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27/07/2015 | FRANCE | N°372747

France | France, Conseil d'État, 6ème ssjs, 27 juillet 2015, 372747


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 octobre 2013, 10 janvier 2014 et 20 mars 2015, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la délibération du 20 juin 2013 par laquelle le jury de l'examen de classement des candidats aux fonctions de magistrat du premier et du second grades l'a déclarée inapte à l'exercice des fonctions judiciaires, d'autre part, la décision du 9 août 2013 par la

quelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté son recours hié...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 octobre 2013, 10 janvier 2014 et 20 mars 2015, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la délibération du 20 juin 2013 par laquelle le jury de l'examen de classement des candidats aux fonctions de magistrat du premier et du second grades l'a déclarée inapte à l'exercice des fonctions judiciaires, d'autre part, la décision du 9 août 2013 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté son recours hiérarchique contre cette délibération ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de lui assurer la formation prévue par l'article 21-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, de statuer à nouveau sur sa demande et d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros, correspondant à la contribution pour l'aide juridique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'organisation judiciaire ;

- l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 ;

- le décret n° 2001-1099 du 22 novembre 2001 ;

- le décret n° 2008-483 du 22 mai 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Clémence Olsina, auditeur,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 20 juin 2013, le jury de l'examen de classement des candidats aux fonctions de magistrat du premier et du second grades a déclaré Mme A...C...inapte à l'exercice des fonctions judiciaires ; que par un courrier du 9 août 2013, l'adjoint au directeur des services judiciaires a rejeté le recours gracieux de Mme C... dirigé contre cette décision ; que celle-ci demande l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décisions ;

Sur la délibération du jury du 20 juin 2013 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Deux concours sont ouverts pour le recrutement de magistrats du second et du premier grade de la hiérarchie judiciaire. / (attachés en cette qualité à la juridiction à laquelle ils appartiennent) / Les candidats admis suivent une formation probatoire organisée par l'Ecole nationale de la magistrature comportant un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l'article 19. Ils sont rémunérés pendant cette formation. / (attachés en cette qualité à la juridiction à laquelle ils appartiennent) / Le directeur de l'Ecole nationale de la magistrature établit, sous la forme d'un rapport, le bilan de la formation probatoire de chaque candidat et adresse celui-ci au jury prévu à l'article 21. / Après un entretien avec le candidat, le jury se prononce sur son aptitude à exercer les fonctions judiciaires. / Les candidats déclarés aptes à exercer les fonctions judiciaires suivent une formation complémentaire jusqu'à leur nomination, dans les formes prévues à l'article 28, aux emplois pour lesquels ils ont été recrutés. Les dispositions de l'article 27-1 ne sont pas applicables. " ; qu'aux termes de l'article 5 du décret du 22 novembre 2001 relatif aux modalités du recrutement de magistrats prévu par l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Les candidats déclarés admis par le jury sont nommés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, en qualité de stagiaires auprès de l'Ecole nationale de la magistrature. / Ils suivent une formation probatoire d'une durée de cinq mois. Elle comporte une formation d'un mois dispensée à l'Ecole nationale de la magistrature et un stage en juridiction d'une durée de quatre mois. / Le directeur de l'Ecole nationale de la magistrature établit le bilan de la formation probatoire de chaque candidat qu'il adresse au jury prévu à l'article 21 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée dans le délai d'un mois suivant la date de fin de stage. / La décision de déclarer un candidat inapte à exercer les fonctions judiciaires est portée à la connaissance de l'intéressé, au cours d'un entretien individuel avec le président ou un membre du jury désigné par lui. (...) "

