Vu la procédure suivante :
La SARL Floss a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Amiens, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 25 août 2014 par lequel le préfet de l'Oise a autorisé les agents et mandataires de la communauté d'agglomération creilloise et de la société anonyme d'économie mixte Sequano Aménagement à pénétrer dans sa propriété, située 6 rue des usines à Creil. Par une ordonnance n° 1500068 du 21 janvier 2015, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 février et 5 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SARL Floss demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à sa demande de suspension ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la SARL Floss et à la SCP Delvolvé, avocat de la communauté d'agglomération creilloise ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 522-1 du même code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit contenir l'exposé au moins sommaire des faits et moyens et justifier de l'urgence de l'affaire (...) " ;
2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;
3. Considérant que, par un arrêté du 25 août 2014, pris sur le fondement de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics, le préfet de l'Oise a autorisé les agents de la communauté d'agglomération creilloise et de la société Sequano Aménagement à pénétrer dans certaines propriétés privées situées à Creil (Oise), en vue de réaliser des études techniques préalables liées à la conservation de certains bâtiments existants, et relatives aux aménagements de ces secteurs, des études de maîtrise d'oeuvre, et en vue d'établir un état des lieux du site et des bâtiments ; que, saisi par la SARL Floss, propriétaire d'une parcelle concernée par cet arrêté, d'une demande de suspension de cette décision, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a, par l'ordonnance attaquée, rejeté cette demande au motif que la condition d'urgence requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'était pas remplie ;
4. Considérant, d'une part, que l'exécution d'un arrêté pris sur le fondement de l'article 1er de la loi du 29 décembre 1892 et autorisant des agents de l'administration ou ses mandataires à pénétrer dans des propriétés privées pour y exécuter les opérations nécessaires à l'étude des projets de travaux publics n'est pas, par elle-même, constitutive d'une situation d'urgence au sens des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; qu'il suit de là que le juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'un tel arrêté, n'a pas commis d'erreur de droit en portant une appréciation concrète sur l'urgence au vu des justifications fournies par le requérant, sans retenir l'existence d'une présomption d'urgence ;
5. Considérant, d'autre part, qu'après avoir rappelé la portée de l'arrêté dont la suspension était demandée, le juge des référés a estimé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'au regard des intérêts en présence, les interventions autorisées par l'arrêté attaqué, consistant en la collecte d'informations pendant une durée de trois jours, seraient de nature à porter une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts de la SARL Floss pour permettre de regarder la condition d'urgence comme satisfaite ; que, ce faisant, le juge des référés s'est livré à une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la SARL Floss doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros à verser à la communauté d'agglomération creilloise, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SARL Floss est rejeté.
Article 2 : La SARL Floss versera à la communauté d'agglomération creilloise une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL Floss, à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, à la communauté d'agglomération creilloise et à la société d'économie mixte Sequano Aménagement.