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18/06/2015 | FRANCE | N°390466

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 18 juin 2015, 390466


Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la commune de Nouméa et à la Nouvelle-Calédonie de lui verser immédiatement les sommes afférentes à sa rémunération du mois d'avril 2015. Par une ordonnance n° 1500128 du 12 mai 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a enjoint à la commune de Nouméa de lui verser le montant de son salaire du mois d'avril, dans un délai

de cinq jours, sous astreinte de 10 000 francs CFP par jour de retard.

Par...

Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la commune de Nouméa et à la Nouvelle-Calédonie de lui verser immédiatement les sommes afférentes à sa rémunération du mois d'avril 2015. Par une ordonnance n° 1500128 du 12 mai 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a enjoint à la commune de Nouméa de lui verser le montant de son salaire du mois d'avril, dans un délai de cinq jours, sous astreinte de 10 000 francs CFP par jour de retard.

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 et 28 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Nouméa, représentée par son maire, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le droit à rémunération d'un fonctionnaire n'est pas une liberté fondamentale au sens du référé-liberté ni une composante du droit de propriété ;

- la perception d'un salaire ne peut être que la contrepartie d'un service fait ;

- l'arrêté du 25 mars 2015 est entaché d'incompétence et méconnaît le principe de libre administration dès lors qu'il a été pris par la présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à qui il n'appartenait pas de réintégrer Mme B... au sein des services de la commune.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2015, Mme B... conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint à la Nouvelle-Calédonie de lui verser immédiatement les sommes afférentes à sa rémunération au titre du mois d'avril 2015, sous astreinte de 50 000 francs CFP par jour de retard et, en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de la Nouvelle-Calédonie et de la commune de Nouméa le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la privation de son traitement de fonctionnaire, qui constitue son seul moyen d'existence, porte une atteinte grave au droit de propriété et à ses conditions d'exercice ;

- l'atteinte portée au droit de propriété est manifestement illégale dès lors qu'elle est en activité depuis le 1er avril 2015 ;

- la condition d'urgence est remplie.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la commune de Nouméa, d'autre part, MmeB... et la Nouvelle-Calédonie ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 4 juin à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Texidor, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Nouméa ;

- les représentants de la commune de la Nouméa ;

- Me Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B... ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au vendredi 12 juin à 12 heures ;

Par un mémoire, enregistré le 9 juin 2015, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- il avait compétence pour prendre un arrêté afin de réintégrer Mme B... dans son cadre d'origine ;

- à compter de l'expiration de sa période de détachement, l'intéressée devait être réintégrée à un poste correspondant à son grade au sein de la commune de Nouméa.

Par un mémoire, enregistré le 9 juin 2015, la commune de Nouméa conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens.

Par un mémoire, enregistré le 12 juin 2015, Mme B...conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;

- l'arrêté n° 1065 du 22 août 1953 ;

- le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant qu'à la différence d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à laquelle il peut être satisfait s'il est justifié d'une situation d'urgence et de l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, une demande présentée au titre de la procédure particulière de l'article L. 521-2 du même code implique, pour qu'il y soit fait droit, qu'il soit justifié, non seulement d'une situation d'urgence particulière rendant nécessaire l'intervention d'une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures, mais encore d'une atteinte grave portée à la liberté fondamentale invoquée ainsi que de l'illégalité manifeste de cette atteinte ;

3. Considérant que MmeC..., attachée territoriale du cadre de l'administration générale de la Nouvelle-Calédonie a été nommée en position d'activité au sein des services de la commune de Nouméa à compter du 22 septembre 2008 ; que, de 2009 à 2014, elle a été placée en position de détachement pour servir sous l'autorité du président de la province Sud, puis du directeur de l'" Ecole de la deuxième chance " ; qu'à la suite de sa demande de réintégration, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie l'a réintégrée dans son cadre d'origine par un arrêté du 25 mars 2015 et l'a placée en position d'activité pour servir sous l'autorité du maire de Nouméa ; que l'intéressée a, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'enjoindre à la commune de Nouméa de lui verser son traitement du mois d'avril 2015 ; que la commune de Nouméa relève appel de l'ordonnance du 12 mai 2015 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a fait droit à la demande de Mme B...;

Sur la requête de la commune de Nouméa :

4. Considérant, en premier lieu, que la commune de Nouméa ne critique pas en appel le motif par lequel le premier juge a estimé que la condition particulière d'urgence requise par les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative était en l'espèce remplie ; qu'il n'appartient pas au juge d'appel de s'en saisir d'office ;

5. Considérant, en second lieu, que la commune de Nouméa soutient que la décision du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie réintégrant Mme B...dans son cadre d'origine et la plaçant en position d'activité pour servir sous l'autorité du maire de Nouméa serait entachée d'incompétence et méconnaitrait le principe de libre administration des collectivités territoriales ; qu'il ressort de l'instruction que le refus de la commune de Nouméa de verser sa rémunération du mois d'avril à Mme B...ne peut être regardé comme entaché d'une illégalité manifeste au regard des dispositions régissant les compétences respectives du maire de Nouméa et du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en ce qui concerne l'affectation de Mme B...à l'issue de son détachement et la prise en charge de son traitement ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, il en résulte que la commune de Nouméa est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée et le rejet de la demande présentée par Mme B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Nouméa en tant qu'elle est dirigée contre la commune de Nouméa ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce faire droit à la demande de la commune de Nouméa tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur l'appel incident de MmeB... :

6. Considérant que Mme B...demande que le versement de son traitement soit mis à la charge de la Nouvelle-Calédonie dans le cas où il serait fait droit à l'appel de la commune de Nouméa ; que le président du gouvernement de la Nouvelle Calédonie soutient que l'intéressée devait être réintégrée à un poste au sein de la commune de Nouméa à l'issue de son détachement et qu'il incombait à la commune de la rémunérer ; qu'il ressort de l'instruction que le refus du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie d'assurer la rémunération du mois d'avril de Mme B...ne peut être regardé comme entaché d'une illégalité manifeste au regard des dispositions régissant les compétences respectives du maire de Nouméa et du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en ce qui concerne l'affectation de Mme B...à l'issue de son détachement et la prise en charge de son traitement ; que la demande de Mme B...ne peut dès lors qu'être rejetée, ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dirigées tant contre la commune de Nouméa que contre la Nouvelle-Calédonie ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance n° 1500128 du 12 mai 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et ses conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Nouméa au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Nouméa, à Mme A...B...et au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 390466
Date de la décision : 18/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2015, n° 390466
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR ; HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:390466.20150618
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