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que si M. B..., directeur adjoint de l'Ecole nationale de la magistrature, a reçu, par arrêté du 20 février 2012 du directeur de l'Ecole, délégation pour signer les avis relatifs à l'aptitude des auditeurs de justice, ni cet arrêté, ni aucun autre texte, ne lui donnait délégation pour établir le bilan de la formation probatoire des candidats admis aux concours prévus à l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ; que, par suite, la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette irrégularité ait été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision du jury ni qu'elle ait privé l'intéressée d'une garantie ; que, dès lors, elle n'est pas de nature à entraîner l'annulation de la délibération attaquée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions citées au point 2 donnent compétence au jury pour se prononcer sur l'aptitude à exercer les fonctions judiciaires des candidats admis au concours de recrutement des magistrats du second et du premier grades et ne prévoient pas d'intervention de la commission d'avancement dans le cadre de cette procédure ; que si le dernier alinéa de l'article 49-1 du décret du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature prévoit que " le jury transmet à la commission prévue à l'article 34 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 (...) son avis sur l'aptitude de celui-ci à exercer les fonctions judiciaires ", ces dispositions doivent être regardées comme étant applicables à la seule procédure d'intégration directe dans la magistrature prévues par les articles 22 et 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 et non aux concours prévus par l'article 21-1 de la même ordonnance ; qu'est sans incidence sur ce point la circonstance que l'article 49-1 du décret du 4 mai 1972 soit inséré dans un chapitre intitulé " Stage en juridiction des candidats à l'intégration directe dans le corps judiciaire et des candidats admis aux concours prévus par l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 " ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en l'espèce, la commission d'avancement ne s'est pas vu transmettre par le jury la liste des candidats déclarés aptes à l'exercice des fonctions judiciaires, doit être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions citées au point 2 que la déclaration d'aptitude prononcée par le jury intervient à l'issue de la formation probatoire organisée par l'Ecole nationale de la magistrature, comportant un stage en juridiction ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce qu'en déclarant Mme C...inapte à l'exercice des fonctions judiciaires, le jury aurait incompétemment mis fin à sa formation probatoire, alors que seul le garde des sceaux était habilité à le faire, ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que certains membres du jury de l'examen de classement des candidats aux fonctions de magistrat du premier et du second grades auraient, en méconnaissance des dispositions de l'article 45 du décret du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature, été nommés plus de trois fois pour composer ce jury n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 78 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Les magistrats honoraires demeurent... " ; qu'aux termes de l'article 45 du décret du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature : " La déclaration d'aptitude et la liste de classement prévues à l'article 21 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée sont établies par un jury qui est ainsi composé : 1° Un magistrat hors hiérarchie à la Cour de cassation, président ; / (attachés en cette qualité à la juridiction à laquelle ils appartiennent) / 4° Trois magistrats de l'ordre judiciaire ; / (attachés en cette qualité à la juridiction à laquelle ils appartiennent) " ; qu'aux termes de l'article R. 111-5 du code de l'organisation judiciaire : " Lorsque la participation à une commission administrative ou à un jury de concours ou d'examen d'un magistrat en fonction dans les cours, les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance, est prévue par une disposition législative ou réglementaire, l'autorité chargée de sa désignation peut porter son choix sur un magistrat honoraire du même rang acceptant cette mission " ; que, par suite, contrairement à ce qui est soutenu, la nomination, comme présidente du jury, d'une conseillère honoraire à la Cour de cassation, et comme membre du jury, d'un substitut général honoraire, n'a pas méconnu les dispositions citées ci-dessus ;

8. Considérant, en sixième lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, aucune disposition ni aucun principe général du droit n'interdit à l'administration de désigner un magistrat du second grade du corps judiciaire comme maître de stage d'un candidat au recrutement aux fonctions de magistrat de premier grade ;

9. Considérant, en septième lieu, qu'en vertu de l'article 5 du décret du 22 novembre 2001 relatif aux modalités du recrutement de magistrats prévu par l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, cité au point 2, les candidats à cette voie d'intégration, une fois admis, suivent une formation probatoire d'une durée de cinq mois, qui comporte une formation d'un mois dispensée à l'Ecole nationale de la magistrature et un stage en juridiction d'une durée de quatre mois ; qu'eu égard aux conditions d'âge et d'expérience professionnelle fixées par l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 pour se porter candidat aux concours ouverts pour le recrutement de magistrats du second et du premier grades de la hiérarchie judiciaire, la durée de la formation probatoire fixée par ces dispositions n'est pas insuffisante ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 5 du décret du 22 novembre 2001, sur le fondement desquelles la délibération attaquée a été prise, seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation, doit être écartée ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la formation probatoire dont Mme C...a bénéficié s'est déroulée conformément aux dispositions citées au point 2 ; qu'en dépit des contraintes matérielles qu'elle souligne, et de la circonstance que, comme ce fut le cas pour les autres candidats, la durée de son stage en juridiction a été un peu inférieure aux quatre mois prévus par le décret du 22 novembre 2001, son stage lui a permis d'être évaluée sur ses capacités à exercer pour les fonctions auxquelles elle prétendait ; qu'en décidant, au vu notamment des appréciations et avis émanant des responsables chargés de l'encadrer, de l'écarter de l'accès aux fonctions judiciaires, le jury ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts et n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision de la garde des sceaux du 9 août 2013 :

11. Considérant que le jury prévu à l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ne peut, après avoir délibéré sur l'aptitude des candidats à exercer les fonctions judiciaires, se livrer à une nouvelle appréciation à la demande d'un candidat, sauf dans le cas où le recours du candidat vise à la réparation d'une erreur matérielle ou d'un vice de procédure ; que, par suite, le garde des sceaux, ministre de la justice, ne peut, sur le recours hiérarchique d'un candidat, ni se livrer lui-même à une nouvelle appréciation, ni demander au jury de le faire ; qu'il peut seulement transmettre au jury toute demande visant à rectifier une erreur matérielle ou à réparer un vice de procédure ; que, dès lors, le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas commis d'erreur de droit en se déclarant incompétent pour se prononcer sur le recours hiérarchique de MmeC..., qui ne portait ni sur la rectification d'une erreur matérielle, ni sur la réparation d'un vice de procédure, ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque ; que le surplus de ses conclusions ne peut, dès lors, qu'être rejeté ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A...C..., à l'Ecole nationale de la magistrature et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème ssjs
Numéro d'arrêt : 372747
Date de la décision : 27/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2015, n° 372747
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Clémence Olsina
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:372747.20150727
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