Vu la procédure suivante :
La société d'intérêt collectif agricole Cité Domaine Lorgeril a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 dans les rôles de la commune de Carcassonne ainsi que le sursis de paiement des impositions contestées.
Par un jugement n° 1103463 du 14 février 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 avril, 12 juillet et 22 novembre 2013 et le 26 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société d'intérêt collectif agricole Cité Domaine Lorgeril demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Patrick Quinqueton, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société d'intérêt collectif agricole Cité Domaine Lorgeril ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi ;
1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : (...) 6° a. Les bâtiments qui servent aux exploitations rurales (...) ; b. Dans les mêmes conditions qu'au premier alinéa du a, les bâtiments affectés à un usage agricole par les (...) sociétés d'intérêt collectif agricole (...) constituées et fonctionnant conformément aux dispositions légales qui les régissent (...) " ; qu'en faisant expressément référence aux conditions de l'exonération de taxe foncière prévue au a. du 6° de l'article 1382 du code général des impôts, laquelle concerne les bâtiments servant aux exploitations rurales, les dispositions du b. du même article ont entendu donner à la notion d'usage agricole qu'elles mentionnent une signification visant les opérations qui sont réalisées habituellement par les agriculteurs eux-mêmes et qui ne présentent pas un caractère industriel ; que pour l'application de ces dispositions, les opérations réalisées par une société d'intérêt collectif agricole fonctionnant conformément aux dispositions légales qui la régissent ne présentent pas un caractère industriel dès lors qu'elle met en oeuvre des moyens techniques qui n'excèdent pas les besoins collectifs de ses adhérents, quelle que soit l'importance de ces moyens ;
2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 532-1 du code rural devenu code rural et de la pêche maritime, applicable aux sociétés d'intérêt collectif créées après le 29 septembre 1967 : " Les personnes physiques ou morales énumérées à l'article L. 522-1 doivent disposer de moins des quatre cinquièmes des voix dans les assemblées générales des sociétés d'intérêt collectif agricole constituées postérieurement au 29 septembre 1967. / Ces sociétés ne peuvent effectuer plus de 50 % des opérations de chaque exercice avec des personnes physiques ou morales autres que les associés définis à l'article L. 522-1 " ; qu'aux termes de l'article R. 532-4 de ce code, seul applicable aux sociétés d'intérêt collectif créées avant le 29 septembre 1967 : " La moitié du chiffre d'affaires ou du volume des opérations des sociétés d'intérêt collectif agricole autres que celles soumises aux prescriptions d'un cahier des charges doit, au cours d'un exercice déterminé, être réalisée avec des sociétaires ayant la qualité d'agriculteurs ou de groupements pouvant s'affilier aux caisses de crédit agricole mutuel " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société d'intérêt collectif agricole (SICA) Cité Domaine Lorgeril a été assujettie à des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2009 et 2010 à raison d'un bâtiment situé à Carcassonne, dans lequel elle exerçait une activité de stockage, d'embouteillage et de conditionnement de vins ; qu'elle a formé une réclamation tendant à ce que lui soit accordée l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties prévue par les dispositions du 6° de l'article 1382 du code général des impôts ; que, pour décider qu'elle ne fonctionnait pas conformément aux dispositions qui la régissaient et ne pouvait dès lors prétendre à cette exonération, le tribunal administratif de Montpellier a relevé que, contrairement aux dispositions de l'article L. 532-1 du code rural et de la pêche maritime, plus de 50 % de son chiffre d'affaires était tiré des prestations fournies à la SAS Vignobles Lorgeril dont il a estimé qu'elle n'avait pas la qualité d'associé coopérateur au sens de l'article L. 522-1 du code rural et de la pêche maritime ;
4. Considérant que l'article 4 des statuts de la SICA Cité Domaine Lorgeril, qui avaient été versés au dossier des juges du fond, mentionne que la SICA a été créée le 19 juin 1962 ; que, par suite, en faisant application à cette SICA des dispositions de l'article L. 532-1 du code rural et de la pêche maritime, sans soulever d'office le moyen d'ordre public, dont le bien-fondé ressortait des pièces du dossier dont il était saisi, tiré de ce que ces dispositions ne lui étaient pas applicables, le tribunal, qui ne devait statuer qu'au regard de la seule règle prévue par l'article R. 532-4 de ce code, a commis une erreur de droit ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, son jugement doit ainsi être annulé ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement en date du 14 février 2013 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montpellier.
Article 3 : L'Etat versera à la SICA Cité Domaine Lorgeril une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société d'intérêt collectif agricole Cité Domaine Lorgeril et au ministre des finances et des comptes publics.