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27/07/2015 | FRANCE | N°383404

France | France, Conseil d'État, 10ème ssjs, 27 juillet 2015, 383404


Vu la procédure suivante :

M. K...B...A...a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 pour l'élection des conseillers municipaux de la commune associée de Nunue à Bora-Bora, en Polynésie française.

Par l'article 1er du jugement n° 1400205 du 3 juillet 2014, le tribunal administratif de la Polynésie française a fait partiellement droit à sa protestation, en annulant l'attribution d'un treizième siège à la liste conduite par M. L...F...E...et, par suite, l'électi

on de M. J...H...en qualité de conseiller municipal. Par l'article 2 de son juge...

Vu la procédure suivante :

M. K...B...A...a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 pour l'élection des conseillers municipaux de la commune associée de Nunue à Bora-Bora, en Polynésie française.

Par l'article 1er du jugement n° 1400205 du 3 juillet 2014, le tribunal administratif de la Polynésie française a fait partiellement droit à sa protestation, en annulant l'attribution d'un treizième siège à la liste conduite par M. L...F...E...et, par suite, l'élection de M. J...H...en qualité de conseiller municipal. Par l'article 2 de son jugement, il a rejeté le surplus des conclusions de cette protestation.

1° Sous le n° 383404, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 août et 4 septembre 2014 et le 19 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, MM. L...F...E...et M. J...H...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement n° 1400205 du 3 juillet 2014 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de rejeter le surplus de la protestation de M. B...A...;

3°) de mettre à la charge de M. B...A...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 384157, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 septembre 2014 et 19 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. K...B...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le même jugement du 3 juillet 2014, en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa protestation ;

2°) d'annuler l'ensemble des opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 dans la commune associée de Nunue ;

3°) de procéder à la vérification des procurations ;

4°) de déclarer M. L...F...E...inéligible sur le fondement de l'article L. 118-4 du code électoral ;

5°) de mettre à la charge de M. F...E...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Godet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. F...E...et de M. H...et à la SCP Boulloche, avocat de M. B...A...;

1. Considérant que les requêtes de MM. L...F...E...et J...H...d'une part, et de M. K...B...A...d'autre part, se rapportent aux mêmes opérations électorales ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 pour la désignation des conseillers municipaux de la commune associée de Nunue (section 3 de la commune de Bora-Bora, Polynésie française), au second tour du scrutin, la liste conduite par M. L...F...E...a obtenu 1 783 voix, soit 56,01 % des suffrages exprimés et 13 sièges de conseiller municipal, celle conduite par M. K...B...A..., 971 voix, soit 30,50 % des suffrages exprimés et 2 sièges, et la liste conduite par M. M...H...-N..., 420 voix, soit 13,47 % des suffrages exprimés et 1 siège ; que, par un jugement du 3 juillet 2014, le tribunal administratif de la Polynésie française a fait droit partiellement à la protestation de M. B... A...tendant à l'annulation de ces opérations électorales, en annulant, par l'article 1er de son jugement, l'attribution d'un treizième siège à la liste conduite par M. F...E...et, par voie de conséquence, l'élection de M. H...; que MM. F...E...et H...demandent l'annulation de l'article 1er de ce jugement ; que M. B...A...demande l'annulation du jugement en tant que, par son article 2, il a rejeté le surplus de sa protestation ;

Sur la recevabilité de la protestation de M. B...A...:

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 119 du code électoral : " Les réclamations contre les opérations électorales doivent être (...) déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection " ; que l'article R. 265 du même code rend cette disposition applicable à l'élection des membres des conseils municipaux en Polynésie française, en portant le délai de recours contre l'élection à quinze jours ;

