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute, dans la limite des places autorisées, aux étudiants ayant validé la première année commune aux études de santé, la première année de licence en sciences mention " sciences et techniques des activités physiques et sportives " ou la première année de licence dans le domaine sciences, technologies, santé ; que l'article 4 de cet arrêté du 16 juin 2015 autorise toutefois, par dérogation, les treize instituts de formation en masso-kinésithérapie qui organisent des épreuves d'admission selon les modalités prévues par l'arrêté du 23 décembre 1987 susvisé à continuer d'organiser de telles épreuves au titre de la seule année universitaire 2016-2017 ; qu'en revanche, l'article 7 de l'arrêté du 16 juin 2015 abroge, à compter du 1er septembre 2017, les dispositions relatives à la formation en masso-kinésithérapie de l'arrêté du 23 décembre 1987 susvisé ;

4. Considérant que pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution de l'arrêté contesté, la Fédération nationale de l'enseignement privé soutient que son application emporte des conséquences graves et immédiates sur la situation économique des établissements qui assurent une préparation aux épreuves d'admission dans les instituts de formation en masso-kinésithérapie et sur celle de ces instituts ;

5. Considérant, d'une part, que la fédération requérante produit à l'appui de ses allégations quatorze réponses au questionnaire d'évaluation de l'impact de l'arrêté du 16 juin 2015 qu'elle avait adressé à ceux de ses membres qui assurent une préparation aux épreuves d'admission ; qu'il ressort toutefois de l'examen de ces documents que, s'ils indiquent le nombre d'étudiants inscrits au cours de l'année universitaire 2014-1015 au titre de la préparation aux épreuves d'admission précitées, d'ailleurs très minoritaire par rapport au nombre total d'étudiants accueillis pour la plupart des établissements concernés, ils ne comportent aucun élément chiffré sur l'impact de l'arrêté contesté sur les inscriptions ou sur la situation financière de ces établissements au cours de l'année 2015-2016 et se bornent à qualifier de " sensible " ou " très forte " la conséquence sur leur activité de la suppression de la préparation à compter de l'année 2016-2017 ; que, si la fédération requérante soutient également que les dispositions transitoires de l'arrêté contesté, en maintenant la possibilité d'organiser des épreuves d'admission dans treize instituts de formation au titre de la seule année universitaire 2016-2017, n'accordent pas aux établissements qui assurent la préparation à ces épreuves un délai suffisant pour assurer leur reconversion vers d'autres activités d'enseignement du secteur médico-social, en raison de la longueur des démarches administratives préalables à une telle reconversion, cette circonstance, à la supposer avérée, n'expose en tout état de cause les établissements dont la préparation représente une part prépondérante de l'activité à un risque de conséquences graves qu'à compter de la rentrée universitaire 2016-2017 ;

6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 5 de l'arrêté contesté, les instituts de formation en masso-kinésithérapie qui n'auront pas signé une convention avec une ou plusieurs universités avant le 31 décembre 2015 pour préciser les modalités retenues pour sélectionner les étudiants issus des trois filières universitaires, ne seront pas autorisés à accueillir une nouvelle promotion d'étudiants à compter de l'année universitaire 2017-2018 ; que s'il a été soutenu à l'audience que certains instituts de formation, notamment ceux qui organisent des épreuves d'admission selon les modalités prévues par l'arrêté du 23 décembre 1987, seront dans l'impossibilité de conclure une telle convention dans le délai imparti, cette circonstance, qui a été contestée par les représentants des ministres défendeurs, n'est en tout état de cause susceptible de faire obstacle à la poursuite de l'activité d'enseignement des instituts concernés qu'à compter de l'année universitaire 2017-2018 ;

7. Considérant que la fédération requérante soutient que l'arrêté contesté crée une incertitude préjudiciable aux instituts de formation en masso-kinésithérapie et aux établissements de préparation, en les empêchant de promouvoir leur offre de formation à l'occasion des salons étudiants qui se dérouleront de janvier à mars 2016, ce qui entraînera une réduction significative du nombre des inscriptions ; que, toutefois, ainsi qu'il a été exposé à l'audience, les inscriptions en cause se prennent à compter du printemps 2016 ; qu'en tout état de cause, cette incertitude ne saurait être levée, ni ses effets allégués prévenus, par la suspension demandée mais seulement par la décision qui sera rendue par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sur les requêtes à fin d'annulation qui ont été présentées contre l'arrêté du 16 juin 2015 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté contesté, la requête de la Fédération nationale de l'enseignement privé doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la Fédération nationale de l'enseignement privé est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Fédération nationale de l'enseignement privé, à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 392691
Date de la décision : 03/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 sep. 2015, n° 392691
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:392691.20150903
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