Vu la procédure suivante :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2004, du 1er janvier 2005 au 30 novembre 2006 et du 1er janvier 2007 au 30 novembre 2009. Par un jugement n°s 0703406, 1001069, 1001645 du 5 avril 2011, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 11BX01364 du 28 juin 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. A...contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 août et 28 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
- le décret n° 2011-32 du 7 janvier 2011 ;
- le décret n° 2011-1127 du 30 septembre 2011 ;
- l'arrêté du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Patrick Quinqueton, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de M. A...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., qui exerce l'activité de chiropracteur, a demandé la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément acquittés au titre des périodes du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2004, du 1er janvier 2005 au 30 novembre 2006 et du 1er janvier 2007 au 30 novembre 2009 ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 juin 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 5 avril 2013 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant cette demande ;
2. Considérant que la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que les copies de " fiches-patients " que M. A...produisait ne permettaient pas d'appréhender la nature des actes accomplis pendant la période en litige au motif qu'elles ne mentionnaient aucune date de consultation, et que, par suite, il n'établissait pas que ces actes pouvaient être regardés comme d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin ou un masseur kinésithérapeute pratiquant la chiropraxie, auraient été exonérés de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en statuant ainsi alors que les copies de " fiches-patients " mentionnaient les dates de consultation, la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ; que, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) " ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) " ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive, précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des Etats membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ;
5. Considérant toutefois que, conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalente à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa version applicable au présent litige : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret.. (...) / Les praticiens en exercice, à la date d'application de la présente loi, peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur s'ils satisfont à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. Ces conditions sont déterminées par décret. (...) / Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir. /(...) " ; que le décret du 7 janvier 2011 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de la chiropraxie n'a été publié que les 9 janvier 2011 et le décret du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation, ainsi que l'arrêté du même jour pris en application de ces deux décrets n'ont été publiés que le 21 septembre 2011 ; qu'ainsi, durant la période en litige, soit du 1er janvier 2004 au 30 novembre 2009, les actes de chiropraxie ne pouvaient être pratiqués que par les docteurs en médecine et, pour certains actes, sur prescription médicale, par les autres professionnels de santé habilités à les réaliser ;
7. Considérant qu'il incombe à M.A..., qui est le seul à disposer des éléments de nature à prouver que les prestations qu'il a effectuées pouvaient être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, de démontrer qu'il disposait de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalente à celles fournies, selon le cas, par un médecin ou par un membre d'une profession de santé réglementée ; qu'une telle appréciation ne peut être portée qu'au vu de la nature des actes accomplis sous la dénomination d'actes de chiropraxie et, s'agissant des actes susceptibles de comporter des risques en cas de contre-indication médicale, en considération des conditions dans lesquelles ils ont été effectués ; qu'il appartenait, dès lors, à M. A..., pour mettre le juge à même de s'assurer que la condition tenant à la qualité des actes était remplie, de produire, d'une part, et sous réserve de l'occultation des noms des patients, des éléments relatifs à sa pratique permettant d'appréhender, sur une période significative, la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils l'ont été et, d'autre part, tous éléments utiles relatifs à ses qualifications professionnelles ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a produit des éléments attestant, de manière suffisante, la qualité de la formation qu'il a suivie et du diplôme qu'il a obtenu ; qu'en revanche, il s'est borné à produire en première instance douze " fiches patients " qui, si elles sont relatives à la période d'imposition en litige, sont en nombre insuffisant ; que s'il a produit en appel trente nouvelles fiches, elles sont postérieures à la période d'imposition; qu'ainsi, il n'établit pas que les actes de chiropraxie qu'il a accomplis au cours de la période litigieuse peuvent être regardés comme d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin pratiquant la chiropraxie, auraient été exonérés de taxe sur la valeur ajoutée ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ; que par suite, les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 28 juin 2013 est annulé.
Article 2 : La requête de M. A...présentée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.