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08/07/2015 | FRANCE | N°370656

France | France, Conseil d'État, 9ème / 10ème ssr, 08 juillet 2015, 370656


Vu la procédure suivante :

La société Peugeot a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles, ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2002 pour un montant de 59 322 606 euros. Par un jugement n° 0606311 du 30 août 2011, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 11VE03789 du 30 mai 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé l'articl

e 2 de ce jugement et accordé à la société Peugeot la décharge qu'elle demanda...

Vu la procédure suivante :

La société Peugeot a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles, ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2002 pour un montant de 59 322 606 euros. Par un jugement n° 0606311 du 30 août 2011, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 11VE03789 du 30 mai 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé l'article 2 de ce jugement et accordé à la société Peugeot la décharge qu'elle demandait.

Par un pourvoi et deux mémoires en réplique, enregistrés les 29 juillet 2013, 24 mars 2015 et 10 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre délégué, chargé du budget, demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Japiot, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société Peugeot ;

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 223 D du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " La plus-value nette ou la moins-value nette à long terme d'ensemble est déterminée par la société mère en faisant la somme algébrique des plus-values ou des moins-values nettes à long terme de chacune des sociétés du groupe (...) / La plus-value nette à long terme d'ensemble fait l'objet d'une imposition séparée dans les conditions prévues au a bis du I de l'article 219./ (...) En cas de cession entre sociétés du groupe de titres éligibles au régime des plus ou moins-values à long terme, les dotations aux provisions pour dépréciation de ces titres effectuées postérieurement à la cession sont également ajoutées à la plus-value nette à long terme d'ensemble ou retranchées de la moins-value nette à long terme d'ensemble, à hauteur de l'excédent des plus-values ou profits sur les moins-values ou pertes afférent à ces mêmes titres, qui n'a pas été pris en compte, en application du premier alinéa de l'article 223 F, pour le calcul du résultat ou de la plus ou moins-value nette à long terme d'ensemble. (...) " ; qu'aux termes de l'article 223 F du même code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " La fraction de la plus-value ou de la moins-value afférente à la cession entre sociétés du groupe d'un élément d'actif immobilisé, acquise depuis sa date d'inscription au bilan de la société du groupe qui a effectué la première cession, n'est pas retenue pour le calcul du résultat ou de la plus-value ou de la moins-value nette à long terme d'ensemble au titre de l'exercice de cette cession./ (...)Lors de la cession hors du groupe du bien ou de la sortie du groupe d'une société qui l'a cédé ou de celle qui en est propriétaire, la société mère doit comprendre dans le résultat ou plus-value ou moins-value nette à long terme d'ensemble, le résultat ou la plus-value ou la moins-value qui n'a pas été retenu lors de sa réalisation. " ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (membres du groupe intégré) b) (membres du groupe intégré) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; (membres du groupe intégré) L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Automobiles Citroën, filiale de la société Peugeot, tête du groupe fiscalement intégré PSA, a souscrit, le 19 décembre 2001, à une augmentation de capital de la société Citroën Félix-Faure, membre du groupe intégré, puis a cédé à celle-ci, le 28 décembre de la même année, sa participation dans le capital de la société commerciale Citroën, également membre de ce groupe ; qu'elle a enregistré, à la suite de cette cession, une moins-value d'un montant de 154 379 107 euros, soumise au régime des plus ou moins-values à long terme prévu par les dispositions du I de l'article 219 du code général des impôts ; que cette moins-value a été neutralisée pour la détermination du résultat d'ensemble à long terme en application des dispositions précitées de l'article 223 F du même code ; qu'il a en a été de même, en vertu des dispositions de l'article 223 D du même code, de la reprise de la provision pour dépréciation des titres en cause, comptabilisée pour un montant de 160 879 296 euros par la société Automobiles Citroën ; que, par un traité de fusion approuvé le 29 avril 2002, la société Citroën Félix-Faure a ensuite absorbé la société commerciale Citroën avec effet rétroactif au 1er janvier 2002 dans le cadre d'une fusion simplifiée ; que la dissolution de cette dernière société ayant entraîné sa sortie du groupe fiscal intégré au titre de l'exercice clos en 2002, la société Peugeot a déduit du résultat à long terme du groupe PSA la moins-value de cession des titres, d'un montant de 154 379 107 euros, en application des dispositions précitées de l'article 223 F ; que l'administration a remis en cause, sur le fondement des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, la cession, par la société Automobiles Citroën, des titres de la société commerciale Citroën à la société Citroën Félix-Faure, préalablement à la fusion de ces deux sociétés, au motif que l'opération en litige avait eu pour seul objet de permettre à la fois la reprise, en franchise d'impôt, de la provision constituée pour dépréciation des titres de la société commerciale Citroën, et la déduction, du résultat d'ensemble du groupe intégré, de la moins-value subie sur ces mêmes titres ; que, par un jugement du 30 août 2011, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la société Peugeot tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2002 et des pénalités correspondantes ; que le ministre délégué, chargé du budget, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 mai 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé l'article 2 de ce jugement, a déchargé la société Peugeot de ces impositions et pénalités ;

