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10/07/2015 | FRANCE | N°388623

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 10 juillet 2015, 388623


Vu la procédure suivante :

A la suite de sa décision du 6 novembre 2014 rejetant le compte de campagne de M. A...B..., la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Grenoble, en application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral. Par un jugement n° 1407017 du 4 février 2015, ce tribunal, a jugé que le compte de campagne de l'intéressé n'avait pas été rejeté à bon droit, a fixé le montant du remboursement dû par l'Etat en application de l'article L. 52-11-1 du même code à 51 524,68 eu

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Vu la procédure suivante :

A la suite de sa décision du 6 novembre 2014 rejetant le compte de campagne de M. A...B..., la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Grenoble, en application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral. Par un jugement n° 1407017 du 4 février 2015, ce tribunal, a jugé que le compte de campagne de l'intéressé n'avait pas été rejeté à bon droit, a fixé le montant du remboursement dû par l'Etat en application de l'article L. 52-11-1 du même code à 51 524,68 euros et a décidé qu'il n'y avait pas lieu de déclarer M. B...inéligible en application des dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral.

Par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 mars 2015, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter le compte de campagne de M.B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Clémence Olsina, auditeur,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 juillet 2015, présentée par M. B...;

1. Considérant que, par une décision du 6 novembre 2014, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M.B..., élu conseiller municipal à l'issue des élections qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 dans la commune de Valence (Drôme), au motif que l'association " Valence Demain - association du parti socialiste " avait apporté des concours à sa campagne en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral ; que, saisi par cette Commission, le tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement du 4 février 2015 dont la Commission relève appel, jugé que le compte de campagne de l'intéressé n'avait pas été rejeté à bon droit, fixé le montant du remboursement dû par l'Etat en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral à 51 524,68 euros et décidé qu'il n'y avait pas lieu de déclarer M. B...inéligible en application des dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par M.B... :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 123 du code électoral : " Le recours contre la décision du tribunal administratif est ouvert soit au préfet, soit aux parties intéressées. Il doit, à peine d'irrecevabilité, être déposé au Conseil d'Etat, dans le délai d'un mois à partir de la notification de la décision qui leur est faite et qui comporte l'indication dudit délai." ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a reçu notification du jugement attaqué le 11 février 2015 ; que son appel contre ce jugement a été enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 mars 2015, dans le délai prévu par les dispositions citées ci-dessus ; que, dès lors, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la requête est tardive ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est au nombre des parties intéressées, au sens des dispositions citées au point 2, qui ont qualité pour contester un jugement fixant le montant du remboursement dû par l'Etat à un candidat aux élections municipales au titre de l'article L. 52-11-1 du code électoral ;

5. Considérant, en troisième lieu, que les moyens tirés de ce que la requête ne serait pas assortie de conclusions aux fins d'annulation ou de réformation du jugement attaqué et de ce qu'elle ne serait pas accompagnée de la copie de ce jugement manquent en fait ;

Sur le compte de campagne :

6. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués " ;

7. Considérant qu'eu égard à l'objet de la législation relative, d'une part, à la transparence financière de la vie politique, d'autre part, au financement des campagnes électorales et à la limitation des dépenses électorales, une personne morale de droit privé qui s'est assigné un but politique ne peut être regardée comme un " parti ou groupement politique " au sens de l'article L. 52-8 du code électoral que si elle relève des articles 8, 9 et 9-1 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ou s'est soumise aux règles fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi, qui imposent notamment aux partis et groupements politiques de ne recueillir des fonds que par l'intermédiaire d'un mandataire qui peut être soit une personne physique dont le nom est déclaré à la préfecture, soit une association de financement agréée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'association " Valence Demain - association du parti socialiste " a apporté à la liste conduite par M. B...un concours en nature équivalent à 3 895 euros et réglé 2 496 euros de dépenses de campagne ; qu'il n'est pas contesté que cette association, qui ne relève pas des articles 8, 9 et 9-1 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, ne s'est pas soumise aux règles fixées par ses articles 11 à 11-7 dès lors, notamment, qu'elle n'a pas déposé de compte auprès de la Commission requérante ni désigné de mandataire financier ; que, par suite, les concours apportés par cette association à la liste conduite par M. B...constituent un financement d'une campagne électorale par une personne morale de droit privé, prohibé par les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral ; qu'est sans incidence sur ce point la circonstance que cette association se présentait comme la section locale d'un parti politique ayant lui-même satisfait aux exigences de la loi du 11 mars 1988 ;

9. Considérant que, si les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral interdisent à toute personne morale autre qu'un parti politique de consentir des dons ou des avantages divers à un candidat, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative n'impliquent le rejet du compte de campagne au seul motif que le candidat a bénéficié d'un avantage au sens de ces dispositions ; qu'il y a lieu d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la nature de l'avantage, de son montant et des conditions dans lesquelles il a été consenti, si le bénéfice de cet avantage doit entraîner le rejet du compte ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'association " Valence Demain - association du parti socialiste " a mis gratuitement à disposition de la liste conduite par M. B... un local dont la location pendant cette période est évaluée à 3 895 euros et a réglé directement diverses dépenses de campagne pour un montant de 2 496 euros, ce qui représente un financement égal à 5,89 % du plafond des dépenses et 5,98 % du montant des recettes déclarées ; qu'eu égard à la nature de ce manquement, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a jugé que le compte de campagne de M. B...n'avait pas été rejeté à bon droit et a fixé le montant du remboursement dû par l'Etat en application de l'article L 52-11-1 du code électoral à 51 524, 68 euros et non à zéro euro ; que c'est également à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour juger qu'il n'y avait pas lieu de déclarer M. B... inéligible ;

Sur l'inéligibilité :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : " Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, (...) / le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. / Il prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales. / L'inéligibilité déclarée sur le fondement des premier à troisième alinéas est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. / Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office " ;

12. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'en-dehors des cas de fraude, il incombe au juge de l'élection, pour déterminer si un manquement est d'une particulière gravité au sens de ces dispositions, d'apprécier, d'une part, s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales, d'autre part, s'il présente un caractère délibéré ; qu'en cas de manquement aux dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, il incombe, en outre, au juge de tenir compte de l'importance de l'avantage ou du don irrégulièrement consenti et de rechercher si, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il a été susceptible de porter atteinte, de manière sensible, à l'égalité entre les candidats ;

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le manquement de M. B... aux dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral ne traduit aucune volonté de fraude et ne présente pas de caractère délibéré ; que le concours que l'association " Valence Demain - association du parti socialiste " a apporté à sa campagne ne peut, en dépit de son montant, être regardé comme ayant été de nature à porter atteinte, de manière sensible, à l'égalité entre les candidats ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le manquement de M. B... n'est pas d'une particulière gravité ; qu'il n'y a donc pas lieu de le déclarer inéligible ;

14 Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est seulement fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il juge que le compte de campagne de M. B... n'a pas été rejeté à bon droit et qu'il fixe le montant du remboursement dû par l'Etat à 51524, 68 euros ;

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 février 2015 est annulé en tant qu'il juge que le compte de campagne de M. B...n'a pas été rejeté à bon droit et qu'il fixe le montant du remboursement dû par l'Etat à 51 524, 68 euros.

Article 2 : Le compte de campagne de M. B...a été rejeté à bon droit.

Article 3 : Le montant du remboursement dû par l'Etat à M. B...en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral est arrêté à zéro euro.

Article 4 : Le surplus de la requête de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6ème / 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 388623
Date de la décision : 10/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2015, n° 388623
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Clémence Olsina
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:388623.20150710
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