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08/07/2015 | FRANCE | N°388370

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère ssr, 08 juillet 2015, 388370


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire enregistré le 10 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. A...B...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur son recours gracieux tendant à ce que les dispositions de l'article R. 422 42 du code de l'environnement soient modifiées, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de

la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution d...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire enregistré le 10 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. A...B...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur son recours gracieux tendant à ce que les dispositions de l'article R. 422 42 du code de l'environnement soient modifiées, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 422-10, L. 422-13 et L. 422-18 du code de l'environnement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que l'article L. 422-10 du code de l'environnement dispose : " L'association communale [de chasse agréée] est constituée sur les terrains autres que ceux : 1° Situés dans un rayon de 150 mètres autour de toute habitation / (...) / 3° Ayant fait l'objet de l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse sur des superficies d'un seul tenant supérieures aux superficies minimales mentionnées à l'article L. 422-13 " ; qu'aux termes de l'article L. 422-13 du même code : " I. - Pour être recevable, l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse mentionnés au 3° de l'article L. 422-10 doit porter sur des terrains d'un seul tenant et d'une superficie minimum de vingt hectares. / II. - Ce minimum est abaissé pour la chasse au gibier d'eau : / 1° A trois hectares pour les marais non asséchés ; / 2°A un hectare pour les étangs isolés ; / 3° A cinquante ares pour les étangs dans lesquels existaient, au 1er septembre 1963, des installations fixes, huttes et gabions. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 422-18 du même code : " L'opposition formulée en application du 3° ou du 5° de l'article L. 422-10 prend effet à l'expiration de la période de cinq ans en cours, sous réserve d'avoir été notifiée six mois avant le terme de cette période. A défaut, elle prend effet à l'expiration de la période suivante (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 422-42 du même code : " Le territoire de chasse pouvant faire l'objet d'une opposition en vertu du 3° de l'article L. 422-10 doit être d'un seul tenant. Les voies ferrées, routes, chemins, canaux et cours d'eau non domaniaux ainsi que les limites de communes n'interrompent pas la continuité des fonds " ;

3. Considérant, en premier lieu, que la question prioritaire de constitutionnalité de M. B...a été présentée à l'appui de son recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation de la décision implicite née du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande de modification de l'article R. 422-42 du code de l'environnement ; que cet article précise les modalités d'application des articles L. 422-10 et L. 422-13 du même code, qui doivent ainsi être regardés comme applicables au litige ; qu'en revanche, l'article R. 422-42 ne précise pas les conditions d'application de l'article L. 422-18 ; que, dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 422-18 ne peuvent être regardées comme applicables au litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le régime des associations de chasse agréées répond à l'objectif d'intérêt général visant à prévenir une pratique désordonnée de la chasse et à favoriser une gestion rationnelle du patrimoine cynégétique ; que la différence de traitement entre les propriétaires selon la superficie de leurs parcelles répond aussi à cet objectif ; qu'elle est également instituée dans l'intérêt des propriétaires de petites parcelles, qui peuvent, lorsqu'ils sont adeptes de la chasse, se regrouper pour pouvoir disposer d'un territoire de chasse plus grand et ont également la possibilité d'affecter leur terrain à un usage conforme à leur choix de conscience, dans les conditions prévues au 5° de l'article L. 422-10 du code de l'environnement ; que s'il résulte d'une jurisprudence établie que, pour apprécier le respect de la condition d'une superficie d'au moins vingt hectares posée par les dispositions précitées de l'article L. 422-13 du code de l'environnement, il y a lieu d'exclure les terrains situés dans un rayon de 150 mètres autour d'une habitation, la différence de traitement qui en résulte entre propriétaires, selon que leur terrain comporte ou non une habitation, est justifiée par le fait que les terrains ainsi exclus ne peuvent en tout état de cause relever du périmètre de l'association ; que, dès lors, la question soulevée de la méconnaissance, par le 3° de l'article L. 422-10 et le I de l'article L. 422-1, du principe d'égalité et du droit de propriété est dépourvue de caractère sérieux ;

5. Considérant, en troisième lieu, que M. B...soutient que les dispositions du 3° de l'article L. 422-10 et du II de l'article L. 422-13 du code de l'environnement introduisent une rupture d'égalité entre propriétaires d'étangs compris entre 1 hectare et 50 ares, selon qu'existaient ou non dans ces étangs des installations fixes, huttes et gabions au 1er septembre 1963, sans qu'elle ne soit justifiée par un motif d'intérêt général ; que, toutefois, en prévoyant que pouvaient faire l'objet d'une opposition à leur inclusion dans le territoire d'une association de chasse agréée les étangs de plus de 50 ares dans lesquels existaient des installations fixes, huttes et gabions au 1er septembre 1963, le législateur a entendu préserver les modes de chasse traditionnels locaux s'y rapportant et prendre en compte la situation de propriétaires ayant aménagé leur étang pour la chasse à une époque où l'inclusion de celui-ci dans le territoire d'une association communale n'était pas envisagée ; qu'il a ainsi entendu tenir compte de ce que ces propriétaires se trouvent, au regard de l'objet de la loi, dans une situation différente de celle des propriétaires d'étangs non encore aménagés ; que la question soulevée de la méconnaissance du principe d'égalité ne présente donc pas un caractère sérieux ; que, par ailleurs, la circonstance que les dispositions critiquées conduiraient à une " cohabitation contrainte " des pêcheurs, chasseurs et usagers autour des étangs n'est pas par elle-même de nature à démontrer que ces dispositions méconnaîtraient l'article 1er de la Charte de l'environnement aux termes duquel " Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé " ; que la question soulevée de la méconnaissance de ces dispositions n'a donc pas davantage de caractère sérieux ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions législatives contestées portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des articles L. 422-10, L. 422-13 et L. 422-18 du code de l'environnement.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 388370
Date de la décision : 08/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2015, n° 388370
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:388370.20150708
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