4. Considérant que, pour faire droit aux conclusions de la société, la cour a jugé, en premier lieu, que le ministre ne démontrait pas que l'allègement de l'impôt sur les sociétés obtenu en 2002 par la société Peugeot, en conséquence de l'imputation de la moins-value litigieuse de 154 379 107 euros sur son résultat d'ensemble, allait à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur ; que toutefois en insérant les dispositions, citées au point 1, des articles 223 D et 223 F du code général des impôts, le législateur a instauré un principe général de neutralisation des opérations internes à un groupe fiscalement intégré, ainsi que le ministre l'a fait valoir à bon droit devant la cour, visant à éviter une double prise en compte, dans le résultat d'ensemble, du résultat des sociétés intégrées, et qu'à cet égard, la neutralisation des provisions pour dépréciation de titres de participation et des reprises de provisions portant sur ces titres ne se justifie que si les sociétés concernées demeurent... ; qu'ainsi, la cour a donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée en refusant de regarder la cession de titres réalisée à la fin de 2001 comme un élément d'un montage artificiel qui a permis au groupe, à l'encontre des objectifs poursuivis par les auteurs des articles 223 D et 223 F du code général des impôts, de déduire de son résultat d'ensemble la moins-value constatée sur les titres de la société commerciale Citroën, tout en neutralisant la reprise de provision antérieurement constituée sur les titres de cette société, alors même que cette dernière quittait le groupe par l'effet de son absorption par la société Citroën Félix Faure ;

5. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si la fusion de la société commerciale Citroën et de la société Citroën Félix Faure répondait, ainsi que l'a jugé la cour, à des objectifs autres que fiscaux, le ministre a soutenu devant la cour que la cession préalable des titres de la société commerciale Citroën à la société Citroën Félix Faure, trois jours avant la clôture de l'exercice précédent, qui a permis la neutralisation de la reprise sur provision pour dépréciation des titres en cause, d'un montant de 160 879 296 euros, n'a, quant à elle, pu être inspirée par aucun autre motif que celui de réduire les charges fiscales que le groupe intégré aurait normalement supportées, compte tenu de la fusion opérée et quel qu'ait été le sens de cette fusion ; que la société Peugeot s'est bornée, devant les juges du fond, à invoquer des circonstances qui n'étaient pas de nature à justifier l'existence d'un objectif autre que fiscal à cette cession de titres à la fin de l'exercice précédent, tirées principalement, d'une part, de la volonté de préserver une créance de la société Citroën Félix Faure en matière de taxe sur la valeur ajoutée, qui ne nécessitait nullement de procéder à la cession de titres contestée par le ministre, et d'autre part, de ce que la société Peugeot n'était pas partie aux opérations en cause et de ce que les dispositions des articles 223 D et 223 F du code général des impôts n'ouvraient aucune option au contribuable ; que, dès lors, la cour a également donné aux faits qui lui étaient soumis une qualification juridique erronée en déduisant de ces constatations, sur ce second terrain, que l'administration n'établissait pas que les opérations litigieuses n'avaient pu être inspirées par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que la société mère du groupe aurait normalement supportées, eu égard à la situation et aux activités réelles des sociétés du groupe, si celles-ci n'avaient pas réalisé ces opérations ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre délégué, chargé du budget, est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 30 mai 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Peugeot au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à la société Peugeot.


Synthèse
Formation : 9ème / 10ème ssr
Numéro d'arrêt : 370656
Date de la décision : 08/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2015, n° 370656
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Japiot
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:370656.20150708
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