4. Considérant que les opérations du premier tour de scrutin, qui ont eu lieu le 23 mars 2014, n'ont abouti à la proclamation d'aucun candidat ; que la protestation de M. B...A..., enregistrée au greffe du tribunal administratif de Polynésie française le 8 avril 2014, ne concluait à la proclamation d'aucun candidat à l'issue du premier tour ; que, même si elle était fondée sur des griefs relatifs au premier tour, elle tendait à l'annulation des résultats du second tour de scrutin qui s'est déroulé le 30 mars 2014 ; que, par suite, elle a été déposée dans le délai de recours de quinze jours résultant des dispositions combinées des articles R. 119 et R. 265 du code électoral ;

Sur la requête de M. B...A...:

En ce qui concerne la régularité du jugement :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 225-1 du code justice administrative : " Le tribunal administratif de la Polynésie française peut valablement délibérer en se complétant, en cas d'absence ou d'empêchement d'un de ses membres, par l'adjonction d'un magistrat de l'ordre judiciaire " ; que l'article R. 225-1 du même code précise que le magistrat de l'ordre judiciaire appelé à faire partie du tribunal administratif de la Polynésie française est choisi parmi les magistrats en fonction dans le ressort ; qu'il résulte de ces dispositions que la présence d'un magistrat de l'ordre judiciaire en poste dans le ressort du tribunal administratif doit être justifiée par l'absence ou l'empêchement des membres du tribunal administratif ;

6. Considérant qu'il résulte des visas du jugement attaqué que Mme G...s'est abstenue de siéger en application de l'article R. 721-1 du code de justice administrative, qu'ont participé au délibéré M. Tallec, président du tribunal administratif de la Polynésie française, M. Thibault-Laurent, président de chambre de la cour d'appel de Papeete et M. Reymond-Kellal, conseiller-rapporteur, et que les conclusions ont été prononcées par M. C... ;

7. Considérant qu'il résulte de l'arrêté du 14 février 2013 fixant le nombre de chambres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et des arrêtés du garde des Sceaux, ministre de la justice, des arrêtés des 23 juillet 2013, 26 novembre 2007, 22 janvier 1997 et 1er septembre 2013 affectant au tribunal administratif de Polynésie française respectivement M. Tallec, M.C..., Mme G...et M. Reymond-Kellal, ainsi que de l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat du 29 janvier 2010 portant désignation de M. C...en qualité de rapporteur public, qu'à la date de l'audience ce tribunal administratif était composé de quatre magistrats ; que, l'un d'entre eux s'étant déporté, le tribunal administratif ne pouvait valablement délibérer qu'en complétant la formation de jugement par l'adjonction d'un magistrat de l'ordre judiciaire ; que, dès lors, la seule mention dans les visas du jugement attaqué de l'empêchement de Mme G...suffisait, en l'espèce, à attester de la régularité de la composition de la formation de jugement ; que, par suite, ne peut qu'être écarté le moyen soulevé par M. B...A..., tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité, faute qu'il résulte de ses mentions que des membres susceptibles de faire partie de la formation de jugements étaient, à la date de celui-ci, absents ou empêchés ;

8. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions combinées de l'article R. 773-1 du code de justice administrative et des articles R. 119 et R. 120 du code électoral que, par dérogation aux dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs ne sont pas tenus d'ordonner la communication aux auteurs des protestations des mémoires en défense des conseillers municipaux dont l'élection est contestée, ni des autres mémoires ultérieurement enregistrés et qu'il appartient seulement aux parties, si elles le jugent utile, de prendre connaissance de ces défenses et mémoires ultérieurs au greffe du tribunal administratif ; que, par suite, n'est pas fondé le moyen tiré de ce que le principe du contradictoire aurait été méconnu, faute pour M. B...A...d'avoir reçu communication de plusieurs mémoires en défense ;

En ce qui concerne les opérations électorales :

9. Considérant, en premier lieu, que M. B...A...fait grief à M. F...E..., maire sortant candidat à sa réélection, d'avoir mis gracieusement à la disposition du public, pendant la campagne électorale, en divers lieux de l'île de Bora Bora, environ 2 000 exemplaires d'une brochure éditée pour le 25e congrès des communes de Polynésie française tenu en août 2013, intitulée " Bora Bora - Une commune en action engagée dans la voie du développement durable - construisons notre avenir ensemble ! " et d'avoir ainsi méconnu les dispositions des articles L. 52-1 et L. 240 du code électoral qui prohibent les campagnes de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion de la commune ainsi que l'impression et l'utilisation de professions de foi ou de circulaires de propagande en dehors des conditions fixées par ce code ; que, d'une part, eu égard à sa présentation et à son contenu, qui se limite à une énumération, en des termes mesurés, des principales actions entreprises par la municipalité ces vingt dernières années, sans polémique électorale, cette brochure ne peut être regardée comme une campagne de promotion publicitaire au sens de l'article L. 52-1 du code électoral ; que d'ailleurs, eu égard à l'absence de précisions sur les conditions dans lesquelles elle serait intervenue, la diffusion de cette brochure n'aurait pas été de nature à altérer la sincérité du scrutin ; que, d'autre part, la diffusion d'une telle brochure n'est pas, par elle-même, contraire à l'article L. 240 du même code, qui ne régit que la campagne officielle ; que, par suite, le grief invoqué ne peut être qu'écarté ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la radio associative Bora Bora, subventionnée par la commune, a tenu dans le cadre de son émission " Tara Veri ", diffusée deux fois par jour en polynésien, les 4, 5 et 6 février 2014, des propos injurieux à l'encontre de M. B...A...et à l'inverse élogieux à l'égard du maire sortant ; que, si cet abus de propagande, pour regrettable qu'il soit, a rompu l'équité de traitement qui s'impose aux médias en période électorale, il ne résulte pas de l'instruction qu'il ait été de nature à altérer la sincérité du scrutin, faute d'élément permettant d'apprécier l'audience de ces émissions et eu égard à la circonstance que M. B...A...a été invité à faire usage de son droit de réponse par une lettre du 12 février 2014 du président de l'association Bora Bora ;

11. Considérant, en dernier lieu, que les autres griefs présentés par M. B...A...et qui n'ont pas le caractère d'ordre public sont nouveaux en appel et doivent, comme il est soutenu en défense, être écartés ; qu'il en est de même des conclusions tendant à la vérification des procurations présentées pour la première fois par M. B...A...devant le Conseil d'Etat ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, à l'article 2 de son jugement, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation de l'ensemble des opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars pour la désignation des conseillers municipaux de la commune associée de Nunue ni, par voie de conséquence, le prononcé de l'inéligibilité de M. F...E...sur le fondement de l'article L. 118-4 du code électoral ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

Sur la requête de MM. F...E...et H...:

13. Considérant que, pour annuler l'élection de M.H..., treizième candidat élu sur la liste conduite par M. F...E..., le tribunal administratif de la Polynésie française s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral prohibant les campagnes de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une commune ; que, comme il a été dit ci-dessus, le document en litige ne constitue pas une campagne de promotion publicitaire au sens de ces dispositions ; que, par suite, il y a lieu d'annuler l'article 1er du jugement attaqué et, par l'effet dévolutif de l'appel et compte tenu du rejet de la requête de M. B...A..., de valider l'élection de M. H...;

14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par MM. F...E...et H...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 1er du jugement du 3 juillet 2014 du tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.

Article 2 : L'élection de M. J...H...en qualité de conseiller municipal de la commune associée de Nunue est validée.

Article 3 : La requête de M. B...A...est rejetée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de MM. F...E...et H...est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. L...F...E..., à M. J...H..., à M. K...B...A..., à M. D...I...et à la ministre des outre-mer.


Synthèse
Formation : 10ème ssjs
Numéro d'arrêt : 383404
Date de la décision : 27/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2015, n° 383404
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Romain Godet
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET ; SCP BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:383404.20150727
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